Dans le township de Thokoza, les pauvres crient leur colère

Des branchements électriques illégaux et de l’eau croupie passent entre des maisons de bric et de broc à Thokoza. Dans ce township d’Afrique du Sud, les habitants sont frustrés par l’absence de changement depuis la fin de l’apartheid et crient leur colère.

Publié le 29 juillet 2009 Lecture : 2 minutes.

« On nous fait des promesses depuis toutes ces années. On en a marre. Trop, c’est trop ! », lance Sipho Duma, un chômeur qui habite depuis 1996 dans une baraque d’une pièce, construite avec des tôles et de fines planches de bois.

A 52 ans, ce père de famille est descendu cette semaine dans la rue pour dénoncer, avec des centaines d’autres voisins, ses conditions de vie. Des manifestations similaires, parfois violentes, ont éclaté depuis le début de la semaine dernière dans plusieurs townships du pays.

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Sipho, qui vit avec sa femme, partage des sanitaires avec une vingtaine de voisins et a de la lumière grâce à un raccordement électrique illégal.

Dans les ruelles cabossées de son quartier, à une quarantaine de kilomètres au sud-est de Johannesburg, des habitants se fraient un passage entre des pneus brûlés pendant la manifestation de mardi. Ils poussent des caddies et brouettes remplis de jerricans jusqu’au robinet public le plus proche.

A quelques dizaines de kilomètres de là, se dressent des maisons cossues, souvent avec piscine et cachées derrière des murs électrifiés dignes de prison.

L’Afrique du Sud est la première puissance économique du continent, mais comme Sipho, plusieurs millions d’habitants vivent dans des conditions misérables, quinze ans après la fin du régime ségrégationniste.

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Conscient de ces inégalités criantes, le nouveau président, Jacob Zuma, élu début mai et leader du Congrès national africain (ANC), parti au pouvoir depuis 1994, a fait de la lutte contre la pauvreté sa priorité, mais sa marge de manoeuvre est réduite par l’entrée en récession de son pays. La vague de protestation dans les townships, qui a éclaté en plein hiver austral, quand les températures avoisinent le zéro pendant la nuit, marque définitivement la fin de sa lune de miel.

Le gouvernement « a promis mais il a échoué », estime Sipho. « L’ANC a été au pouvoir depuis quinze ans maintenant. C’est le même cheval, seul le jockey change », ajoute-t-il en référence aux quatre présidents de l’ANC qui se sont succédés depuis 1994.

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Sipho est candidat depuis treize ans pour une maison en dur, dans le cadre du programme gouvernemental de construction de logements décents. En quinze ans, les autorités ont construit 2,8 millions de maisons, mais un million de familles, à l’écrasante majorité noire, vivent toujours dans des baraques, comme pendant les dizaines d’années d’apartheid où la majorité noire était cantonnée dans des quartiers pauvres loin des centre-villes.

Les habitants de Thokoza promettent de ne pas en rester là, espérant que M. Zuma les prendra au sérieux. « Si on ne lui montre pas comment on vit, comment pourra-il nous aider ? », se demande un marchand de légumes, Emmanuel Mncube, 44 ans, alors que des pneus en flammes se consument dans la rue. « Cette fois, c’est le temps du changement », assure-t-il.

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