Chemises de Pathé’O : « Mandela n’a pas eu honte. Il n’était pas comme les autres »
Parmi les personnalités du continent parties rendre un dernier hommage à Nelson Mandela en Afrique du Sud, Pathé Ouédraogo, l’un des tailleurs préférés du père de la nation Arc-en-ciel. Car Madiba, contrairement à d’autres dirigeants, n’hésitait pas à porter des chemises africaines en toute circonstance.
À la différence de nombreux dirigeants du continent, Nelson Mandela avait l’habitude de porter des chemises colorées, d’inspiration africaine et réalisées par des couturiers africains. Parmi eux, le tailleur Pathé Ouédraogo, dit Pathé’O, Burkinabè d’origine et Ivoirien d’adoption, qui se souvient avec émotion de sa relation avec Mandela.
Celui-ci découvre son travail en "en 1994 ou 1995" quand la chanteuse Miriam Makeba, de passage en Côte d’Ivoire, vient acheter cinq chemises pour le président sud-africain. Il lui en offre deux supplémentaires pour le grand homme et reçoît "quelques temps après, une lettre écrite de sa main (…). Il me disait : ‘L’Afrique de demain appartient aux créateurs de richesse’".
Les deux hommes se rencontreront à Ouagadougou, lors d’un sommet de l’Union africaine, en 1998. Le héros de la lutte contre l’apartheid consacre une demi-heure à celui que d’aucuns décriront alors comme "le couturier de Mandela". Un traducteur facilite leurs échanges. "Très souvent, quand vous êtes reçu par les chefs de l’État, il y a une espèce de barrière entre vous. Mais lui non, quand il est arrivé, il m’a pris comme ça (par le bras), puis il a tâté ma tête, et il m’a dit: ‘cette tête-là, il y a beaucoup de choses dedans’", sourit-il.
Dans la boutique de Pathé’O, à Treichville, en Côte d’Ivoire. © Hervé Sévi/AFP
"Il fallait oser"
"Il aurait pu dire: ‘c’est qui ça, un couturier, un tailleur ?’ Quel chef d’État va oser toucher un tailleur ? (…) Mais il m’a écouté. Il m’a pris par la main alors qu’il ne m’avait jamais vu. On a marché dans le jardin. (…) La différence avec les autres, c’est qu’en portant mes chemises, il ne s’est jamais dit : ‘Est-ce que ça me va ? Est-ce que je ne suis pas ridicule ? Est-ce que je ne dois pas ressembler à tel ou tel chef d’État ?’"
"C’était quelqu’un qui savait, qui croyait et qui vivait ce qu’il voulait. Il fallait oser. Il n’a pas eu peur de mettre ça. Il n’a pas eu honte. (…) Il n’était pas comme les autres", souligne Pathé’O, en faisant référence à la propension des dirigeants et élites africaines à arborer le costume occidental en toute circonstance.
"Il était comme un père pour moi"
"Comme Mandela est très médiatique… tout le monde a bénéficié de son nom, y compris nous", reconnaît le longiligne tailleur d’environ 60 ans, dont les produits s’acquièrent désormais dans une dizaine de capitales africaines, la chemise valant entre 15 et 120 000 francs CFA (23 à 183 euros). En face de son atelier de Treichville, dans sa jolie boutique bariolée, des photos le montrent aux côtés de Madiba, Koffi Annan, Naomi Campbell, Desmond Tutu, qu’il a habillés ou habille encore… Et depuis la mort de Mandela, la chemise africaine a encore gagné en popularité.
Dans l’atelier de Pathé’O, à Treichville, en Côte d’Ivoire. © Hervé Sévi/AFP
Dans l’atelier, une trentaine de petites mains s’affairent, dans un ronronnement de machines à coudre et de musique, pour répondre à la demande. "Toutes les boutiques appellent depuis dimanche. Pourtant, il y avait un stock spécial pour cela. Mais il n’existe plus. On est en train d’en fabriquer", explique Pathé’O. Qui, de son côté, s’apprêtait à rejoindre l’Afrique du Sud, jeudi, afin de rendre un dernier hommage à Madiba et "pour dire (à sa famille) que je compatis… Il était comme un père pour moi".
(Avec AFP)
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