Une croissance à deux chiffres malgré les crises

Le Niger est parvenu ces dernières années à faire face à plusieurs chocs mondiaux, régionaux et nationaux, aussi bien sanitaires (Covid 19) que sécuritaires (violences dans le Sahel), climatiques (changements planétaires) ou économiques (conséquences de la guerre en Ukraine). Les taux de croissance de son économie sont sans ambiguïté quant à ses capacités de résilience exceptionnelles. 

Économie du Niger  

De 3,6% en 2020, ce taux est resté positif en 2021 à hauteur de 1,4 %, au plus fort de la pandémie de Covid 19 qui a mis à mal la plupart des économies de la planète. La sienne a rebondi dès 2022 pour porter son taux de croissance à 11,5 %, lequel est attendu à 6,9 % en 2023 et 12,5 % en 2024. Le Niger a enregistré en 2022 un taux d’inflation de 4,2 %, contre 7,2% dans l’UEMOA, un déficit budgétaire de 6,8% et un niveau d’endettement de 52,2% du PIB, sous les normes communautaires. Des résultats enviés ! 

TAUX DE CROISSANCE DE L’ECONOMIE DU NIGER :

3,6% en 2020
11,5% en 2022

ATTENDUS

6,9% en 2023
12,5% en 2024

Ceux-ci sont dus à la mise en œuvre des principales mesures de réformes et de politiques économiques portées par le Programme présidentiel de Renaissance Acte 3 du président Mohamed Bazoum, élu en avril 2021, et du Plan de développement économique et social (PDES 2022-2026), et en particulier à la bonne santé du secteur agricole et aux prévisions d’exportation de pétrole brut à partir de la fin de l’année. 

Ces résultats, en plus des opportunités d’investissements qu’offre l’économie nationale et des réformes structurantes mises en œuvre pour améliorer l’environnement des affaires, font aujourd’hui du Niger « un pôle d’attraction des bailleurs de fonds » publics et privés, explique Rabiou Abdou, le Ministre du Plan, dans cet entretien. Les 45 milliards de dollars de manifestations d’intérêt annoncés en décembre dernier lors de la Table ronde du financement et des investisseurs, organisée à Paris, ou la hausse de 71 % des investissements directs étrangers enregistrée entre 2021 et 2022, en sont la preuve. 

UNE ÉCONOMIE EN COURS DE TRANSFORMATION STRUCTURELLE 

Le Niger s’est fixé des objectifs élevés pour raffermir son économie, malgré les chocs exogènes et nationaux. Il a amélioré l’efficacité de la dépense publique, de la mobilisation des ressources internes et des incitations financières, fiscales et administratives. À travers le Programme de Renaissance Acte 3, la Déclaration de politique générale du Premier Ministre, Ouhoumoudou Mahamadou, et le Plan de développement économique et social (PDES 2022-2026), c’est une stratégie globale qui est mise en œuvre pour transformer structurellement l’économie du pays. Dans ce sens, le développement des routes et l’accès à l’énergie, mais aussi la réduction de la dépendance de l’agriculture aux aléas climatiques, sont un préalable à la création de pôles agro-industriels. 

  • Plus de terres agricoles irriguées

Entre 2020 et 2022, le PIB du secteur agricole a progressé de 27 %, avec un apport appréciable des cultures irriguées qui sont passées de 207 789 à 288 083 hectares (+ 39 %). Il faut rappeler que le Niger est le pays du Sahel le plus riche en eaux souterraines, avec une réserve estimée à deux milliards de m3, soit un potentiel de deux millions d’hectares de terres arables exploitables.

 © La bonne santé du secteur agricole du Niger.

© La bonne santé du secteur agricole du Niger.

  • Le pétrole attendu en renfort

Le taux de croissance de 12,5%projeté en 2024 est en partie à l’exportation du pétrole brut qui doit démarrer à partir du mois de novembre 2023. C’est à cette date que sera achevée la construction du pipe-line Agadem-Cotonou, long de près de 3000 km et dont la construction a été lancée en septembre2019. Ce projet structurant, réalisé avec la CNPC, la société pétrolière nationale chinoise, doit faire passer la production nigérienne de pétrole de 20 000 à plus de 100 000 barils par jour. 

 © Construction du pipe-line Agadem-Cotonou.

© Construction du pipe-line Agadem-Cotonou.

  • Le choix de l’énergie solaire

Le Niger a récemment investi dans la construction de centrales électriques solaires hybrides pour diversifier son mix énergétique. Ces investissements vont permettre d’améliorer la disponibilité de l’électricité dans les zones rurales et d’encourager le développement économique. Déjà, onze centrales hybrides sont construites et fonctionnent dans autant de communes du pays. 

 © Le choix de l’énergie solaire.

© Le choix de l’énergie solaire.

  • Les routes pour offrir des opportunités aux entreprises

Les infrastructures routières désenclavent les zones isolées du pays, facilitent le transport des marchandises et réduisent son coût. Au final, elles ouvrent des opportunités commerciales aux entreprises. En deux ans, 680 km de routes bitumées ont été réalisés, dont 375 km construits et 304 km réhabilités. Dans les prochaines semaines seront lancés ou redémarrés d’importants travaux routiers, aussi bien tournés vers l’intérieur du pays que vers ses frontières nigériane et algérienne. 

 © Construction de routes.

© Construction de routes.

La crédibilité du Niger en fait un pôle d’attraction des bailleurs de fonds 

 © Dr Rabiou Abdou, Ministre du Plan du Niger.

© Dr Rabiou Abdou, Ministre du Plan du Niger.

Entretien avec Dr Rabiou Abdou, Ministre du Plan du Niger.

Malgré la persistance des chocs exogènes, l’économie nigérienne se porte bien. Elle est l’une des plus dynamiques en Afrique et il n’est pas exagéré d’étendre cet exploit à l’échelle mondiale. Les mesures retenues dans le PDES 2022-2026 sont de nature à consolider et maintenir cette dynamique en vue d’une réelle transformation structurelle de l’économie. Cette dynamique de création de la richesse est portée par les investissements. Le taux d’investissement brut s’est établi à 34,2 % du PIB en 2021 et 33,5 % en 2022, bien au-dessus de la norme de 24 % préconisée par la Banque Mondiale pour amorcer une croissance économique permettant d’améliorer le bien-être de la population et de réduire significativement la pauvreté.  S’agissant de l’inflation, qui frappe le monde entier, au Niger, les opérations de ventes à prix modérés des céréales, de distributions gratuites de vivres et de cash transferts, ainsi que l’amélioration de l’offre en produits maraîchers, ont permis de contenir le coût de la vie.

Malgré l’ampleur du déficit céréalier de 2021 et la flambée des prix des produits importés, ces actions ont contribué à maintenir en 2022 un taux d’inflation au Niger (4,2 %) bien inférieur à la moyenne de l’UEMOA (7,4 %). La crédibilité de notre politique budgétaire est également passée par là. Le déficit public est de 6,8% en 2022, malgré le niveau élevé des dépenses pour renforcer la résilience de l’économie et la sécurité. Le ratio de l’encours de la dette par rapport au PIB est de seulement 52,2 % et nous enregistrons une progression de la mobilisation des recettes intérieures de 5 % entre 2021 et 2022 (1837 mil- liards de F CFA). En termes de ressources extérieures, 70 accords de financement ont été signés, totalisant un montant de 2 641,1 milliards de FCFA, dont 1 209,3 milliards de FCFA décaissés. La crédibilité du Niger et de sa gouvernance fait du pays le pôle d’attraction des bailleurs de fonds multilatéraux, bilatéraux et des investisseurs privés extérieurs. 

PLUSIEURS MESURES ONT PERMIS DE « CONTENIR LE COUT DE LA VIE »

Qu’est-ce qui explique le succès de la table ronde du financement et des investisseurs, organisée à Paris, dans le cadre du PDES, en décembre 2022 ?

Cet évènement a enregistré des annonces et manifestations d’intérêt de 45 milliards d’euros pour des besoins de 29,6 milliards d’euros. Ce succès peut être attribué à plusieurs facteurs, dont la forte implication du président de la République, la pertinence de nos orientations stratégiques, les acquis démocratiques de notre pays ou encore les opportunités économiques évidentes qu’il offre. Nous avons innové en réalisant des études de faisabilité pour plusieurs projets structurants et un diagnostic stratégique du secteur privé nigérien, réalisé avec la SFI et la Banque Mondiale, éclairait nos partenaires sur les réformes programmées pour améliorer le climat des affaires. Le succès de cette Table ronde fait aujourd’hui du Niger une référence que plusieurs pays sollicitent pour un partage d’expérience. 

« NOUS ACCORDONS UNE GRANDE IMPORTANCE A NOTRE CAPACITE D’ABSORPTION DES RESSOURCES MOBILISEES »

Concrètement, au cours de l’année 2023, qu’est-ce qui est attendu de votre ministère ?

Nous allons poursuivre la mobilisation des ressources extérieures afin que les annonces faites à la Table ronde de Paris soient concrétisées. À cet effet, en plus des onze études de faisabilités réalisées, nous en réalisons vingt autres au titre de l’année 2023. Avec nos partenaires techniques et financiers (PTF), nous avons engagé le processus de formulation de nouveaux projets et nous apporterons les soutiens nécessaires aux ministères sectoriels et institutions de la République parties prenantes. Le ministère fait un suivi rapproché de la mise en œuvre des projets en cours d’exécution et accorde une grande importance à notre capacité d’absorption des ressources mobilisées. Notre ambition est de booster la consommation des crédits et la performance des projets pour les aligner sur nos efforts, couronnés de succès, de mobilisation des ressources extérieures. 

Comment rendre l’administration nigérienne plus efficace sur ces points ?

Le gouvernement a instauré des contrats de performance pour le personnel des unités de gestion des projets et il organise des revues annuelles conjointes de la performance des portefeuilles de projets soutenus par nos PTF. Un dispositif interministériel de suivi des réformes est également institué. Le suivi et l’évaluation seront renforcés à travers la mise en œuvre de la Stratégie nationale de suivi-évaluation (SNISE), adoptée en janvier 2022. À cet égard, une plateforme informatique a été mise en place pour collecter et analyser, sur une base trimestrielle, les données sur l’exécution des projets, programmes et réformes. Je peux ajouter que le 5e Recensement général de la population, que nous organisons en 2023, sera déterminant dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques. 

Comment faire pour que la forte croissance démographique et le système éducatif peu performant du Niger ne contrarie pas, comme par le passé, la mise en œuvre du PDES ? 

Les questions de démographie et d’éducation doivent être traitées de manière cohérente pour un développement harmonieux du capital  humain,  qui est la priorité des priorités au Niger. 

 © L’éducation au cœur des priorités du PDES 2022-2026.

© L’éducation au cœur des priorités du PDES 2022-2026.

C’est pourquoi le premier axe stratégique du PDES est consacré à cette thématique, en prenant en compte, dans les deux premiers programmes, l’interrelation entre démographie et éducation. Dans le programme 1, l’accent est mis sur l’accès à l’éducation, notamment pour les jeunes filles, avec la création d’internats dédiés et de collèges de proximité, afin de promouvoir leur scolarisation et leur maintien à l’école. Cette politique a un impact sur la démographie car les filles en cours de scolarisation ont moins de risques de se marier et d’avoir une maternité précoce. Au niveau du second programme, l’une des actions majeures porte sur l’amélioration de la santé de la reproduction et le renforcement de la capacité opérationnelle en planification familiale des formations sanitaires. En plus du renforcement des stratégies actuelles, les formations sanitaires et les sites de distribution à base communautaire seront régulièrement approvisionnés en intrants. Il s’agira aussi d’intensifier la mise en œuvre des actions ayant abouti à la baisse du mariage des enfants, et donc de maternités précoces. La création de l’Office national de la population participe de cette dynamique. 

LE CAPITAL HUMAIN EST LA PRIORITE DES PRIORITES AU NIGER

Que signifie la visite du Président du groupe de la Banque Mondiale, David Malpass, en mars dernier, au Niger ?

Le Président du Groupe de la Banque mondiale a choisi notre pays pour prononcer son discours de positionnement en prélude aux réunions de printemps de la BM et du FMI (10 au 14 avril 2023). C’est la deuxième fois qu’un tel discours est prononcé en Afrique, après le Soudan en 2018. Le choix de notre pays a été motivé, entre autres, par la qualité de sa gouvernance démocratique, les efforts fournis en matière de lutte contre l’insécurité et l’importance du portefeuille du Groupe de la Banque mondiale au Niger. Celui-ci est composé de 35 projets pour un engagement de 4,68 milliards de dollars. C’est l’un des plus importants de la sous-région après le Nigeria. Plusieurs grandes opérations (d’un montant de 2 121 ,6 milliards de F CFA) sont en cours de préparation et seront financées entre 2023 et 2025 par une partie des ressources annoncées par le Groupe de la BM à la Table Ronde de Paris. 

 © Mohamed Bazoum, président de la République du Niger, reçoit David Malpass, président du Groupe de la banque mondiale à Niamey finmars 2023.

© Mohamed Bazoum, président de la République du Niger, reçoit David Malpass, président du Groupe de la banque mondiale à Niamey finmars 2023.