Du bon usage de l’aide américaine en Afrique
Depuis 2004, l’agence américaine Millennium Challenge Corporation investi la plus importante part de son budget pour le développement de la croissance économique en Afrique. Fonctionnement et enjeux.
« L’Afrique absorbe la plus importante partie de l’aide de la Millennium Challenge Corporation [MCC], explique son président, Daniel Yohannes. Les Africains sont de plus en plus ouverts au business, ils ont besoin de capitaux pour réaliser leurs activités. » Créée en 2004 et dotée d’un budget annuel de 1 milliard de dollars, l’agence américaine a pour mission de réduire la pauvreté en aidant les pays à développer durablement leur croissance économique. Actuellement, 70 % de son portefeuille de projets (soit environ 6 milliards de dollars) est consacré à l’Afrique, où 20 pays* bénéficient de ses programmes appliqués à des investissements très divers.
Moderniser les infrastructures
Les financements du MCC sont utilisés pour réformer le système des marchés publics afin de réduire la corruption au Kenya et en Ouganda, pour moderniser le Port de Cotonou au Bénin (sécurité portuaire, augmentation du trafic, réduction des coûts), pour rénover et développer le réseau routier au Ghana et en Tanzanie, pour réhabiliter les infrastructures de santé et augmenter la disponibilité des ressources en eau à l’attention des industriels et de la population au Lesotho.
Le Rwanda, lui, a affecté cette aide à la réforme de son système judicaire, à la promotion des libertés et au renforcement de la société civile. Au Burkina, près de 500 millions de dollars sont consacrées à la sécurité foncière, à la gestion des terres, à l’amélioration de la productivité, au désenclavement des zones rurales et à la modernisation des marchés agricoles. Une partie des ressources sert, au Sénégal, à moderniser les exploitations agricoles (notamment via l’irrigation) et, au Maroc, à soutenir les PME-PMI et la création de richesses.
« Améliorer la gouvernance des pays »
Lire aussi :
Pauvreté : la croissance ne suffira pas
Elizabeth Littlefield : « Les énergies renouvelables sont la priorité de l’OPIC »
La Côte d’Ivoire demande l’annulation pure et simple de sa dette auprès de la France
De nombreuses subventions sont accordées pour les programmes axés sur la réforme du secteur privé, le droit des affaires, la lutte contre la corruption, la modernisation des systèmes judiciaires. « Autant de réformes qui visent à améliorer la gouvernance des pays, pour leur permettre d’attirer les investisseurs et concurrencer les autres nations sur le marché mondial, précise Daniel Yohanness. Nous investissons aussi beaucoup dans les projets énergétiques, qui permettent de développer les activités industrielles et donc, aussi, d’attirer les investisseurs. »
En général, les résultats suivent. La plupart des pays appuyés affichent des taux de croissance annuels oscillant entre 5 % et 10 %. Pour être éligible au MCC, les critères de sélection sont drastiques.
Abidjan en quête d’éligibilité
Si l’agence américaine met des sommes importantes, pour une période de cinq ans, à la disposition des pays admis, ces derniers doivent auparavant accomplir de profondes réformes pour se conformer aux vingt indicateurs de l’agence, qui vont du niveau de la démocratie et de la liberté, à ceux de la gouvernance politique et économique, en passant par l’environnement des affaires. Même pendant la mise en œuvre du programme, tout dérapage peut conduire à une suspension de l’aide. Le Mali et le Malawi ont en récemment fait les frais. Autre particularité, ce sont les États qui déterminent, en fonction de leurs besoins, les projets d’investissement auxquels sera affectée l’aide. Ces projets font alors l’objet d’une évaluation rigoureuse des experts du MCC.
En Côte d’Ivoire, le président Alassane Ouattara en a fait une priorité. Il a donné des instructions très fermes au Comité national pour l’éligibilité de la Côte d’Ivoire au MCC afin de remplir au plus tôt les conditions d’accès au programme américain. L’État ivoirien espère obtenir entre 400 et 500 milliards de F CFA (entre 610 et 722 millions d’euros) pour financer le programme de développement du pays. Rien n’est cependant acquis puisque les autorités doivent accomplir d’importants progrès : elles ne remplissent pour l’instant que 5 des 20 critères retenus par le MCC. Parmi les priorités : la réforme de la justice, la lutte contre la corruption, un meilleur accès au foncier, l’augmentation des dépenses de santé, les libertés civiles et de l’information, une plus grande participation des femmes à l’économie.
* Bénin, Burkina, Cap-Vert, Ghana, Kenya, Lesotho, Liberia, Madagascar, Malawi, Mali, Maroc, Mozambique, Namibie, Niger, Rwanda, Sao Tomé et Principe, Sénégal, Tanzanie, Ouganda, Zambie.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- Doublé par la junte au Mali, Maroc Telecom restera-t-il dans le pays ?
- Chez Itoc au Sénégal, les enfants de Baba Diao revisitent la gouvernance du groupe
- Carburant en Afrique : pourquoi les exportateurs mondiaux jouent des coudes pour a...
- « Neuf des vingt pays qui présentent les taux de croissance les plus forts au mond...
- Sénégal : à quoi doit servir la nouvelle banque de la diaspora ?