Le « produit Maroc » monte en puissance
Avec 7,4 millions de visiteurs en 2007, soit un boom de plus de 70 % en sept ans, le royaume a choisi de miser sur une clientèle haut de gamme. À charge pour lui de proposer des prestations à la mesure des envies de ces touristes exigeants.
Soleil, plages, sports nautiques, balnéothérapie, tourisme culturel ou de santé, chasse, équitation, golf, trek dans l’Atlas le « produit Maroc » monte en puissance et fait des émules parmi les professionnels du secteur. Il devient une destination privilégiée pour la clientèle internationale – plus de 80 % des touristes, dont 45 % de Marocains résidant à l’étranger (MRE) -, portée par les réservations en ligne, le développement des liaisons aériennes low cost et le renforcement des capacités hôtelières. Depuis dix ans, les flux de touristes sont en augmentation constante. Ils étaient 4,3 millions en 2000, 7,4 millions en 2007 (+ 13 % par rapport à 2006) et, au premier trimestre 2008, le nombre d’entrées a encore crû de 12 % par rapport à la même période en 2007. L’objectif fixé de 10 millions en 2010 devrait être dépassé.
Vision 2010 et plan Azur
Le dispositif mis en place par la Vision 2010, stratégie touristique initiée en 2001, semble donc avoir porté ses fruits et a permis de lancer le développement des grands projets touristiques à l’échelle nationale. Elle était avant tout quantitative, s’appuyant sur un important développement des infrastructures, particulièrement dans l’hôtellerie. L’enjeu pour le Maroc ? Parvenir à une capacité d’hébergement total de 230 000 lits (et 265 000 à l’horizon 2012 dans le cadre du nouveau contrat-programme), grâce à l’émergence de nouveaux pôles touristiques régionaux et à la mise à niveau de structures déjà existantes. À la fin de 2007, cette capacité d’hébergement atteignait 143 000 lits, en hausse de 7 % par rapport à 2006.
Cheville ouvrière de la stratégie touristique nationale, le plan Azur a pour objectif de créer 111 000 lits, dont 70 000 lits hôteliers, à l’horizon 2010, grâce à la réalisation de six nouvelles stations balnéaires : Oujda, Larache, El-Jadida, Essaouira, Agadir et Guelmim. Le plan accuse des retards, notamment dans le Nord, à Saïdia, près d’Oujda (voir p. 72). À l’exception d’Agadir, surtout fréquentée par les MRE et les nationaux, le produit balnéaire est en effet quasiment absent des catalogues. Enfin, parallèlement à la Vision 2010, l’ouverture de l’espace aérien a permis d’enregistrer près de 10 millions de passagers internationaux en 2007. En quelques années, les dessertes se sont multipliées avec les grandes métropoles européennes.
Le tourisme au Maroc reste très français, bien que de plus en plus en vogue chez les autres Européens. Et il concerne essentiellement les villes de Marrakech et d’Agadir. « Ces quatre dernières années, le Maroc s’est attaché à développer les marchés de proximité, où il pouvait faire jouer un avantage compétitif important, à nouer des partenariats avec les tour-opérateurs, à positionner et à diversifier l’image de la destination pour combattre un certain nombre de préjugés. Car, en dehors de la France, les autres pays européens avaient une image très floue de ce qu’est le Maroc », explique Abbas Azzouzi, ancien directeur général de l’Office national marocain du tourisme (ONMT), qui a quitté ses fonctions fin mai.
Depuis peu, le Maroc s’efforce de capter une clientèle en provenance du Moyen-Orient et des pays de l’Est ou, plus récemment, des États-Unis, du Japon et de la Chine. Des cibles très différentes. « À plus de 80 %, les touristes venant des pays de l’Est recherchent du balnéaire, à l’instar des Anglo-Saxons. Les touristes japonais et chinois, eux, sont sur des produits culturels », explique l’ancien directeur de l’ONMT. Le marché marocain est de plus en plus concurrentiel, notamment à Marrakech, où fleurissent les grandes enseignes. Parmi les derniers arrivés, Pierre & Vacances prévoit d’investir 270 millions d’euros dans la ville Ocre ainsi qu’à Agadir. Son ambition : gérer 10 000 lits à l’horizon 2013, répartis entre des resorts, des résidences urbaines et des résidences seniors.
Quand le consommateur prend le pouvoir
« Le tourisme familial se développe », estime de son côté Vincent Brotons, directeur du Club Med au Maroc, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Le Club, qui a reçu 89 000 clients l’an dernier au Maroc, un chiffre à peu près stable, y développe des structures d’accueil pour les enfants en même temps que des produits haut de gamme, tournés vers le bien-être.
Autre tendance de fond : la remise en question des modèles intégrés des tour-opérateurs. Grâce au développement d’Internet, le consommateur prend le pouvoir et « dépackage » son achat. Effet d’optique : les nuitées en hébergement classé accusent une baisse mais les arrivées aux frontières progressent. « Les touristes français, en particulier, délaissent l’hébergement hôtelier pour un autre type d’hébergement de type résidentiel, car ils prennent leurs habitudes », explique Abbas Azzouzi. L’engouement pour la location de riads, souvent non déclarée, fausse également les statistiques.
Pour la période 2008-2012, le ministère du Tourisme s’est fixé cinq priorités : l’achèvement des chantiers de la Vision 2010, la formation, la refonte des métiers du tourisme, la qualité et l’environnement du secteur et, enfin, l’élaboration de la Vision 2020, avec une approche plus régionale et non plus quantitative mais qualitative, qui prendra aussi en compte de nouvelles exigences en matière de protection de l’environnement et de préservation du patrimoine culturel. Le ministère du Tourisme va dresser des plans territoriaux, en tenant compte de l’offre et de la demande, afin de valoriser le potentiel de l’ensemble du territoire.
Cruel déficit en personnel
Le challenge est du côté des ressources humaines. D’ores et déjà, des pénuries apparaissent et, avec l’ouverture prochaine des stations balnéaires du plan Azur, les choses ne devraient pas aller en s’améliorant. C’est dans les métiers intermédiaires – managers, chefs de rang, cuisiniers qualifiés – que le manque est le plus criant. La Vision 2010 tablait sur 72 000 nouveaux diplômés entre 2001 et 2010, or le dispositif national (public à 90 %) n’a pour l’heure formé que 23 000 lauréats. Pour répondre aux attentes des opérateurs, les autorités marocaines ont prévu d’en former 50 000 à 60 000 dans les cinq prochaines années. Cela dit, la problématique est davantage d’ordre qualitatif, et l’enjeu est de dispenser des formations en adéquation avec les nouvelles exigences de la clientèle et le positionnement haut de gamme dont le Maroc a fait le choix.
En octobre dernier, l’Institut Tamouda Bay, spécialisé en hôtellerie et tourisme, était inauguré à M’Diq. Montant des investissements : 40 millions de dirhams (3,5 millions d’euros). Au total, une douzaine d’instituts hôteliers et quatre centres de qualification professionnelle sont rattachés au ministère du Tourisme, délivrant des diplômes de niveau CAP à bac+4. L’Institut supérieur international du tourisme de Tanger (Isitt), le plus prisé, est aujourd’hui le principal opérateur de formation des cadres pour le secteur et l’un des 14 centres agréés par l’Organisation mondiale du tourisme. Il met sur le marché environ 250 lauréats chaque année.
Pour Marc Thépot, directeur général du groupe Accor, « le principal défi est de rendre la filière attractive. L’hôtellerie est l’un des rares métiers où l’on peut commencer serveur et terminer directeur. » Et pour être attractif, il faut que le personnel soit déclaré, reçoive un salaire correct et ait des perspectives d’évolution. Pour éviter la surenchère et la débauche de salariés qui sévissent déjà à Marrakech et à Agadir, les professionnels marocains du tourisme devront faire valoir la stabilité de l’emploi, la formation et la possibilité de faire carrière.
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