« Adieu à Wall Street ! Depuis dix ans, je démarre une entreprise WiFi en Afrique » (partie I)

Cela fait quatre ans que Zhou Tao (周涛) s’est installé en Afrique, et deux ans que son projet a démarré. Zhou Tao fournit des services de réseau à 200 000 utilisateurs kényans à moins d’un dixième du coût des opérateurs locaux.

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Il a une équipe d’environ 200 personnes, avec seulement cinq ou six ressortissants chinois, le reste étant des jeunes locaux [1].

En 1994, Zhou Tao a renoncé à son statut d’étudiant à l’Université Jiaotong de Shanghai et est allé aux États-Unis, pour obtenir un double diplôme universitaire du Middlebury College et du Dartmouth College. Il a ensuite travaillé à Wall Street comme analyste financier. Deux ans après, il est reparti étudier au Dartmouth College, en obtenant cette fois une maîtrise en gestion de l’ingénierie.

En 2003, Zhou Tao est retourné en Chine. À cette époque, Alibaba, Tencent et d’autres opérateurs Internet nationaux commençaient leur activité. Il a choisi de rejoindre Exavio, une entreprise de haute technologie. Même si elle n’a pas connu la réussite, Zhou Tao y a accumulé des expériences sur le cloud computing, et a commencé en 2006 un parcours entrepreneurial de 11 ans.

Il y a quatre ans, avec l’aide d’un diplomate kenyan devenu son partenaire, il a démarré ses affaires en Afrique en accroissant sans cesse ses relations avec les acteurs locaux. Nous avons demandé à Zhou Tao de nous faire part de ses expériences d’entrepreneur.

 © Photo : People.cn

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Votre expérience est très riche, aussi bien aux États-Unis qu’en Chine ou en Afrique. T Avez-vous toujours eu cette passion de l’entrepreneuriat ??

Bonjour à tous. Je m’appelle Zhou Tao, mais tout le monde m’appelle Tiger ! Oui, je suis un entrepreneur, j’ai déjà démarré trois entreprises. La première dans le stockage réseau au niveau de l’entreprise ; la deuxième de 2012 à 2013 dans le cloud computing ; la troisième de 2014 à 2015 dans le domaine du stockage combiné en fusionnant le cloud computing. Aujourd’hui, c’est en Afrique que je me suis lancé.

Quand avez-vous commencé à rechercher des opportunités à l’étranger ? Est-ce simplement la rencontre fortuite d’un ami au Kenya qui vous a décidé d’aller en Afrique ? 

Je dois dire que l’idée d’aller en Afrique m’est venue lors de ma deuxième expérience entrepreneuriale. En 2011 et 2012, j’ai fait plusieurs voyages en Afrique, ce qui m’a conduit à beaucoup de réflexions. Certains amis africains étaient alors très intéressés par mon projet et espéraient pouvoir l’introduire en Afrique. En 2017, j’ai commencé à examiner sérieusement la faisabilité de mon projet.

Il faut reconnaître qu’à cette époque, les outils informatiques pour faire des affaires à l’étranger étaient relativement rares….

Entre 2013 et 2014, j’ai remarqué le logiciel aPaaS (un type de logiciel basé sur le cloud), puis Cheetah Mobile (un leader mondial de l’Internet mobile). TikTok international peut être considéré comme un produit phénoménal. De 2015 à 2016, j’ai fait quelques tentatives en Chine, en créant un site web amusant sur Facebook. En un an, le nombre d’utilisateurs est passé de 0 à 1,5 million : c’était assez excitant. Je me suis enfin dirigé vers la conclusion suivante : si l’on souhaite créer une économie Internet durable en Afrique, on ne peut pas se passer du réseau, et ce doit être un réseau relativement bon marché. Et puis, j’ai travaillé avec David, un ancien diplomate kenyan qui était aussi le co-fondateur de mon entreprise.

Quand vous êtes-vous connus ?

David et moi nous connaissons depuis longtemps. En 2012, il a occupé le poste de conseiller commercial du Kenya en Chine et possède une connaissance approfondie des divers environnements d’affaires au Kenya et en Afrique de l’Est. Pendant ce temps, j’ai petit à petit découvert que le ministre kenyan était très inquiet du fait que la grande majorité des utilisateurs kenyans ne peuvent pas accéder à Internet à moindre coût. A l’époque, il ne pouvait pas faire grande chose. Or la Chine a beaucoup de technologies et de produits dans le domaine des réseaux. J’ai pensé que les entreprises chinoises qui partent à l’étranger auraient la possibilité de réduire les coûts d’Internet à un niveau très bas pour bénéficier à un grand nombre d’utilisateurs locaux. Réduire les coûts d’accès à Internet est le point de départ de mon projet.

A cette époque, avez-vous pensé à l’Asie du Sud-Est ou à l’Inde ? Ces marchés sont en fait plus grands que l’Afrique. Avez-vous choisi d’aller en Afrique simplement parce que vous y aviez déjà un réseau de relations ?

Pas exactement. Je pense que je n’aurai aucun problème à entrer dans un nouveau pays en me familiarisant rapidement avec l’environnement local. En fait, je voulais entrer en Afrique non seulement parce que je connaissais le Kenya, mais parce que j’y voyais une opportunité pour le « last billion » (l’Afrique est souvent connue comme le foyer du « dernier milliard » de population dans le monde qui n’est pas encore correctement connecté à Internet). De plus, dans une perspective de développement à long terme, s’il y a moins de concurrence pour nous dans les premières années, nous pouvons nous y installer d’une façon plus tranquille. Donc après de longues réflexions, j’ai choisi l’Afrique.

Rendre le prix du trafic Internet 1/10 du marché local

Pouvez-vous nous parler de la situation générale du développement d’Internet au Kenya à cette époque ?

En fait, le taux de pénétration des smartphones et de l’accès à Internet était relativement élevé au Kenya et dans l’Afrique de l’Est. Grâce aux téléphones Transsion, le taux de pénétration des smartphones au Kenya a dépassé 70 % à 80 % dans les villes. De plus, le Kenya compte plusieurs opérateurs importants, notamment Safaricom. Donc, dans plusieurs grandes villes du Kenya, vous avez des signaux 4G partout où vous allez.

Le plus gros problème est en fait les frais d’accès à Internet. Généralement, le coût du trafic 1G est supérieur à 1 $. Tandis que le haut débit en Afrique est assez en retard, car le haut débit doit connecter des fibres optiques à chaque foyer. Le coût des fibres optiques est très élevé, ce qui fait reculer les investisseurs. Actuellement, seuls les milieux bourgeois au Kenya peuvent bénéficier d’un accès haut débit à domicile, et le tarif mensuel commence à partir de 30 $., généralement de 30 à 60 $. Dans certains pays d’Afrique australe, comme le Zimbabwe ou l’Afrique du Sud, la facture moyenne du haut débit des ménages est supérieure à 100 dollars, ce qui est assez élevé.

Pour la grande majorité des gens ordinaires, l’environnement dans lequel ils vivent est très dense et encombré, et les habitants de ces quartiers ne peuvent pas se permettre plus de 15 $ ou 20 $ par mois pour Internet. Cela crée donc une opportunité pour nous.

Il y a une donnée très importante. À cette époque, Safaricom comptait plus de 10 millions d’utilisateurs 3G et 4G chaque mois, mais la quantité moyenne de données utilisée par chaque personne par mois était encore inférieure à 1G, car le tarif du réseau était trop élevé. Bien que tout le monde ait un smartphone pour accéder à Internet, ils ne peuvent pas payer le tarif. C’est donc le point de départ de notre projet actuel, et ce que nous allons résoudre :  comment fournir aux utilisateurs des services réseau vraiment bon marché ?

Comment avez-vous atteint cet objectif ? 

Notre projet a démarré en mars 2020. En fait, nous avons fait beaucoup de tentatives au cours des deux dernières années et rencontré beaucoup d’obstacles. Finalement, nous avons choisi la voie de la fibre optique et du Wi-Fi.

Nous devons tirer des câbles réseau dans chaque bâtiment résidentiel très dense, et connecter un point d’accès relativement bon marché à chaque appartement ou couloir. Le point d’accès équivaut à un émetteur Wi-Fi. Nous devons également déployer des fibres optiques dans les communautés, puis agréger les fibres optiques au centre du réseau d’une grande communauté. Nous l’appelons le nœud pop (pop node en anglais). Puis, à partir de ces communautés, un centre de données régional ou un centre de réseau doit être établi pour faire converger davantage les fibres optiques vers un énorme centre de données principal à Nairobi. Il existe des fournisseurs Internet mondiaux dans ce centre de données, tels que China Telecom. Donc, des commutateurs centraux des télécommunications à nos communautés de services, en passant par chaque foyer dans chaque bâtiment des communautés, nous construisons nous-mêmes toutes les infrastructures.

Cela équivaut à fournir le Wi-Fi public à tous les membres des communautés, et le Wi-Fi est payant ?

Oui, vous avez bien compris. Nous lancerons bientôt l’IPTV (Internet Protocol TeleVision) gratuite. Cette box TV utilise également le Wi-Fi pour accéder à Internet. Si les utilisateurs disposent d’un point d’accès à la maison, ils peuvent regarder la télévision sur Internet en haute définition. Étant donné que les personnes à faible revenu ont très peu d’argent en poche, nous pouvons facturer non seulement mensuellement, mais également à l’heure, par exemple huit heures, une journée ou une semaine, de manière très flexible. Pendant la période payante, l’accès à Internet est illimité.

Comme d’autres opérateurs de télécommunications locaux fournissent le même service 1 G, comment contrôlez-vous le coût ?

C’est une très bonne question. Pour les opérateurs locaux au Kenya, le coût 1G est actuellement de 1,1 $, et le trafic de données utilisateur mensuel est d’environ 1,5 G. Après deux ans d’exploitation, les utilisateurs de nos communautés utilisent en moyenne près de 40 G de trafic par mois, et la majeure partie de ces 40 G provient des téléphones mobiles. En divisant le paiement moyen réel par le trafic, nous avons conclu que notre coût 1G est en fait de 0,1 $, ce qui équivaut à 1/10 du prix du marché local. Le coût de 0,1 $ reste égal au coût d’Internet en Chine, voire inférieur.

Votre tarif Internet n’est que de 1/10 de celui des opérateurs télécoms locaux. Craignez-vous qu’ils trouvent d’autres moyens de vous concurrencer ?

Mettant de côté les facteurs politiques, il existe une certaine incertitude. Mais après tout, les opérateurs locaux ne sont pas des entreprises publiques et sont dans une démarche marchande. D’un point de vue commercial, il leur est difficile de nous concurrencer.

Combien d’utilisateurs avez-vous accumulé sur votre plate-forme jusqu’à présent ?

Le nombre dépassera bientôt les 200 000. Il a fallu 6 mois depuis le début de notre projet – en mars 2020 – pour avoir 10 000 utilisateurs en septembre 2020. Fin septembre 2021, le nombre d’utilisateurs a atteint 100 000, et nous comptons maintenant plus de 200 000 utilisateurs en moins de six mois.

Vous avez mentionné que le projet a été officiellement lancé après l’épidémie du covid. Selon vous, quelles ont été les défis importants rencontrés par votre projet pendant le covid ?

Il faudrait dire que l’épidémie a aidé dans une certaine mesure notre développement. Pendant l’épidémie, il y a eu un couvre-feu et l’utilisation de l’internet s’est progressivement développée. Bien sûr, les défis restent nombreux, par exemple les mesures de protection des salariés contre le covid ont alourdi certaines charges. En plus, le couvre-feu pendant l’épidémie a empêché tout le monde de sortir, y compris notre personnel de vente et de maintenance. Mais cela nous permet également de construire un modèle de travail sur le cloud plus rapidement. À l’heure actuelle, notre équipe compte près de 200 personnes.

[1] Cet article est fondé sur « Adieu à Wall Street depuis dix ans, je démarre une entreprise WiFi en Afrique » (《告别华尔街十年,我在非洲做起WiFi生意》), publié le 15 mai 2022 par Zhixiangwang (志象网), disponible sur : #0000ff" href="https://mp.weixin.qq.com/s/fote_47nG8AQW-lrkQy9Hw">https://mp.weixin.qq.com/s/fote_47nG8AQW-lrkQy9Hw.

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