Maroc : pourquoi BMCE Bank ne convainc pas
L’institution bancaire dévoilera d’ici à quelques semaines ses résultats pour 2011. Mais déjà, la communauté financière juge BMCE Bank très largement surévaluée en Bourse.
« En 2011, la croissance de nos bénéfices sera excellente. L’année n’a pas été bonne seulement pour nos opérations marocaines, mais aussi pour celles en Afrique. » Dans un mois environ, les épargnants et investisseurs de la Bourse de Casablanca sauront si le PDG de BMCE Bank, Othman Benjelloun, a tenté un nouveau coup de poker ou non. S’il est coutumier des grandes annonces, il sait qu’entre BMCE et la Bourse c’est désormais le désamour. Sur les trois dernières années, le groupe marocain a vu son cours reculer, tandis que ceux d’Attijariwafa Bank et de Banque populaire, ses principaux concurrents, affichaient une performance totale de plus de 60 %…
Le pire a pourtant été évité, souligne un financier qui requiert l’anonymat. « Le cours aurait reculé davantage si la banque n’avait pas mis en place des programmes de rachat pour le soutenir. Ces opérations ont concerné 15 % du capital depuis 2008-2009 », explique-t-il. Pour certains, Othman Benjelloun, aidé par les deux autres actionnaires de poids du groupe que sont la Caisse de dépôt et de gestion et le français Crédit Mutuel-CIC, s’activerait pour maintenir le cours au-dessus des 200 dirhams (207,65 dirhams le 15 février, soit 18,58 euros).
Verdict sans appel
Pourtant, les fondamentaux de la banque justifieraient une très nette baisse. « La valeur affiche des niveaux de valorisation en déconnexion avec ceux de son secteur », soulignait ainsi, mi-2011, le courtier Attijari Intermédiation. Aujourd’hui, le cours de BMCE s’élève à 37,6 fois les bénéfices estimés pour 2011, contre 16,8 pour Attijariwafa. Pour AlphaMena, le verdict est sans appel. « Notre objectif de cours est à 129 dirhams, ce qui impliquerait une baisse de 38 % par rapport au cours d’aujourd’hui », estime Kais Kriaa, analyste financier du cabinet de recherche.
Commercialement, BMCE est performant. En pointe dans le domaine de la banque d’affaires et de la Bourse, il a également été précurseur dans la bancassurance. Même si Attijariwafa l’a désormais dépassé dans ce domaine, cela reste l’un de ses grands succès. Toutefois, ses charges sont nettement plus lourdes que celles de ses concurrents. Les ouvertures régulières d’agences y sont pour beaucoup, mais pas seulement. « La politique salariale est très généreuse pour le top management », explique Mohamed Zakaria El Kraizi, gérant actions chez Upline Capital Management. En conséquence, la troisième banque du pays affiche une marge nette de 11 % (contre près de 30 % pour Attijariwafa) et une rentabilité des fonds propres de 7 % (contre 16 % pour Attijariwafa).
Le groupe reste également marqué par quelques échecs. Le principal a été la création d’une banque d’affaires à Londres, Medicapital, rebaptisée depuis BMCE Bank International. Lancée quelques mois avant le début de la crise financière internationale de 2008, cette filiale a plombé les comptes de la maison mère. L’année dernière, elle est passée par une sévère restructuration. Toutefois, « la création de cette entité dans l’une des premières places financières lui a permis de générer de nombreuses opportunités d’affaires », précise Kais Kriaa.
Stratégie secrète
Reste l’Afrique, présentée comme le principal relais de croissance. Selon des déclarations très récentes d’Othman Benjelloun, la contribution de Bank of Africa (BOA) aux bénéfices aurait grimpé en 2011 autour de 25 %, contre 17 % en 2010. Cela reste à voir… « La contribution de l’Afrique subsaharienne dans le résultat net part du groupe a été de 14 % au premier semestre 2011, contre 21 % un an plus tôt », rappelle Hanane Rahali, analyste chez CFG Group. Alors que BMCE détient désormais 59,4 % des parts de BOA, la banque reste très secrète sur sa stratégie africaine. Et les difficultés en Côte d’Ivoire et à Madagascar, ainsi que l’assainissement des nouvelles filiales au Ghana et à Djibouti, n’augurent rien de bon en matière de rentabilité.
« Le retour sur investissement africain est pour l’instant limité », commente Mohamed Zakaria El Kraizi. « Le coût du risque des activités africaines est bien plus important que celui affiché par les filiales africaines d’Attijariwafa, ajoute Kais Kriaa. Avec la mise en oeuvre de Bâle 3 au Maroc, les contraintes en matière de fonds propres vont se durcir, et BMCE est déjà juste en la matière. Il n’aura pas beaucoup de marge de manoeuvre si ses activités africaines connaissent des difficultés. »
Autre inquiétude de la communauté financière : l’avenir du groupe après Othman Benjelloun (81 ans cette année). Aucun successeur n’est en effet clairement identifié. Une incertitude de plus pour BMCE.
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