Jos enterre ses morts
Dans les rues de Jos, quadrillées par des milliers de soldats nigérians, un véhicule blindé tire une remorque chargée de dizaines de corps, morbides témoins de quatre jours de violents affrontements entre chrétiens et musulmans dans la capitale de l’Etat du Plateau (centre).
Profitant d’un assouplissement du couvre-feu, désormais de 17H00 à 10H00 du matin, des habitants ont commencé à enterrer leurs morts.
Au moins 160 personnes ont été tuées, a indiqué jeudi le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui fait état de 18. 000 déplacés.
"Au cours des violents affrontements et dans les heures qui ont suivi, les équipes de la Croix-Rouge nigériane ont prodigué les premiers soins à plus de 250 personnes blessées à la machette ou par arme à feu, souffrant d’hématomes ou de fractures, et a évacué 150 victimes vers les hôpitaux", a déclaré Umar Mairiga, un responsable de la Croix-Rouge nigériane, faisant état d’un bilan "d’au moins 160" morts.
Bilan incertain
Selon un autre bilan, obtenu de sources religieuse et paramédicale près de 300 personnes ont péri dans les violences qui ont déchiré cette ville d’un demi-million d’habitants, située à la lisière du nord musulman et du sud chrétien animiste de la fédération nigériane.
Aucun bilan officiel n’a encore été publié.
Dans une allocution télévisée jeudi soir, le vice-président nigérian, Goodluck Jonathan, a promis que le gouvernement poursuivrait les auteurs de ces violences.
"Ceux qui, par leurs actions ou leurs déclarations, ont encouragé ou attisé les braises de cette crise, seront arrêtés et rapidement traduits en justice", a-t-il déclaré.
Au cimetière Narukuta, à 7 km environ du centre-ville, une cinquantaine d’hommes creusaient à la pelle et la pioche des fosses communes de 8 mètres sur 15.
Non loin, une centaine de corps déjà gonflés, enveloppés dans des linceuls blancs tachés de sang, ont été déchargés du camion et précautionneusement ensevelis en couches superposées, sous le regard embué de parents et amis.
Appel au calme
Dans un sermon, l’imam de la ville, Balarabe Dawud, a appelé les musulmans à ne pas se venger et demandé aux gouvernement de punir les auteurs de ces "incessantes tueries".
"J’appelle tous les musulmans de l’Etat du Plateau et du pays à rester calmes, respecter la loi et ne pas vouloir vengeance", a-t-il déclaré devant la fosse.
"L’impunité est le combustible qui alimente le feu de ces tueries insensées", a-t-il poursuivi.
La situation paraissait se normaliser jeudi, a constaté un journaliste de l’AFP.
"Tout est rentré dans l’ordre, plus aucun combat ou violences n’ont été signalés", a déclaré à l’AFP Gregory Anting, le chef de la police de l’Etat.
"Cela semble terminé pour l’instant, mais il y a surtout des soldats dans les rues", a témoigné auprès de l’AFP un résident, Mohammed Anguarrogo, interrogé par téléphone à son domicile de la banlieue nord de Jos.
L’armée patrouille
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Selon M. Anting, les milliers de personnes qui avaient fui "commencent à rentrer chez eux".
Un journaliste basé à Jos a indiqué que les autorités ont commencé à distribuer riz, couvertures et bassines aux victimes.
Selon Shehu Sani, chef de l’ONG Civil Rights Congress, "plus de 50. 000 personnes ont été déplacées et ont trouvé refuge dans des casernes de l’armée, des camps de la police et jusque dans des mosquées et des églises".
Dans les rues, des milliers de soldats et policiers ont installé des points de contrôles, et fouillent tous les véhicules.
A la suite de cette nouvelle flamblée de violence – la dernière avait fait entre 300 et 700 morts fin 2008 – des renforts militaires avaient été envoyés dès mardi soir.
Pour éviter un cycle de représailles, la sécurité a été renforcée dans plusieurs villes du nord (Kano, Kaduna, Maiduguri), une région à majorité musulmane, dominée par l’ethnie haoussa.
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