Sécheresse historique au Kenya: on achève bien les dromadaires

Le dromadaire aux quatre pattes entravées par des branchages blatère désespérément, le sang gicle de son artère tranchée: les nomades kényans de la région aride de Turkana en sont réduits à sacrifier leurs bêtes pour survivre à une sécheresse exceptionnelle.

Publié le 6 octobre 2009 Lecture : 2 minutes.

« J’ai amené mon dromadaire pour l’abattre et gagner un peu d’argent après avoir perdu l’autre, mort de faim à cause de la sécheresse », explique Erkal Lorinyo, environ 65 ans, en regardant la bête méticuleusement dépecée pour récupérer viande et peau.

Comme M. Lorinyo, une vingtaine de nomades Turkana ont marché pendant des heures à travers la savane pelée, par plus de 40 degrés, jusqu’à l’endroit où est prévue une opération d’abattage.

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Un dromadaire ou une vache rapporte 10. 000 shillings kényans (100 euros) à son propriétaire, une chèvre 800 ksh (8 EUR), et la viande est ensuite distribuée aux plus nécessiteux.

Cet abattage constitue la pierre angulaire d’un programme d’aide aux éleveurs du district de Turkana mis en oeuvre par Vétérinaires sans frontières-Belgique et financé par la Commission européenne à hauteur de 2,2 M EUR. Poussés par la nécessité, les Turkana ont vaincu leurs réticences initiales à abandonner une partie de leur cheptel, et plus de 16. 000 bêtes seront tuées d’ici la fin de l’année, dont une trentaine de dromadaires.

Coincée au nord-ouest du pays, à la frontière avec l’Ouganda, le Soudan et l’Ethiopie, la région de Turkana est la plus pauvre du Kenya.

La sécheresse qui la frappe depuis plus de deux ans a mis sa population — 500. 000 personnes dont 70% de nomades –, pourtant rompue à l’hostilité d’un environnement quasi-désertique, au bord de l’épuisement.

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Ce jour là, des jeunes femmes à la coupe de cheveux traditionnelle, façon mohican, apportent dans leurs bras des chèvres mortes en chemin, pour les jeter aux côtés des dizaines de carcasses étalées sous un acacia sans feuille.

« C’est la pire sécheresse depuis 1969, l’année où des dromadaires étaient déjà morts », se souvient Esta Ekouam, une grand-mère qui ne connaît pas son âge, même approximatif. « La plupart de ceux qui en étaient capables sont déjà partis en ville. Quant à moi je survis avec l’aide alimentaire ».

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Cette sécheresse historique, un de ces phénomènes météorologiques extrêmes que les climatologues attribuent au réchauffement mondial, bouleverse la vie des Turkana.

« La sécheresse a provoqué une accélération des conflits » entre communautés rivales pour les rares terres de pâturage, déplore Joseph Elim, responsable de l’association turkana Riam-riam. Des centaines d’hommes sont tués chaque année dans ces affrontements, nourris par la contrebande d’armes automatiques.

La sécheresse jette également dans les rues du chef-lieu, Lodwar, des centaines de jeunes qui abandonnent, la mort dans l’âme, le seul métier jamais pratiqué dans leur communauté, celui de berger.

« Je m’occupe d’animaux depuis que je suis né. Après la mort de tous mes animaux, je n’ai eu d’autre choix que de venir en ville cette année. Mais tout ce que je peux faire ici, c’est mendier », explique John Esekon, 30 ans, dans un témoignage partagé par la plupart des jeunes rencontrés au marché « California » de Lodwar.

Eibach Lokou, 25 ans, survit pour sa part en vendant du charbon de bois, produit à partir d’arbres morts assure-t-il. Mais la réalité est que les populations locales déboisent pour trouver de maigres sources de revenus, avec le risque d’aggraver encore le dérèglement climatique qui les frappe.

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