Les couloirs de la vie en Afrique
Financer le déficit d’infrastructure en Afrique de l’Ouest et du centre
Une route, une ligne électrique ou un câble à fibres optiques… toute infrastructure constitue un levier puissant de transformation économique et sociale. Elle ouvre et crée des opportunités en permettant la circulation des personnes, des biens et des services. Néanmoins, à travers l’Afrique, le déficit d’infrastructure est criant, et constitue une problématique réelle de développement.
Sur le continent, transporter des marchandises d’un pays vers un autre est un processus long, coûteux, corollaire d’une insuffisance de réseaux routiers. Seulement 35 % de la population en zones rurales a accès à une route praticable en toutes saisons. Moins d’un Africain sur deux a accès à l’électricité, la quasi-totalité des entreprises africaines confrontée à des coupures intermittentes de courant, considère la non-fiabilité de l’approvisionnement en électricité comme une contrainte majeure pour l’activité économique. La pénétration du numérique reste faible : moins de quatre africains sur dix ont accès à l’Internet.
Alors que les économies de la région subissent de plein fouet les effets cumulés de la pandémie de la COVID 19 et de la guerre en Ukraine, combler le déficit d’infrastructures pour mettre nos pays sur la voie de la reprise en promouvant un développement vert, résilient et inclusif à plus long terme, est essentiel.
Les dirigeants africains se réunissent cette semaine à Dakar pour discuter du financement de programme infrastructurels structurants. À l’heure du changement climatique et au regard des potentialités économiques dont dispose le continent, cet agenda est crucial. « L’Appel à l’action de Dakar » lancé en Juillet 2021 par les chefs d’Etat en partenariat avec la Banque mondiale avait établi une feuille de route pour une reprise et une transformation économique intensifiée. A travers cet appel, les chefs d’État ont donc reconnu l’importance du rôle fondamental des infrastructures dans le cadre de la transformation économique pour une croissance inclusive et gage de création d’emplois.
Au cours des dernières années, les pays d’Afrique de l’Ouest et du centre ont cependant enregistré des progrès. Ainsi, la rénovation du couloir Abidjan-Lagos a contribué à réduire le temps de passage des frontières et améliorer la qualité des routes. Un nouveau projet de 470 millions de dollars accélère l’intégration régionale et les opportunités économiques au Burkina Faso, au Niger, et au Togo. Le projet de corridor de transport Cameroun-Tchad bénéficiera à 12 millions de personnes avec l’amélioration des infrastructures routières et ferroviaires, des coûts et des temps de transport réduits entre le port de Douala au Cameroun et N’Djamena au Tchad, une sécurité renforcée et un accès aux marchés amélioré. Il ressort de la récente étude Couloirs sans frontières en Afrique de l’Ouest que l’investissement dans les routes rurales favorise la mobilité sociale et aide les travailleurs à sortir de l’agriculture vivrière au profit d’emplois mieux payés dans l’industrie et les services. Ces couloirs de transport régionaux sont essentiels à la promotion des échanges commerciaux au sein du continent.
En matière d’énergie, la Banque mondiale en collaboration avec les pays et les partenaires du développement, devraient fournir d’ici 2030, l’accès à l’électricité à 75 millions de la population africaine, dont 12 % en Afrique de l’Ouest. Des pays tels que la Côte d’Ivoire, le Ghana, et le Nigéria peuvent ainsi exporter leur excédent de production d’électricité vers d’autres pays. Le nouveau Projet régional d’intervention urgente dans le secteur de l’énergie solaire (RESPITE) lancé cette semaine doit permettre d’accroître la capacité d’énergie renouvelable connectée au Tchad, au Liberia, en Sierra Leone, et au Togo. Le projet aidera également les pays à établir un système d’échange d’énergie tout en renforçant la capacité du Pool énergétique de l’Afrique de l’Ouest (WAPP). Dans les pays du Sahel, le groupe de la Banque mondiale œuvre aux côtés de ses partenaires pour doubler l’accès à l’électricité et la part des énergies renouvelables d’ici 2030.
La pandémie de Covid-19 a mis en lumière l’importance d’intégrer la technologie numérique aux solutions de développement. A cet effet, l’initiative pour l’économie numérique en Afrique vise à élargir l’accès à la connectivité à haut débit en Afrique de l’Ouest et du centre afin de passer de 30 % en 2020 à 43 % en 2024. La Banque mondiale a mis en place et dans certains cas augmenté les prêts de 17 pays de la région depuis juillet 2021, avec un niveau d’engagement de 3,2 milliards de dollars au service de la numérisation. La collaboration avec les gouvernements et les commissions économiques régionales, telle que la CÉDÉAO se poursuit pour mettre à jour et harmoniser les politiques et stratégies aux niveaux régional et continental, et faire progresser l’intégration des marchés numériques.
Ces quelques exemples montrent à quel point les investissements en infrastructure peuvent être intensifiés pour soutenir la transformation économique. Cependant, malgré les progrès récents, la mauvaise qualité des routes et la faiblesse des infrastructures de transport perdurent. Au rythme actuel de l’électrification et de la forte croissance démographique, plus de 238 millions de personnes resteront sans accès à l’électricité d’ici 2030, et uniquement 36 % de la population a accès à une connectivité Internet de haut débit. L’égalité d’accès reste donc problématique, compte tenu des écarts de connectivité qui affectent de façon disproportionnée les communautés rurales et en contexte fragile, et marginaliser ainsi les femmes et autres groupes.
L’Afrique aura besoin de milliards de dollars pour améliorer la connectivité et la sécurité routière, accélérer l’électrification et la transition énergétique, et faire sa révolution numérique. A eux seuls, les gouvernements ne pourront pas couvrir ces coûts et il conviendra de mobiliser des fonds du secteur privé, faire progresser des réformes clés et améliorer les politiques en place.
Combler l’écart en matière d’infrastructure est une étape essentielle pour la prospérité partagée et la réduction de la pauvreté sur le continent. Ensemble, aux côtés de l’Union africaine, les partenaires du développement et le secteur privé, le Groupe de la Banque mondiale augmentera donc ses financements pour le développement d’infrastructures résilientes et structurantes en Afrique.