Côte d’Ivoire – Kablan Duncan : « Il faut revenir à la philosophie d’Houphouët »

Le ministre ivoirien des Affaires étrangères, Danie Kablan Duncan, veut une diplomatie ivoirienne modernisée, pluridisciplinaire, avec une forte composante économique. Interview.

Danie Kablan Duncan a été chef du gouvernement sous Henri Konan Bédié (1993-1999). © Kambou Sia/AFP

Danie Kablan Duncan a été chef du gouvernement sous Henri Konan Bédié (1993-1999). © Kambou Sia/AFP

Publié le 16 février 2012 Lecture : 3 minutes.

Côte d’Ivoire : les douze travaux d’ADO
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Côte d’Ivoire : les douze travaux d’ADO

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En neuf mois, DKD (68 ans) a multiplié les déplacements en Afrique de l’Ouest et dans les pays occidentaux. Ses objectifs : améliorer la sécurité et la coopération régionales, rassurer les bailleurs de fonds et développer la diplomatie économique.

Jeune Afrique : Quelle est la nouvelle philosophie de la diplomatie ivoirienne ?

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Daniel Kablan Duncan : Après plus de dix ans de crise politico-militaire, l’image de la Côte d’Ivoire est écornée. Il faut rassurer les partenaires traditionnels, qui ont eu l’impression que le pays s’était replié sur lui-même, et revenir à la philosophie du père de la nation, Félix Houphouët-Boigny. Il disait : « La Côte d’Ivoire est l’amie de tous et n’est l’ennemie de personne » et prônait la paix à l’intérieur des frontières, avec les pays limitrophes et le reste du monde. On a donc redynamisé les relations bilatérales avec nos voisins et avec les organisations régionales : UEMOA [Union économique et monétaire ouest-africaine, NDLR], Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest], Conseil de l’entente, Union du fleuve Mano.

La sécurité régionale est un réel souci…

C’est une priorité. C’est pourquoi nous relançons le Conseil de l’entente et sommes pour que la Cedeao ait sa propre force d’intervention. Cela explique notre volonté de coopérer dans les domaines de la défense et de la sécurité (trafics de drogue, pierres et métaux précieux, terrorisme) avec les grandes armées modernes, comme celles de la France et des États-Unis. Des accords tripartites ont également été signés avec le Liberia, le Ghana, le Togo, la Guinée et le Haut-Commissariat aux réfugiés [HCR] pour le retour des réfugiés ivoiriens. Ce qui permettra de ramener la sécurité dans les zones les plus sensibles, notamment à l’est et à l’ouest du territoire.

On resserre les liens avec les États occidentaux, tout en s’ouvrant aux nations émergentes comme la Chine, la Corée du Sud, le Brésil et l’Inde.

Quels sont vos objectifs et priorités en matière de diplomatie économique ?

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Autrefois, on faisait surtout de la politique. La diplomatie moderne est pluridisciplinaire avec une forte composante économique. C’est l’ambition d’un pays qui veut faire partie des pays émergents d’ici à 2025. On resserre les liens avec les États occidentaux, naturellement avec la France et toute l’Europe, mais aussi avec les États-Unis, tout en s’ouvrant aux nations émergentes comme la Chine, la Corée du Sud, le Brésil et l’Inde. Les possibilités de coopération sont multiples dans l’exploitation des minerais, l’industrialisation, le transport, les logements sociaux…

On étend notre réseau de consuls honoraires et on donne de nouveaux moyens aux missions économiques à Bruxelles, Paris et Washington. Un bureau devrait bientôt ouvrir en Afrique du Sud. L’objectif est d’attirer les capitaux étrangers. On postule aussi à de nouveaux guichets comme les fonds carbone ou les fonds pour le développement durable. D’autres initiatives sont en cours : une politique de retour des cerveaux, le recensement des Ivoiriens de la diaspora, appelés à devenir des relais de la politique étrangère, ainsi que la création d’un Institut de la diplomatie.

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Et concernant les chantiers d’intégration régionale ?

Nous souhaitons redevenir une locomotive régionale et doper les chantiers d’intégration comme les autoroutes reliant Abidjan à Accra et à Ouagadougou, les projets de production énergétique, ou encore le développement ferroviaire. Nous avons relancé les commissions bilatérales avec des pays comme le Nigeria et le Burkina Faso, avec lequel nous organisons même des Conseils des ministres conjoints. L’Afrique de l’Ouest est la vingtième puissance économique mondiale. Si nous réussissons l’intégration, les investisseurs se bousculeront dans nos pays.

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Propos recueillis à Abidjan par Pascal Airault

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