Après les crises politiques, l’heure des comptes

Les troubles en Afrique du Nord et en Côte d’Ivoire pèseront sur les résultats 2011 des banques. La hausse des créances douteuses et le ralentissement économique pourraient pénaliser leur activité.

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 2 juin 2011 Lecture : 4 minutes.

Au pays des Pharaons, les conséquences économiques de trois semaines de révolution se font déjà ressentir. Al Baraka Bank, l’un des principaux établissements islamiques du pays, a ainsi vu son profit du premier trimestre 2011 dégringoler de 43 % par rapport à la même période de 2010. Dans le même temps, la National Bank for Development a affiché une perte nette de 20 millions d’euros, soit un déficit deux fois plus important que celui enregistré au premier trimestre de l’année dernière.

Les filiales des groupes étrangers sont aussi prises dans la tourmente. Le français Société générale évalue ainsi l’impact des crises en Côte d’Ivoire, en Tunisie et en Égypte à 60 millions d’euros. Et il ne s’agirait là que des premières conséquences. « C’est à la fin de l’année qu’on mesurera les effets réels de la crise sur les comptes des banques », affirme Lilia Kamoun, analyste chez Tunisie Valeurs.

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En Tunisie justement, pays paralysé pendant plus d’un mois par le soulèvement social, les indicateurs de performance de la plupart des banques sont encore en hausse. Par exemple, Attijari Bank Tunisie a annoncé un chiffre d’affaires en progression de 15 % par rapport au premier trimestre de 2010, à plus de 22 millions d’euros. D’après un autre analyste, « il y aura un temps de latence avant que l’impact de la crise se ressente sur les revenus de la plupart des établissements ».

Trésorerie tendue

Globalement, deux facteurs essentiels pèseront sur les résultats 2011 des banques. D’abord un risque plus élevé. Ces établissements « devront faire des provisions plus importantes pour couvrir les prêts non performants », estime Lilia Kamoun. En Tunisie, le montant des crédits accordés par le système bancaire au clan Ben Ali, et dont le recouvrement est incertain, est estimé à près de 1,3 milliard d’euros. À cela il faut ajouter le fait que « le ralentissement économique provoqué par plusieurs semaines de crise a fragilisé de nombreuses entreprises, qui ne seront plus capables de rembourser leurs dettes vis-à-vis des banques », explique l’analyste de Tunisie Valeurs.

Même situation en Côte d’Ivoire, où la crise postélectorale a duré près de cinq mois et où les PME, dont la trésorerie est en général très tendue, sont restées fermées pendant plusieurs semaines. De fait, pour ses activités en Tunisie et en Égypte, le français BNP Paribas a passé fin mars une provision de 28 millions d’euros pour mauvaises créances.

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Tous les établissements ne sont pas logés à la même enseigne : si les filiales des banques internationales peuvent bénéficier facilement du soutien de leur maison mère, il n’en va pas de même pour les institutions locales. Ahmed El Karm, le directeur général d’Amen Bank en Tunisie, estime qu’il est encore trop tôt pour passer les provisions pour risque. « Avec les mesures qui sont en train d’être mises en place par la Banque centrale [rééchelonnement des dettes], je ne pense pas que les provisions de cette année soient significativement plus élevées », explique-t-il. Il n’empêche que certains établissements connaîtront de graves difficultés. Parmi eux, la STB, la Société tunisienne de banque, dont la qualité des crédits accordés est jugée médiocre et les montants des fonds propres faibles. Depuis le début de l’année, plusieurs agences de notation ont abaissé les notes des banques tunisiennes. Successivement, Capital Intelligence et Fitch Ratings ont attribué des perspectives négatives à la STB pour ses réserves en devises et sa solidité financière.

Toutefois, les experts estiment qu’il n’y a pas de quoi s’affoler. D’après Adnan Ahmed Yousif, PDG d’Al Baraka Bank, « les fondamentaux des banques d’Afrique du Nord dans leur ensemble sont assez solides pour leur permettre de passer ces périodes difficiles sans conséquences majeures ». Au besoin, « certains établissements en Tunisie pourront bénéficier d’un soutien de la Banque centrale », estime de son côté Lilia Kamoun.

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Croissance en berne

Mais qu’en sera-t-il des établissements de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dont le capital social est en général moins élevé ? La crise en Côte d’Ivoire, où sont implantés les principaux groupes de la sous-région, vient fragiliser encore plus le système bancaire. Une étude du cabinet Standard & Poor’s, publiée le 17 mai, montre que les risques liés à l’exercice de l’activité bancaire dans l’UEMOA restent élevés. « Même s’il est descendu l’année dernière à près de 17 %, le taux des créances douteuses est toujours important dans la zone, alors que le taux de leur recouvrement, estimé à 60 %, est modeste », écrit le cabinet. 

Outre le facteur risque, le niveau de l’activité économique devrait pénaliser les comptes des banques en 2011. En Égypte, en Tunisie et en Côte d’Ivoire, les prévisions de croissance ont été revues à la baisse. En Tunisie, on table sur un taux de 1,5 % à 2 % en 2011 au lieu de 4 % à 5 %. Le tourisme, secteur clé de l’économie dont certaines banques comme la STB dépendent à plus de 50 %, est en forte baisse depuis le début de l’année. En Côte d’Ivoire, la progression de l’activité économique sera quasi nulle. La situation sécuritaire encore fragile freine le retour des investissements étrangers. Mais si ces pays parviennent à mettre en place un contexte politique plus favorable, l’activité économique pourrait repartir assez vite. Et l’activité des banques pourrait rebondir entre fin 2011 et début 2012.

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