RDC : assassinat de Mamadou Ndala, l’enquête s’oriente vers la piste FARDC

L’enquête sur l’assassinat du colonel Mamadou Ndala se poursuit à Beni, dans l’est de la RDC. Loin de la version officielle de départ, qui attribuait l’attaque à la roquette ayant tué l’officier aux rebelles ougandais de l’ADF, la piste d’un règlement de comptes au sein de l’armée paraît désormais la plus « sérieuse ».

Le colonel Mamadou Ndala et ses hommes près d’Eringeti, le 31 décembre 2012. © AFP

Le colonel Mamadou Ndala et ses hommes près d’Eringeti, le 31 décembre 2012. © AFP

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Publié le 9 janvier 2014 Lecture : 4 minutes.

"Nous sommes sur une piste sérieuse." Richard Muyej, le ministre congolais en charge notamment de la Sécurité, ne nous en dira pas plus. Comme lui, la plupart des responsables congolais restent discrets sur l’avancée de l’enquête ouverte à la suite de l’attaque à la roquette, le 2 janvier, contre la jeep du colonel Mamadou Ndala, à quelque 10 km de la ville de Beni, dans l’est de la RDC.

Une vidéo tournée quelques minutes après l’attaque (certaines images peuvent choquer) :

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Lire aussi : Mamadou Ndala, la bête noire du M23, est mort.

Hypothèse ADF jugée "pas crédible"

Quelle est la "piste sérieuse" dont parle le ministre ? Une chose semble acquise : il ne s’agit plus de celle qui accusait les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF) de la mort de l’officier, auréolé du renouveau des Forces armées de la RDC (FARDC). Une source proche de l’enquête le confirme à Jeune Afrique. "L’hypothèse des ADF, annoncée par Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais, est en train d’être abandonnée car jugée hâtive et peu convaincante." Et notre interlocuteur d’ajouter : "La zone [où a lieu l’attaque] était suffisamment occupée par les militaires des FARDC et les assaillants auraient été aperçus portant l’ancienne tenue de couleur verte de l’armée."

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Mamadou Ndala craignait d’être trahi par ses propres frères d’armes.

Me Omar Kavota, porte-parole de la société civile de Beni

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Même pour la société civile locale (associations, syndicats…), l’hypothèse d’une attaque ADF n’est pas crédible. Me Omar Kavota, son porte-parole, un des premiers à mettre en doute la version officielle attribuant d’emblée l’attaque aux rebelles ougandais, affirme que "les FARDC avaient déjà ratissé le terrain une semaine plus tôt et s’étaient déployées jusqu’à une soixantaine de kilomètres de Beni." Selon lui, il faut donc chercher ailleurs les auteurs de l’attentat. "Au sein des FARDC, voire au-delà", lâche-t-il. Me Kavota dit avoir rencontré, le 23 décembre, le colonel Mamadou Ndala au Rock Hôtel de Beni. "Il était confiant et déterminé à traquer les ADF comme il avait fait avec le M23 [Mouvement du 23-Mars, rébellion récemment défaite, NDRL]. Mais il craignait d’être trahi par ses propres frères d’armes", se souvient-il.

La révanche des ex-CNDP ?

Crainte légitime ? Les premiers éléments de l’enquête semblent le démontrer. Des officiers de l’armée sont en effet soupçonnés d’avoir commandité l’attaque. Après qu’on a retrouvé le téléphone portable de son garde du corps sur le lieu de l’attaque, le colonel Tito Bizuru, numéro un des FARDC dans la ville de Beni, a été mis aux arrêts. Cet officier est un ancien rebelle du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple). Il avait réintégré l’armée en 2009 après la signature de l’accord du 23 mars qui avait mis fin à la rébellion de Laurent Nkunda.

L’heure est à la suspicion au sein des FARDC. Et les ex-CNDP ne sont pas les seuls suspects.

Après la mutinerie menée par plusieurs ex-combattants du CNDP en avril 2012, déclenchant la rébellion du M23, le colonel Bizuru n’avait pas fait défection. "Mais rien n’indique qu’il n’était pas resté en intelligence avec ses amis", tacle un officier de l’armée à Beni qui a requis l’anonymat. Pour lui, "l’assassinat de Mamadou Ndala est un règlement de comptes des ex-CNDP, pour la plupart rwandophones, contre celui qui a vaincu le M23 qui bénéficiait du soutien du Rwanda", accuse-t-il.

L’heure est à la suspicion au sein des FARDC. Et les ex-CNDP ne sont pas les seuls suspects. L’étau se resserre également autour du général Muhindo, alias Mundos, commandant du secteur opérationnel à Beni. On reproche surtout à cet ancien commandant de la garde républicaine à Goma de "n’avoir pas mené avec vigueur la traque des assaillants du colonel assassiné". Des rumeurs ont fait état de sa fuite, mais aux dernières nouvelles l’officier hundé était toujours dans la ville.

Une affaire de sous ?

Entretemps, d’autres arrestations et interpellations ont eu lieu. La dernière en date, celle d’un certain Lieutenant Kelvin, chef des services de renseignements militaires à Beni, est intervenue le 8 janvier dans la matinée. À en croire une source militaire sur place, l’officier aurait déclaré "avoir des informations sur les personnes qui ont planifié l’assassinat de Mamadou Ndala ainsi que sur la provenance de 300 000 dollars qui auraient été versés pour motiver certains soldats à exécuter ce plan". Une piste que les enquêteurs prendraient "très au sérieux", souligne notre source.

S’agirait-il donc d’une simple affaire de sous ? Un élu local estime que les officiers militaires de Beni n’ont pas vu d’un bon oeil l’arrivée sur leur territoire du colonel Mamadou Ndala et de ses hommes. "Pour eux, Mamadou Ndala venait faire un job qu’ils n’ont pas pu faire : neutraliser l’ADF".  "Depuis 2009 (date de leur affectation), ils ont transformé la zone d’opération de Ruwenzori – où se cachent les rebelles ougandais – en zone de commerce", affirme-t-il, dénonçant des "arrangements" entre le commandement militaire de Beni et les chefs rebelles de l’ADF. L’enquête qui est en cours devra donc également apporter toute la lumière sur ces prétendues collusions contre-nature entre certains chefs de l’armée dans l’est de la RDC et les hommes de Jamil Mukulu.

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Par Trésor Kibangula

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