Port Spatial de Djibouti : coopération spatiale sino-africaine

Le port spatial de Djibouti, un projet qui signe une nouvelle étape dans la coopération sino-africaine dans le domaine spatial engagée lors des dernières années.

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Une partie du Centre de télémétrie, de suivi et de contrôle par satellite développé par Hong Kong Aerospace Technology Group (Photo : Hong Kong Aerospace Technology Group)

Port spatial de Djibouti : une base chinoise pour aider l’Afrique dans l’espace !

Un projet qui peut ouvrir la voie à l’industrie spatiale africaine et permettre à l’Afrique de lancer ses satellites depuis son sol [1]

Le 9 janvier 2023, la société chinoise Hong Kong Aerospace Technology Group, le Gouvernement de la République de Djibouti et le Touchroad International Holding Group ont signé un «Protocole d’accord» tripartite pour la construction d’un port spatial commercial international dans la région d’Obock, en République de Djibouti.

Il est prévu d’investir un milliard de dollars dans ce projet afin d’aménager une superficie d’au moins 10 kilomètres carrés, en y construisant sept stations de lancement de satellites et trois bancs d’essai de fusée. Les travaux devraient prendre au moins cinq ans.

Le projet se concentrera sur la fabrication des équipements électroniques aéronautiques et les activités spatiales, y compris la fabrication de satellites, les communications satellitaires ainsi que la mesure, le contrôle et les lancements de satellites.

Les entreprises chinoises fourniront également certaines infrastructures pour assurer le projet, par exemple la construction d’un port et d’une autoroute dans le nord de la région d’Obock où sera le port spatial. Le projet sera géré par Djibouti pendant 30 ans conjointement avec des entreprises chinoises.

Première base de lancement de satellites sur le continent africain

Ce projet sera une nouvelle étape dans la coopération sino-africaine dans le domaine spatial engagée au cours des dernières années. Ce sera également la première véritable base de lancement spatial sur le continent (le site de lancement de São Marco au Kenya est situé en mer et ne peut lancer que de petits engins spatiaux). Ainsi, dans le futur, les satellites africains pourraient ne pas avoir recours à des stations de lancement situées sur d’autres continents.

Pour la Chine, Djibouti est plus proche de l’équateur que le territoire chinois, avec des conditions géographiques plus avantageuses qui pourraient soulager la pression sur les bases de lancement en Chine. Si le port spatial de Djibouti est achevé, le navire océanique chinois d’exploration spatiale bénéficiera également d’une base d’approvisionnement à l’étranger.

Le Président djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh, s’est félicité de l’accord sur les réseaux sociaux : « Je suis ravi de voir notre pays s’engager dans ce projet de développement technologique et énergétique prometteur. L’accord prévoit la concession définitive des infrastructures construites à la partie djiboutienne après une cogestion de 30 ans. »

 © Le président de la République de Djibouti annonce sur son compte twitter la signature de l’accord (Photo : compte twitter du président Ismaïl Omar Guelleh)

© Le président de la République de Djibouti annonce sur son compte twitter la signature de l’accord (Photo : compte twitter du président Ismaïl Omar Guelleh)

Le Président a estimé que la conclusion d’un mémorandum d’accord avec le Hong Kong Aerospace Technology Group renforcerait les capacités scientifiques et technologiques de Djibouti. Selon le gouvernement djiboutien, le projet de port spatial pourrait améliorer les taux de rentabilité économique et l’emploi de la population locale.

Une longue histoire de projets inaboutis

Historiquement, les pays occidentaux ont tenté à plusieurs reprises de construire des sites de lancement de fusées en Afrique. En 1948, l’armée française avait établi un site en Algérie, mais il a été fermé en 1967.

Entre 1977 et 1978, l’Allemagne a tenté de construire un site de lancement au Zaïre (aujourd’hui la République démocratique du Congo), mais il a été fermé pour des raisons politiques.

Quant aux pays africains, l’Égypte avait un programme de fusées et une station de lancement, qui a été fermée après de nombreuses tentatives. Entre 1989 et 1992, l’Afrique du Sud a mis en place un site de lancement de fusées à caractère expérimental dans la région d’Overberg, mais il ne s’agit que d’une station d’essai et aucun lancement n’a été effectivement réalisé.

Depuis les débuts de l’ère spatiale en 1957, les pays africains ont pris beaucoup de retard dans le voyage de l’homme dans l’espace en raison de leur développement économique relativement faible.

A date de novembre 2022, il y a eu 52 satellites africains dans l’espace, soit environ 1% de tous les satellites lancés par l’Homme, et aucun de ces satellites n’a été lancé depuis l’Afrique. Les 52 satellites appartiennent à 13 pays africains, dont une majorité à l’Égypte, l’Afrique du Sud, l’Algérie et le Nigéria.

La coopération sino-africaine dans l’espace

Sur ces 52 satellites, six ont été construits et lancés avec l’aide de la Chine.

  • En mai 2007, la Chine a lancé le premier satellite nigérian : NIGCOMSAT 1, qui est également le premier satellite africain en orbite géosynchrone ; le deuxième a été lancé en 2011.
  • En décembre 2017, la Chine a lancé le premier satellite de télécommunications algérien.
  • En novembre 2019, la Chine a soutenu et aidé le Soudan à lancer son premier satellite de télédétection,  SRSS-1.
  • En décembre 2019, la Chine a aidé et lancé gratuitement le premier satellite éthiopien, un satellite de télédétection. En décembre 2020, un deuxième satellite ET-SMART-RSS a décollé du cosmodrome de Wenchang, en Chine, à bord d’une fusée Longue Marche VIII.
  • En outre, les entreprises chinoises ont aidé des pays africains tels que le Nigeria, l’Algérie, l’Éthiopie et le Soudan à construire cinq satellites qui seront lancés par des pays tiers.
  • En avril 2018, le système de navigation par satellites chinois, dit système de Beidou, a été implanté en Tunisie, qui est ainsi devenu le premier site de ce récepteur terrestre en dehors de la Chine.
  • En janvier 2016, la Chine et l’Égypte ont signé un accord de mise en œuvre pour la construction d’un Centre égyptien d’intégration et d’essais d’assemblage de satellites, le plus important projet d’assistance technique de la Chine en Afrique depuis le chemin de fer de Tanzanie. En 2019, la Chine a encore conclu un accord avec l’Égypte pour déclencher le projet de satellite China Aid Egypt No.2.

Une économie spatiale de plus de 20 milliards de dollars

Alors que la science et la technologie continuent d’évoluer, la valeur de l’« économie spatiale » du continent africain ne cesse d’augmenter, avec 19,49 milliards de dollars en 2021, un chiffre qui devrait augmenter de 16,16% pour atteindre 22,64 milliards de dollars d’ici 2026, selon le rapport « Space in Africa 2022 ».

L’économie spatiale africaine tire la majeure partie de ses revenus des services de téléphonie fixes et mobiles par satellite, ainsi que des services de télévision par satellite. On pourrait encore compter sur le rôle croissant que jouent les satellites dans la télédétection, les communications, la prévention et la réduction des catastrophes.

De nombreux pays africains espèrent développer et lancer des satellites au cours des cinq prochaines années. Plus de 20 pays africains, dont Djibouti, prévoient leurs propres « programmes spatiaux ».

Cependant, les satellites africains sont souvent lancés à partir de pays en dehors du continent, et les pays africains manquent également de capacités de fabrication de pièces détachées pour leurs satellites.

Le projet du port spatial de Djibouti permettra non seulement aux pays africains de lancer des satellites sur le continent, mais contribuera à stimuler la demande d’équipements fabriquées en Afrique.

La Chine et l’Afrique coopèrent déjà largement dans le domaine spatial, tant au niveau bilatéral que dans le cadre du Forum pour la coopération sino-africaine (FOCAC).

« Le plan d’action 2021 du Forum sur la coopération sino-africaine » a annoncé que l’Union africaine et l’Agence spatiale chinoise rédigeront conjointement un livre blanc sur la coopération spatiale sino-africaine, pour identifier les domaines clés d’une coopération potentielle.

 © L’ambassadeur de Chine en République de Djibouti reçoit la délégation du Hong Kong Aerospace Technology Group (Photo : Hong Kong Aerospace Technology Group)

© L’ambassadeur de Chine en République de Djibouti reçoit la délégation du Hong Kong Aerospace Technology Group (Photo : Hong Kong Aerospace Technology Group)

Pourquoi Djibouti ?

La raison pour laquelle le site du port spatial commercial s’installe en République de Djibouti a suscité des interrogations dans la communauté internationale.

Djibouti est un petit pays avec un territoire de 23 200 km2 et une population de 957 000 habitants (2022), ce qui en fait le pays le moins peuplé du continent africain. Mais du point de vue de l’environnement social, des conditions naturelles et du contexte international, Djibouti est vraiment une bonne option.

Première constatation : Djibouti jouit ces dernières années d’une stabilité politique, d’une meilleure situation sociale et d’un développement économique stable (malgré un faible niveau de développement). En plus, Djibouti n’est pas menacé de forces anti-gouvernementales, et les résidents ne sont pas autorisés à posséder des armes à feu, ce qui donne un taux de criminalité plutôt faible.

Géographiquement, le pays est très bien situé, accroché à la jonction de la mer Rouge et du golfe d’Aden, en face du Yémen, séparé de la péninsule arabique par le célèbre détroit de Bab-el-Mandeb.

On appelle souvent Djibouti le « Singapour africain ».

La région d’Obock, située près du 12ème parallèle, présente des avantages par rapport au Centre de lancement de Wenchang, situé près du 19ème parallèle, dans le sud extrême de la Chine, permettant d’économiser du carburant lors du lancement de fusées tout en obtenant des vitesses plus élevées.

En outre, le territoire djiboutien a un climat de savane tropicale aride et semi-aride avec moins de précipitations, ce qui facilite les observations des lancements spatiaux.

Deuxième constatation : les relations entre Djibouti et la Chine sont stables et amicales. Ces dernières années, la coopération économique entre les deux pays a connu un développement positif, et les entreprises chinoises ont investi dans des projets tels que le port de Djibouti et le parc industriel de la chimie du sel, ainsi que la construction de la partie djiboutienne du chemin de fer Addis-Abeba-Djibouti.

L’un des participants au projet du port spatial, le Touchroad International Holding Group, a construit une « zone économique spéciale » à Djibouti, un bon exemple de participation des entreprises privées chinoises à la coopération économique sino-africaine.

En juillet 2017, la Chine a inauguré une base de support avancé à Djibouti pour fournir des soutiens logistiques aux formations d’escorte de la marine chinoise dans le golfe d’Aden, ainsi qu’aux soldats de la paix en Afrique. Le site du projet du port spatial se trouve juste en face de la base de support, dans la baie de Tadjoura.

Ces dernières années, la communauté internationale n’a pas été en paix, et les intérêts de la Chine à l’étranger (y compris les intérêts légitimes des entreprises privées et la sécurité de la vie et des biens des personnes) ont fait l’objet de certaines menaces. L’existence d’une base de support avancé est de nature exclusivement pacifique, mais elle sera aussi dissuasive pour les forces qui tentent potentiellement de saper les intérêts de la Chine à l’étranger.

Bref, le projet du port spatial commercial de Djibouti, s’il progresse sans heurts, ouvrira la voie à l’industrie spatiale africaine, et sera un événement majeur pour la coopération sino-africaine. Ainsi, la Chine et les pays situés le long de l’initiative « la Ceinture et la Route », y compris les pays africains, renforceront leur coopération et en bénéficieront mutuellement.

L’article n’engage que l’auteur et ne représente pas la position de People’s Daily Online.

[1] L’article, reconnu par l’Institut de géologie et de la terre de l’Académie chinoise des sciences, est basé sur l’analyse d’un groupe d’amateurs chinois sur les affaires internationales. Le texte original est disponible : https://mp.weixin.qq.com/s/8vk9XCB71lSL6gumSuPGXQ.

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