La Côte d’Ivoire face aux appétits de ses « brouteurs », escrocs sur internet

Leader économique en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire joue aussi désormais les premiers rôles sur le terrain de la cybercriminalité: la faute aux « brouteurs », des escrocs opérant sur l’internet et dont les victimes résident en Europe.

Publié le 12 août 2009 Lecture : 2 minutes.

« La Côte d’Ivoire est devenue leader dans la cybercriminalité » dans la région, affirme à l’AFP un responsable de la cellule de lutte de la gendarmerie ivoirienne, sous couvert d’anonymat.

Apparue au début des années 2000 dans le pays, la fraude informatique connaît depuis deux ans « une ascension fulgurante » et « dramatique », souligne-t-il.

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Les escrocs sur la Toile à la mode ivoirienne profitent sur place d’un réseau internet très développé. Leur expansion serait aussi liée à la venue de cybercriminels du Nigeria, tristement célèbres à travers le monde.

Les « brouteurs » d’Abidjan tirent leur nom de ruminants qui ne craignent pas de se ravitailler hors de leur zone. Eux aussi vont chercher leur pitance ailleurs: en Europe.

Jeunes, parfois âgés de moins de 20 ans, ils ont pris d’assaut les quelque 400 cybercafés de la capitale économique ivoirienne, d’où ils peuvent gagner jusqu’à deux millions de FCFA (3. 000 euros) chacun par jour, selon le gendarme-expert.

Comme Serge, qui passe ses journées avec d’autres « brouteurs » dans un « cyber » du quartier populaire d’Adjamé, ils vont dénicher leurs victimes sur des sites de rencontres.

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Cet étudiant en télécommunications explique avoir coutume de se « faire passer pour une fille » en complétant ses divers « profils » avec des photos de mannequins.

Petit à petit, il s’emploie à tisser des liens avec sa proie, un homme souvent âgé. Au moment propice, la fausse jeune fille se décide à demander de l’argent. Ce jour-là, elle appelle à l’aide parce qu’ »on a cassé sa boutique ». Le crédule bienfaiteur sera délesté de 600 euros.

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En 2008, plus de 3. 000 plaintes (émanant de personnes grugées ou qui ont failli l’être) ont été enregistrées dans les ambassades occidentales à Abidjan, selon l’Agence des télécommunications de Côte d’Ivoire (ATCI).

Pour Abraham Djékou, responsable des nouvelles technologies de l’information au sein de cet organe, il y a urgence: « il faut qu’on continue de garantir la viabilité d’internet pour que les gens puissent l’utiliser ».

L’ATCI a donc mis en place un centre pour « surveiller le réseau » et suivre les traces des messages. L’agence a également inspiré un projet d’arrêté ministériel visant à imposer que tous les usagers soient identifiés au préalable auprès des cybercafés.

« D’ici à la fin de l’année, nous allons débarrasser les cybercafés de ce phénomène », veut croire M. Djékou.

Une source sécuritaire occidentale souligne toutefois que les autorités ivoiriennes ne font que « commencer » à se saisir du problème.

De son côté, le gendarme plaide pour une « législation répressive », sur le modèle de l’ »article 419″ adopté au Nigeria, alors que l’explosion de la fraude informatique bénéficie selon lui d’un vide juridique en Côte d’Ivoire.

Dans les conversations, la presse ou les lieux de culte, ces escrocs sont d’ores et déjà devenus un sujet de société.

Récemment, dans une église d’Abidjan, un prêtre consacrait son homélie dominicale à ce fléau. Et en appelait à la responsabilité des parents: « haro sur ces pères de famille qui, sachant leurs fils +brouteurs+, ne les dénoncent pas et profitent des fruits de leurs escroqueries! »

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