Sénégal : quand Macky Sall dégaine son plan Marshall pour la Casamance
Offre de paix et projets de développement : en visite en Casamance du 17 au 19 mars, le président sénégalais Macky Sall n’est pas venu les mains vides. Cela suffira-t-il à mettre fin à trois décennies de conflit larvé ?
"Je propose à tous, sans exclusive, la paix des braves. Sans vainqueurs ni vaincus. Pour le bénéfice de tous." Au cours de sa deuxième visite en Casamance depuis son élection, Macky Sall a cherché à imprimer sa marque dans un conflit de basse intensité vieux de plus de trente ans et que ses deux prédécesseurs ne sont pas parvenus à régler. Pendant sa campagne présidentielle, il s’était prononcé en faveur d’"une sorte de plan Marshall" destiné à "accompagner le processus de paix". Chose promise, chose due : au premier jour de sa visite, le chef de l’État a lancé à Ziguinchor le projet de pôle de développement de la Casamance (PPDC).
À la clé, une enveloppe de 23 milliards de F CFA (35 millions d’euros), financée par la Banque mondiale à hauteur de 20 milliards. Le président a détaillé ses principaux objectifs : réhabilitation de 30 000 ha de rizières, promotion de l’horticulture, construction de routes et autres initiatives visant à désenclaver la région méridionale du Sénégal, délaissée, coupée du reste du pays par la Gambie et meurtrie par trois décennies de guerre larvée.
Salif Sadio conduit la branche la plus radicale de la rébellion casamançaise. © DR
Dakar négocie avec Salif Sadio
Le pari de Macky Sall, c’est que le développement viendra à bout du conflit. Pourtant, sur le plan militaire, rien n’est encore réglé face au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), aujourd’hui fragmenté en factions rivales. Méthode Coué ? "On pourrait plutôt parler d’une prophétie autoréalisatrice, rectifie le chercheur Jean-Claude Marut, spécialiste de la crise casamançaise. Il espère que les perspectives engendrées par le PPDC favoriseront la paix." En parallèle, sous le patronage de la communauté de Sant’Egidio, Dakar négocie avec la branche la plus radicale de la rébellion, conduite par Salif Sadio. "Le président actionne deux leviers, analyse Nouha Cissé, médiateur de l’université de Ziguinchor et membre du Groupe de réflexion pour la paix en Casamance. L’un, politique, repose sur la gestion pacifique du conflit via des négociations. L’autre est celui du développement."
Reste à savoir si le "discours inclusif" prôné par Macky Sall et les nobles intentions affirmées dans le PPDC suffiront à inciter une rébellion affaiblie et divisée mais toujours active à déposer les armes. "Quand vous leur demandez quelles sont leurs revendications, tous les chefs de maquis vous répondent : l’indépendance sinon rien, rappelle Jean-Claude Marut. Il est peu probable que Salif Sadio se satisfasse de projets de développement sans véritables propositions politiques." Or, comme le résume Nouha Cissé, "lorsque la kalachnikov frappe à la porte, l’investissement saute par la fenêtre".
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