Juifs et musulmans : trois cas, trois écoles

Frank Nouma est journaliste indépendant. Livre à paraître : « Les médias français et Israël, chronique d’un désamour » (février 2014).

Publié le 4 novembre 2013 Lecture : 3 minutes.

1. Iran : non au sionisme, oui au judaïsme

Ses relations avec Israël relèvent du paradoxe. Si l’antisionisme déclaré de Téhéran depuis la révolution islamique de 1979 a envenimé les relations entre les deux États, la place des juifs dans la société iranienne n’en a (presque) jamais souffert. En effet, l’Iran fait la différence entre sionisme et judaïsme. La communauté juive, forte d’environ 10 000 membres, est parfaitement intégrée dans son environnement musulman, représentée au Parlement par un député et reconnue comme minorité au même titre que les chrétiens et les zoroastriens. C’est dans un quartier cossu de la capitale que la majorité des juifs ont élu domicile. Les enfants sont scolarisés dans les cinq écoles juives de Téhéran subventionnées par le ministère de l’Éducation nationale.

À Téhéran, le monument aux martyrs de la guerre Iran-Irak égrène les noms de plusieurs milliers de juifs.

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La liberté de culte est totale, et les autorités iraniennes feignent même d’ignorer les séjours en Israël des membres de la communauté (via la Turquie). Les juifs accomplissent leur service militaire comme tout citoyen iranien. Néanmoins, ils n’ont pas la possibilité de devenir officiers. De même, si la communauté compte quelques rares fonctionnaires, ils ne peuvent accéder à des postes de responsabilité gouvernementale. Nonobstant ces interdits, les juifs constituent une composante pleine et entière de la société iranienne, et le monument aux martyrs de la guerre Iran-Irak égrène les noms de plusieurs milliers d’entre eux, qui ont payé de leur vie leur attachement indéfectible à leur pays.

2. Tunisie : le pessimisme est de rigueur

Depuis l’indépendance, la situation des juifs de Tunisie n’a jamais été aussi mauvaise. L’arrivée au pouvoir des islamistes, en 2011, a considérablement fragilisé une situation passablement précaire, et le pessimisme est de rigueur. En 1956, les juifs pensaient avoir toute leur place au sein de la société tunisienne. Ils déchanteront rapidement… Les fonctionnaires publics seront tenus à l’écart de certains ministères comme les Affaires étrangères, la Défense ou la Sûreté de l’État. Par ailleurs, l’administration favorisera systématiquement les entreprises détenues par des musulmans et taxera davantage celles détenues par des juifs. La crise de Bizerte, en 1961, au cours de laquelle les juifs seront accusés – à tort – d’avoir aidé les troupes françaises contre l’armée tunisienne, entamera la confiance entre les deux composantes nationales. Celle-ci sera définitivement rompue au lendemain de la guerre des Six Jours, en 1967, qui verra des milliers de manifestants s’attaquer à des commerces appartenant à des juifs et, pis encore, mettre le feu à la Grande Synagogue de Tunis.

3. Maroc : un attachement réciproque

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Le royaume a toujours constitué une exception dans le monde arabe. Après avoir accueilli les juifs expulsés d’Espagne au XVe siècle, il leur offrira une cohabitation riche et harmonieuse. Le judaïsme au Maroc forme aujourd’hui une communauté réduite (près de 3 000 âmes) mais très vivante et entreprenante, liée à une diaspora active et nostalgique de ses racines. Aujourd’hui, les Marocains prennent conscience de cet héritage. C’est ainsi qu’a été créée, en 1993, la Fondation du patrimoine culturel judéo-marocain, qui fut dirigée par Simon Lévy, figure majeure de la communauté. En 1997, ce sera au tour du Musée du judaïsme marocain d’ouvrir ses portes à Casablanca. Il regroupe des centaines d’objets sacrés ou profanes qui témoignent d’une histoire méconnue par les musulmans. Car au-delà du souvenir et de l’affirmation de la part juive dans l’identité marocaine, la sauvegarde du patrimoine revêt un aspect économique important, via le développement du tourisme juif (près de 40 000 personnes par an). Enfin, la monarchie est une composante essentielle de l’attachement viscéral des juifs marocains à leur patrie. Il est important de rappeler que Mohammed V avait refusé de remettre ses sujets de confession juive aux nazis. Les dirigeants de la communauté juive marocaine, Serge Berdugo et André Azoulay, oeuvrent auprès du Mémorial de la Shoah afin que le roi reçoive, de manière posthume, le titre de Juste parmi les nations. L’État d’Israël a également rendu hommage au roi Hassan II en donnant son nom à plusieurs places dans différentes villes. L’actuel souverain, Mohammed VI, poursuit dignement l’oeuvre de son père et de son grand-père en veillant à la protection de ses sujets, symboles d’une communauté millénaire.

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