Gestion des données : l’Afrique (bientôt) sur un nuage
Alors que le trafic de contenus numériques explose, le cloud computing est devenu incontournable. De quoi favoriser la multiplication des data centers sur le continent ?
Ce concept se développe en Afrique. Un essor qui s’explique notamment par l’installation de câbles à fibre optique dans les fonds marins et le recours à des bandes passantes bon marché. Mais aussi par l’omniprésence du téléphone portable : entre 2010 et 2015, l’américain Cisco, leader mondial des réseaux, prévoit une croissance de 129 % du trafic de données mobiles sur le continent. Du fait des faibles capacités de stockage offertes par les téléphones portables, ces contenus seront nécessairement conservés virtuellement sur le web.
Certains développeurs de contenus internet ont déjà commencé à investir le cloud computing pour construire leurs applications. C’est le cas de Spinlet, une nouvelle plateforme mobile qui se voit comme l’iTunes africain et permet à ses utilisateurs de stocker de la musique sur le cloud et d’y accéder via leurs téléphones portables. Un type de services qui attire de plus en plus l’attention des opérateurs de téléphonie du continent. « Vous avez une application indépendante que vous pouvez stocker sur le cloud et que vous pouvez acheter par récépissé, par temps de connexion, par du crédit mobile ou par le biais d’un portefeuille électronique », précise Banky Ojutalayo, ancien directeur des services à valeur ajoutée de Glo Mobile, au Ghana. Les opérateurs pourront gagner de l’argent par ce biais, puisque les internautes consommeront du temps de connexion lors des téléchargements. Reste à savoir quelle part des revenus ces opérateurs accepteront de céder aux jeunes développeurs de contenus…
« Fermes de serveurs »
Le cloud computing intéresse aussi les entreprises. Les multinationales qui opèrent en Afrique payaient jusqu’à présent le prix fort pour utiliser les satellites à bandes passantes, qui supposaient des opérations de suivi en Europe et en Amérique du Nord. Mais la révolution des bandes passantes a permis à un nombre croissant d’entreprises africaines d’avoir recours à des services basés et gérés sur le cloud, alors que les appels à installer des data centers – ou « fermes de serveurs » – en Afrique se multiplient.
Un rapport, publié en janvier par le cabinet de conseil Balancing Act, évalue à 112 le nombre de data centers sur le continent : quinze en Afrique du Sud, onze en Égypte, au Ghana et au Nigeria, dix au Kenya et en Tunisie… Des compagnies africaines, comme Kenya Data Networks ou Teraco (qui gère des data centers au Cap, à Durban et à Johannesburg), contribuent à la construction de nouveaux modèles économiques, basés sur l’exploitation de produits bas de gamme. Utilisant l’un des data centers de Teraco, basé au Cap, le fournisseur d’accès à internet Webnow a ainsi lancé un serveur virtuel destiné aux petites entreprises, pour 189 rands par mois (19 euros).
Les câbles arrivent.
En avril, un consortium d’entreprises, parmi lesquelles MTN, Vodacom, Tata et Telkom, a terminé l’installation à Yzerfontein (Afrique du Sud) du West Africa Cable System (Wacs), qui longe la côte ouest-africaine. D’un coût de 650 millions de dollars (455 millions d’euros), il doit être lancé début 2012. De l’autre côté du continent, trois réseaux relient désormais l’Afrique de l’Est : Seacom, Eastern Africa Submarine System (Eassy) et The Eastern African Marine System (Teams). Un quatrième réseau, Lower Indian Ocean Network (Lion), qui relie Madagascar et l’île Maurice, sera déployé au Kenya en passant par Mayotte courant 2012.
Seacom a annoncé en mars que deux ans seulement après son lancement ses services ont été étendus au Botswana, au Lesotho, en Namibie, au Swaziland et au Zimbabwe… et qu’au moins cinq nouveaux pays suivront d’ici à la fin de 2011. Après des ruptures de câbles l’année dernière, Seacom a dû acheter un taux de capacité plus important sur le réseau de Teams. La compagnie a aussi eu du mal à installer un câble en mer Rouge. Les négociations ont été ralenties par les révolutions qui touchent le Moyen-Orient. Le réseau s’étend actuellement d’Afrique de l’Est à Bombay en passant par Marseille, à travers le système Sea-Me-We-4, dont les coupures répétées affectent les utilisateurs en Afrique du Sud. G.W.
Afin d’éviter de perdre des clients potentiels par la lenteur du chargement des pages web, les opérateurs télécoms eux aussi devront investir dans la modernisation de leurs infrastructures. Bientôt, prédit le rapport de Balancing Act, d’importants opérateurs africains s’attelleront à la mise en place de nouveaux services exclusivement basés sur le cloud.
Même les fournisseurs des nouvelles bandes passantes se sont lancés dans la course. En avril, Seacom, une compagnie qui gère des câbles sous-marins, a lancé son propre réseau de stockage de contenus. Une manière de réduire considérablement le temps de chargement. « Vous serez capable d’accéder à une vidéo sur YouTube en quelques millièmes de seconde. Rien à voir avec les 200 millièmes de seconde nécessaires au chargement lorsque la demande de l’internaute transite par l’Europe. L’utilisateur vivra une expérience complètement différente », affirme Suveer Ramdhani, chef de projet chez Seacom.
Manque de « maturité »
Mais il faudra attendre encore un peu avant de voir s’installer sur le continent les plus grands propriétaires de data centers. Ces derniers ont besoin d’eau pour le refroidissement des serveurs, en activité constante, tout comme ils ne peuvent se passer de sources d’énergie stables. Deux conditions qui ne sont pas toujours réunies en Afrique. D’après Hennie Loubser, directeur régional de Microsoft, son groupe ne prévoit pas de construire de data center en Afrique. Il manque encore « une certaine maturité » au marché africain pour se lancer dans l’exploitation de services internet, justifie-t-il.
En attendant, Microsoft fournit son expertise et ses programmes aux fournisseurs d’accès tels que MTN, qui eux-mêmes proposent certains services inédits aux entreprises. « Aujourd’hui au Ghana, au Cameroun et en Afrique du Sud, MTN propose non seulement aux compagnies un service de gestion de données, mais aussi des services de messagerie électronique et de collaboration, le tout basé sur la technologie Microsoft », précise Hennie Loubser. Il y a un an, deux autres multinationales – l’américain Citrix Systems et France Télécom – ont nommé des directeurs régionaux chargés de « l’informatique en nuage » en Afrique et au Moyen-Orient. Une pluie d’investissements suivra-t-elle ?
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