Depuis les violences, élèves kikuyu et kalenjin ne se côtoient plus à Gitwe

Les amis kalenjin d’Anthony, kikuyu de la vallée du Rift, ne sont jamais revenus dans son école depuis les violences de 2008. Ils étudient sur la colline d’en face, en « territoire » kalenjin, exemple d’une ségrégation mettant en péril éducation et réconciliation.

Publié le 23 juillet 2009 Lecture : 2 minutes.

L’école de Gitwe, perchée sur une colline rurale près d’Eldoret (300 km au nord-ouest de Nairobi), a été en grande partie incendiée le 28 janvier 2008 au plus fort des violences politico-ethniques qui ont suivi la réélection contestée du président kikuyu Mwai Kibaki.

Certains membres de l’ethnie kalenjin, qui a majoritairement soutenu le candidat d’opposition, avaient alors attaqué leurs voisins kikuyu, venus s’installer dans la région des dizaines d’années auparavant, déclenchant des violences meurtrières.

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Un an et demi après, certaines écoles font face à une ségrégation ethnique, témoin de la persistance des tensions.

« Avant, l’école accueillait un mélange d’ethnies et il n’y avait pas de tension », explique à l’AFP le directeur, Peter Ashimosi, dans son école en partie reconstruite et manquant de tout.

« Mais apparemment, ceux qui ont incendié l’école viennent des maisons en bas de la vallée (kalenjin), alors les parents kalenjin ont eu peur de représailles et ont retiré leurs enfants ».

90% des 333 élèves restants sont des Kikuyu.

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Anthony Mwangi, 17 ans, est secoué de tremblements quand il évoque les souvenirs traumatisants de sa maison incendiée, sa fuite, la misère de sa vie actuelle dans un camp de déplacés.

Selon lui, ses « bons amis » ne sont jamais revenus parce que « les Kalenjin se sentent coupables de ce qu’ils ont fait ».

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Veronica Wanjiru, 16 ans, assène que « les élèves ne sont pas revenus parce qu’ils savent que leur communauté a brûlé notre école, tué des gens ».

« Même si mes deux amies kalenjin reviennent, nous ne serons plus aussi proches car je ne pourrai plus leur faire confiance », lâche-t-elle.

Ruben Kebatta, « n’autorise pas » ses jumeaux de 14 ans inscrits à Gitwe à rencontrer leurs camarades kalenjin. « Trop d’amertume »: l’école privée dont il était le directeur, sa maison, ses biens ont été incendiés et il survit dans un camp.

Mais, concède-t-il, « si nous voulons l’unité, il faut que ces enfants apprennent ensemble ».

De l’autre côté de la vallée, en « territoire » kalenjin, les deux principales écoles de Lomok (470 élèves) et Aturei (750 élèves) ont accueilli les élèves kalenjin de Gitwe.

« Huit des enseignants d’ethnies kikuyu et luhya ne sont jamais revenus », déplore Ann, enseignante à Lomok, ajoutant: « cette ségrégation va affecter la paix, parce que ces enfants vont grandir dans un environnement sans interaction et croiront que c’est mal de vivre avec les autres communautés ».

Wilson Kosgei a retiré son fils de 12 ans de Gitwe pour le placer à Aturei. « Je ne suis toujours pas rassuré pour sa sécurité, il pourrait être attaqué par des jeunes kikuyu ».

« Il a régressé en kiswahili (langue nationale) et en anglais: tout le monde parle kalenjin à l’école; il y aussi moins de compétition », regrette-t-il.

Apollos Machira, responsable d’une ONG, le Centre pour la résolution des conflits, critique une « polarisation » qui « rappellera son appartenance ethnique à chaque enfant de cette génération ».

« Ca pourra conduire à plus de violences », prévient M. Ashimosi.

A Gitwe, une cinquantaine d’élèves entonnent l’hymne national en abaissant le drapeau planté devant l’école: « Puissions-nous demeurer dans l’unité, la paix et la liberté », chantent-ils, avant de retrouver un quotidien qui en est bien éloigné.

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