Relations internationales : marchés tiers entre la Chine et les pays de l’UE
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L’état de la coopération sur les marchés tiers entre la Chine et les pays de l’UE
Comment 1+1+1 peut-il être supérieur à 3 ? Le défi est de faire en sorte qu’une coopération entre une entreprise chinoise et une entreprise occidentale sur un marché tiers puisse déboucher sur une dynamique d’une qualité supérieure. La coopération tripartite Chine-UE-Afrique, engagée depuis 2006, progresse, mais lentement en raison de différences sur les conditions des aides. Voici un point de situation.
Le 18 février 2022, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a présenté lors d’une conférence de presse la liste du quatrième cycle de projets de démonstration pour la coopération sur les marchés tiers entre la France et la Chine.
La liste comprend sept projets dans une série de domaines comme les infrastructures, la protection de l’environnement ou les nouvelles énergies, pour un montant total de plus de 1,7 milliard de dollars. Les zones de coopération impliquent principalement l’Afrique et l’Asie centrale et orientale. Les modes de coopération sont souples et diversifiés : le cofinancement, le co-investissement, la gestion EPC (Engineering, procurement, and construction des projets clé en main) par les Chinois et le capital investissement/développement par les Français.
La coopération sur les marchés tiers est apparue pour la première fois dans le rapport d’activité du gouvernement en mars 2019, proposée par le Premier ministre Li Keqiang[1]. En septembre de la même année, la Commission nationale chinoise du développement et de la réforme a publié les « Lignes directrices et cas de coopération sur les marchés tiers », soulignant que le gouvernement chinois espère atteindre l’objectif de créer un effet de « 1+1+1>3 », c’est-à-dire réaliser les bénéfices complémentaires des entreprises chinoises et internationales grâce à une coopération ouverte et inclusive sur les marchés tiers, en favorisant notamment la construction des infrastructures.
Dans la coopération sur les marchés tiers, les avantages comparatifs des pays développés sont la technologie, l’équipement, les concepts avancés, le capital et l’expérience, tandis que les avantages de la Chine consistent en une capacité de production supérieure. Pour les pays ou régions des marchés tiers, les avantages portent sur leur marché potentiel et leurs besoins de développement.
De 2013 à 2018, les entreprises chinoises ont coopéré avec des multinationales occidentales sur 413 projets d’investissement, dont plus de 50 ont pris la forme d’une coopération sur des marchés tiers. Jusqu’en juin 2018, ce type de coopération a totalisé 12,6 milliards de dollars[2].
Les grandes dates de la coopération avec les pays de l’UE
En 2015, lors de la visite du Premier ministre Li Keqiang en France, la Chine et la France ont officiellement publié la « Déclaration conjointe Chine-France sur la coopération sur les marchés tiers ». Entre 2016 et 2018, la Chine a successivement signé de tels protocoles avec le Canada, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Japon, la Belgique, l’Italie, l’Espagne et d’autres pays. En juin 2019, la Chine a mis en place des mécanismes de coopération sur les marchés tiers avec 14 pays[3].
En mars 2019, lors des visites du président Xi Jinping en Italie, à Monaco et en France, ce dernier a mis l’accent à plusieurs reprises sur cette question. Au cours de cette période, les chefs d’État français et chinois ont signé une liste du troisième cycle de projets de démonstration, tout en lançant un fonds de coopération. En tant que membre important de l’Union européenne, la France est l’un des premiers pays européens à exprimer sa volonté de participer aux initiatives « la Ceinture et la Route », et aussi le premier pays à proposer le concept de coopération sur les marchés tiers avec Chine. En 2018, le géant français de l’énergie Total Group et China Communications Construction Group Co., Ltd. sont parvenus à un accord de coopération dont le domaine clé est l’Afrique. En 2019, le projet de franchise de la route nationale n°1 du Congo (Brazzaville) investi conjointement par China State Construction Engineering Corporation et le groupe français Egis a été officiellement lancé.
Ces dernières années, une série de projets de coopération sur les marchés tiers ont été conclus ou lancés par la Chine :
- Le projet de coopération entre la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Chine sur le commerce de la nouvelle « Route de la soie » vers l’Europe ;
- Le fonds commun d’investissement de 2 milliards d’euros entre la Caisse d’épargne française et China Investment Corporation pour l’investissement en Afrique et en Asie ;
- Le fonds commun d’investissement sino-européen créé par le Fonds européen d’investissement et du Silk Road Fund de Chine ;
- Le Fonds de coopération industrielle sino-français créé par BNP Paribas, Eurazeo et China Investment Corporation pour investir en Europe continentale ;
- Le projet de financement fourni par la Banque nationale d’investissement française et China Investment Corporation pour les énergies propres en Maurice ;
- L’accord-cadre de coopération sur le marché tiers entre le Crédit Agricole et China Credit Insurance ;
- Les projets de financement de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et la Banque industrielle et commerciale de Chine pour la construction de centrales électriques et de gaz naturel au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Asie centrale et en Turquie.
Des progrès lents sur les marchés tiers entre la Chine et l’UE
L’initiative de coopération tripartite Chine-UE-Afrique a été pour la première fois proposée par l’UE en 2006, lors du neuvième sommet Chine-UE à Helsinki[4]. Mais en 2007, le Parlement européen a publié un rapport sur l’influence négative de la Chine en Afrique, qualifiant la Chine de « concurrent » de l’UE, en décrivant la coopération avec la Chine comme une « mise en cause des principes de démocratie et de droits de l’homme[5] ». L’intention était claire : il s’agissait pour l’UE de maintenir son statut de partenaire privilégié de l’Afrique. Jusqu’en 2008, les progrès réels de l’initiative de coopération tripartite ont été sérieusement bloqués en raison de cette approche. Ces dernières années, la possibilité de rechercher une coopération trilatérale est revenue dans les documents et les discussions des différents gouvernements, mais avec très peu de progrès.
À l’heure actuelle, les modèles d’aide au développement et les concepts très différents de l’UE et de la Chine en Afrique sont un obstacle au progrès de la coopération tripartite. En tant que premier fournisseur mondial d’aide au développement, l’UE utilise depuis longtemps cette aide comme une « stratégie de soft power » pour accroître sa présence internationale[6]. L’aide au développement fournie par l’UE est souvent conditionnelle, et les pays bénéficiaires ne peuvent recevoir une aide supplémentaire que s’ils atteignent les objectifs politiques et sociaux que l’UE leur a imposés. Cependant, cette aide conditionnelle a été critiquée. L’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade s’est clairement exprimé : « l’approche de la Chine face à nos besoins est tout simplement mieux adaptée que l’approche postcoloniale lente et parfois condescendante des investisseurs européens, des organisations donatrices et des organisations non gouvernementales.[7] » Une source du ministre français des Affaires étrangères a également confié dans une interview : « la conditionnalité de l’aide a un effet doublement punitif sur les populations les plus pauvres. Si un pays ne respecte pas les droits de l’homme, et que cela entraîne la suspension de l’aide publique au développement, ce sont systématiquement les populations fragiles qui en souffrent directement.[8] »
La base de l’aide au développement de la Chine peut quant à elle se résumer en deux principes : la non-ingérence et le bénéfice mutuel. Il existe certaines différences entre la notion d’aide au développement définie par la Chine et celle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Une grande partie de l’aide chinoise au développement se compose par un ensemble d’accords d’investissement et de commerce, combinés à d’autres programmes d’aide dans les pays bénéficiaires. Les crédits à l’exportation, les prêts-pays non concessionnels et les projets d’investissement commerciaux fournis par la Chine à l’Afrique sont différents de la conception du CAD, le Comité d’Aide au Développement de l’OCDE. En effet, la Chine refuse de fournir une aide conditionnelle pour s’immiscer dans la politique intérieure et les réformes économiques des pays africains.
Le fait que les deux modèles d’aide au développement adhèrent à des principes différents est à l’origine de la situation actuelle de la coopération Chine-UE. Depuis le lancement du partenariat stratégique global Chine-UE en 2003, la coopération d’aide au développement Chine-UE-Afrique en est par principe au stade théorique.[9]