Révolution numérique au Bénin
Le Bénin a réalisé en cinq ans des progrès majeurs en matière d’infrastructures numériques et de dématérialisation des services de son administration publique. De quoi bâtir à court terme la plateforme numérique ouest-africaine voulue par le président de la République.
© Mister Patrice Talon, Président du Bénin
À l’entame de son mandat en 2016, le président Patrice Talon a promis à ses compatriotes de faire du Bénin la plateforme des services numériques de l’Afrique de l’Ouest, levier de l’accélération de la croissance et de l’inclusion sociale. Les signaux d’une véritable révolution numérique sont aujourd’hui perceptibles. Ils le sont aussi bien dans les infrastructures modernes mises en place que dans la digitalisation de l’administration publique ou encore l’adoption d’un Code du numérique qui fait du pays un pionnier dans la sous-région.
Des infrastructures numériques modernes
Plus de 2 000 km de fibre optique ont été déployés sur toute l’étendue du territoire national, rendant possible l’accès à Internet haut débit. Un réseau qui est en train d’être densifié et étendu.
Afin que la puissance de la fibre puisse être rapidement exploitable par les citoyens béninois, notamment ceux vivant dans les zones non-urbaines, le gouvernement a mis en place un service propre au Bénin : les Points Numériques Communautaires (voir entretien), qui permettent aux populations des localités concernées d’accéder au haut débit.
En plus des câbles SAT3 et ACE qui desservent le pays, la réalisation d’un point de branchement pour l’atterrissement du câble 2AFRICA, l’un des plus grands projets de câbles sous-marins au monde, vient d’être acté en Conseil des ministres. De quoi doubler à moyen terme, la capacité de la bande passante.
Malgré le contexte pandémique, le Bénin s’active pour mettre en service son datacenter avant la fin de l’année. Cette infrastructure stratégique de stockage et de traitement moderne est destinée à héberger les données et systèmes d’information du pays, mais aussi ceux des États et entreprises de la sous-région. Sécurisé, le datacenter est en cours de certification au niveau des normes les plus exigeantes (niveau 3 de la norme ANSI/TIA 942).
Grâce à l’installation du réseau et à la mise en place des infrastructures de diffusion, les ménages béninois pourront désormais jouir de la Télévision numérique terrestre (TNT), au fur et à mesure que les décodeurs adéquats sont rendus disponibles.
Le Réseau béninois d’éducation et de recherche (RBER), progressivement mis en service depuis décembre 2020 cible dans sa première phase, pas moins de 115 000 étudiants et 3 000 agents administratifs de dix sites universitaires et centres de recherche publics. Avec 45 kilomètres d’un réseau capillaire de fibre déployés et 752 points d’accès wifi installés dans l’enceinte des campus, le RBER permet à la communauté universitaire d’être interconnectée et d’accéder à des ressources pédagogiques nationales et internationales. Le Bénin avait adhéré dès février 2019 au Réseau d’éducation et de recherche de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (WACREN).
La plateforme e-learning lancée dans le contexte de la crise sanitaire de la Covid-19, affiche plus de 35 000 vidéos de cours et au moins 2 500 autres supports didactiques en ligne. Cette mine de solutions numériques a permis d’assurer la continuité des cours, malgré les restrictions et, chose essentielle, de favoriser aux étudiants la validation de leur année.
© L’un des 29 sites de la TNT au Bénin
Une infrastructure d’interopérabilité (xroadBJ) a été mise en place, permettant à l’ensemble des bases de données de l’administration publique d’être interconnectées en toute sécurité, facilitant ainsi les échanges de données, pour une délivrance plus efficace des services publics dématérialisés aux citoyens et entreprises.
Le Bénin dispose aujourd’hui d’une Infrastructure à clé publique (PKI) qui délivre des certificats numériques conformes aux normes de l’industrie, afin de sécuriser les plateformes, les transactions en ligne et les titres d’identité, tels que la Carte Nationale d’Identité et les passeports. Une vision forte en matière de sécurité numérique, lisible à travers la stratégie nationale dédiée à cette thématique et la mise en place en 2020 de l’organe de contrôle des prestataires de services de confiance. Ce qui encourage l’éclosion d’un écosystème autour des services de confiance pour une économie numérique durable.
Entretien avec Madame Aurélie Adam Soulé Zoumarou, ministre du Numérique et de la Digitalisation
© Madame Aurélie Adam Soulé Zoumarou, ministre du Numérique et de la Digitalisation
« Je lance un appel aux FAI afin qu’ils profitent de l’environnement que nous avons mis en place »
Le gouvernement a mis en place une solution originale : les Points Numériques Communautaires (PNC). En quoi consistent-ils ?
Nous avons mis en œuvre de façon rapide et audacieuse la vision du président Patrice Talon dans le secteur du Numérique et de la Digitalisation. Nous avons souhaité que les investissements massifs réalisés dans les infrastructures, notamment dans le déploiement de la fibre optique, puissent avoir un impact rapide sur les populations. Pourquoi ? Parce que nous ne pouvions pas digitaliser les services publics, rendre possible la création de plus en plus d’outils en ligne, et ne pas permettre aux usagers d’y accéder de façon confortable. Le modèle des PNC, que nous avons développé dans les zones non-urbaines, répond à cet objectif. Le PNC, c’est d’abord un espace de type cyber-café équipé de dix ordinateurs et dédié à tous les usages numériques possibles. C’est ensuite un point d’accès wifi public gratuit mis en place en collaboration avec les mairies, souvent dans les maisons de jeunes des communes concernées. C’est enfin la possibilité pour les organisations publiques ou privées, ainsi que pour les foyers, de se connecter à la fibre via un fournisseur d’accès à Internet (FAI) à qui nous facilitons l’extension dans ladite commune.
Êtes-vous satisfaite des résultats obtenus à ce jour par les PNC ?
Oui, depuis 2018, 43 communes sur 77 ont été équipées, ce qui représente un impact sur plus d’un million de personnes dans des zones non urbaines, habituellement peu couvertes par les services de communication électroniques. On constate un grand engouement de la part des usagers. On remarque aussi que les usages changent. Alors que les gens venaient auparavant essentiellement pour naviguer sur le Net, ils sont désormais de plus en plus nombreux à suivre des formations délivrées par les gérants des PNC. Au travers des témoignages recueillis, le Portail National des Services Publics est également très sollicité, alors que de plus en plus d’enseignants se rendent dans les PNC pour utiliser les plateformes dédiées au secteur de l’enseignement.
© Point Numérique Communautaire
Le modèle des PNC requiert une forte implication des FAI. Que fait l’état béninois pour les accompagner ?
Les attentes des populations sont très fortes et l’État a déjà beaucoup fait. Outre les investissements dans les infrastructures, nous avons révisé le cadre réglementaire de façon à assouplir les conditions d’exercice des FAI. Désormais, les opérateurs n’ont plus besoin d’une licence pour devenir FAI, mais d’une autorisation délivrée par l’ARCEP Bénin [Autorité de régulation des communications électroniques et de la Poste du
Bénin, ndlr]. Nous avons aussi mis en place des dispositions juridiques qui permettent une meilleure mutualisation des infrastructures. La Société béninoise des infrastructures numériques (SBIN), opérateur de gros, a également revu son catalogue afin de permettre un accès plus facile à son réseau. Pour plus de flexibilité, la plus petite unité qu’un FAI peut choisir de couvrir est désormais la commune. L’ancien modèle exclusif aux FAI nationaux, a montré ses limites, c’est pourquoi nous voulons aujourd’hui inciter les entrepreneurs à s’impliquer, commune par commune. La volonté politique est là. C’est pourquoi je lance un appel aux FAI, afin qu’ils profitent de l’environnement que nous avons mis en place.
Dématérialisée une administration publique plus proche des citoyens et des entreprises
Grâce aux réformes et aux projets phares du Programme d’Action du Gouvernement menés à bien, le Bénin a fait un bond de 20 places entre 2016 et 2020 dans le classement mondial des États qui placent le numérique au cœur de leur gouvernance. Il est aujourd’hui le numéro un ouest-africain de la fourniture de services publics en ligne, selon un sous-indicateur de l’Indice onusien de Développement de l’E-Gouvernement (EGDI). En outre, selon la CNUCED, le Bénin est (avec l’Estonie) le pays le plus rapide au monde en matière de création d’entreprise via un téléphone portable.
Impôts, création d’entreprises… plusieurs secteurs ont connu une transition digitale presque intégrale. Voici un tour d’horizon des mesures mises en œuvre dans la digitalisation des services publics béninois qui ont permis au pays d’atteindre de tels résultats.
À travers le Portail national des services publics, « service-public.bj », il est aujourd’hui possible d’accéder à des informations complètes sur plus de 560 services publics et de se faire délivrer en ligne plus de 72 prestations de l’État, dont 10 e-services totalement dématérialisés.
Avec 50 000 e-visas délivrés en 2020 aux ressortissants d’une cinquantaine de pays, près de 30 000 demandes de casiers judiciaires en ligne moins d’un semestre après le lancement de cet e-service et plus de 40 500 entreprises créées en ligne en 10 mois, les plateformes numériques déployées par les autorités béninoises comblent les attentes, au-delà des frontières nationales.
Plusieurs initiatives de renforcement des capacités des acteurs de l’écosystème du numérique ont été lancées à travers le Fonds National d’Appui à l’Entrepreneuriat Numérique, l’initiative « Bénin Digital Tour » ou encore l’opérationnalisation du Learning Lab, un centre qui a été mis en place par le ministère du Numérique et de la Digitalisation pour délivrer gratuitement des formations périodiques aux métiers du numérique. Ces actions favorisent l’émergence et le développement des compétences locales, avec des startups qui redéfinissent la nouvelle économie béninoise.
C’est aussi le cas de l’École des métiers du numérique. Autorisée en Conseil des ministres en août dernier, sa création doit combler un manque au Bénin, mais aussi dans la sous-région : celui d’une « formation spécifique, basée sur des apports pratiques, professionnels et de courte durée », dédiée aux besoins en ressources humaines des entreprises du secteur du numérique. Le gouvernement a procédé en novembre dernier à la nomination des membres du Conseil d’administration de cette école.
La plateforme « eRESULTATS » a révolutionné le mode de proclamation des résultats des examens et concours nationaux dans le contexte de la Covid-19. Plus de 4 millions de recherches y ont été effectuées en moins de six mois, avec un pic de 710 000 recherches pendant la période de proclamation des résultats du baccalauréat 2020.
Les jeunes bacheliers n’ont plus de soucis d’orientation grâce à la plateforme apresmonbac.bj qui a été mise à leur disposition. Grâce à la méthodologie de classement intégrée à cette plateforme, près de 20 000 bourses ont été attribuées à l’issue d’une procédure totalement dématérialisée et transparente.
Grâce à la modernisation du processus d’identification des personnes et la mise en place d’un fichier national sécurisé, les services publics dématérialisés sont désormais à la portée de tous.