Réfugiés climatiques: un statut risqué à inventer

Une « conspiration du silence » des Etats concernés entoure le sort des réfugiés ou des déplacés climatiques, déplore le HCR, qui mène une réflexion prudente sur leur éventuel statut.

Publié le 5 novembre 2009 Lecture : 2 minutes.

« Cela reste un tabou. Les pays d’origine ou d’accueil sont réticents, voire hostiles, à ouvrir le débat. Notamment parce qu’il n’y a pas de quantification prévisible du nombre de personnes concernées », estime Jean-François Durieux, responsable du changement climatique au Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Dans un entretien à l’AFP, en marge des négociations sur le climat à Barcelone, M. Durieux espère que le futur accord de Copenhague, en décembre, évoquera la question et permettra de « dégager un capital de confiance pour ouvrir le débat ». A ce stade, « c’est la conspiration du silence ».

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En 2050, le nombre de personnes forcées de quitter leurs terres en raison de la dégradation du climat pourrait atteindre 200 ou 250 millions, selon les estimations reprises par l’Office international des migrations (OIM). « Mais il n’y a pas de prédiction possible et ce manque de prédictibilité effraie ».

Aussi juge-t-il risqué de pousser le débat vers un statut de réfugié climatique: « Si l’on essaie de promouvoir une obligation d’accueil sur le long terme, on n’arrivera à rien. Les Etats acceptent la rigueur d’un système mais seulement pour un petit nombre d’individus ».

D’autant qu’il faudrait amender le statut de 1951, qui reconnaît comme réfugié une victime de persécution et de violences, et passer par un nouveau traité entre les 192 Etats membres de l’ONU.

En outre, poursuit M. Durieux, « cela risque d’entraîner un effet boomerang sur ceux qui fuient déjà les persécutions et de détricoter le régime de protection actuel, déjà constamment menacé ». Le point de départ de la réflexion doit être l’impossible retour vers la région d’origine en raison de la dégradation de son environnement et donc d’assurer une coopération avec le pays d’accueil.

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« Si les migrants illégaux sont expulsables, il faut envisager des modalités leur permettant de rester et, pour cela, s’entendre avec leur pays d’origine – qu’on ignore habituellement ».

Ainsi, le Bangladesh, dont une partie du territoire est menacée d’inondation par la fonte des glaciers de l’Himalaya, peut-il se tourner vers l’Inde ou certains pays du Golfe – où travaillent déjà nombre de ses ressortissants? « Il faut arriver à un partage des responsabilités », estime l’expert.

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Par ailleurs, beaucoup de migrants chassés de chez eux par les catastrophes naturelles ne franchissent pas de frontière mais sont déplacés dans leur propre pays. Ces personnes déplacées sont déjà, théoriquement, couvertes par un statut même s’il n’est pas toujours respecté: « Là où un cadre juridique existe, utilisons-le ».

« La difficulté d’une nouvelle définition sera de s’assurer qu’une fois en place, elle sera respectée. Encore faudra-t-il être en mesure d’établir clairement un lien avec des causes climatiques ».

Les réfugiés climatiques existent déjà, même s’ils fuient parfois officiellement un conflit, comme au Darfour. « C’est d’abord une lutte pour la survie, mais il n’existe aucune obligation d’accueillir des gens qui fuient la pauvreté ».

Le HCR sera peut-être en mesure de faire des propositions d’ici à un an, espère son expert. Pour l’heure, il essaie de chiffrer le coût additionnel du changement climatique sur les infrastructures qu’il gère. Comme dans le nord du Kenya, où un camp de 300. 000 réfugiés est régulièrement inondé.

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