Un premier vaccin contre le paludisme dès 2015 ?
La perspective de la commercialisation, d’ici à la fin de 2015, d’un premier vaccin contre le paludisme a été accueillie mardi avec intérêt mais prudence par les experts luttant contre la maladie, l’une des plus meurtrières d’Afrique.
Le paludisme tue 660 000 Africains chaque année, pour l’essentiel des enfants de moins de 5 ans. Mardi 8 octobre, le groupe pharmaceutique britannique GSK a annoncé qu’il allait solliciter un premier feu vert scientifique auprès de l’Agence européenne du médicament (EMA) pour un vaccin antipaludéen, après des essais jugés "encourageants".
"C’est le premier vaccin contre la malaria", a indiqué à l’AFP Sophie Biernaux, une responsable du projet chez GSK, lors d’une conférence sur le paludisme à Durban (Afrique du sud). "On a mis 27 ans pour le développer (…) et nous sommes actuellement les seuls à avoir ces données-là pour un large nombre d’enfants, puisqu’on a testé le vaccin sur 15 000 enfants qui vivent en Afrique sub-saharienne".
Durant les tests, assure GSK, le vaccin a permis de réduire de 46% le nombre de cas chez les enfants vaccinés entre 5 et 17 mois, et de 27% chez les nourrissons de 6 à 12 semaines, sur une période de 18 mois. Ce vaccin n’est donc pas encore le remède miracle, mais pourrait s’avérer déterminant dans la lutte contre le paludisme.
"Efficace partout"
Au Gabon, où le paludisme est responsable de 70% des hospitalisations et reste l’une des principales causes de mortalité, l’espoir l’emporte sur les incertitudes : "L’efficacité de ce vaccin tourne autour de 50%, ce qui n’est pas très grand comparé aux autres vaccins contre la polio par exemple. Mais vu le taux de prévalence du paludisme en Afrique, vous pouvez imaginer l’impact que ça va avoir sur les populations si le taux de mortalité baisse de 50%", note le professeur Bertrand Lell, co-directeur du Centre de recherches médicales de Lambaréné. "Ce qui est très bien avec ce vaccin, reprend-il, c’est qu’il est efficace partout. On a comparé tous les pays qui ont participé à l’étude, et il marche aussi bien dans la forêt équatoriale gabonaise, où il y a du palu toute l’année, que dans le nord du Burkina Faso, où c’est seulement trois mois par an".
Martin de Smet, spécialiste du paludisme chez Médecin Sans Frontières (MSF) s’est également félicité, tout en relativisant cette découverte : "Tout progrès dans la lutte contre le paludisme est le bienvenu, et ce vaccin peut devenir une nouvelle arme importante pour nous. Mais il ne va pas remplacer d’autres méthodes déjà en usage. (…) Ce vaccin n’est efficace qu’à 50%, et la protection qu’il offre diminue au bout de deux ans et encore plus après trois ans."
Difficultés d’accès aux soins
Par ailleurs, note cet expert, les populations les plus menacées sont les plus pauvres, vivant dans les endroits les plus difficiles d’accès. "Les villages sont généralement isolés, les gens doivent marcher plusieurs jours pour atteindre un centre de soins, et le vaccin a besoin d’être réfrigéré".
En République démocratique du Congo (RDC), où 18 000 enfants meurent chaque année du paludisme, le Dr. John Gikapa, conseiller technique de l’association SANRU auprès du ministère de la Santé, voit dans cette annonce une bonne nouvelle, mais souligne que "le vaccin ne s’oppose pas aux autres mesures et moyens de prévention et de traitement qui existent". L’association, comme de nombreuses ONGs spécialisées contre la malaria, privilégie la prévention en prônant l’usage de moustiquaires imprégnées d’insecticide, qui restent le meilleur moyen de se prémunir contre la maladie.
Si l’EMA donne en 2014 un avis scientifique favorable, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pourrait recommander le vaccin dès 2015, ce qui ouvrirait la voie à une diffusion en Afrique (principalement à travers l’Unicef et le programme humanitaire Gavi Alliance) à prix réduit, avec une marge de seulement 5%, assure le groupe pharmaceutique.
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