Bomou, le « maître de la parole » ivoirien qui se veut griot moderne

« Le verbe est mon art », lance-t-il en prélude à tous ses spectacles: « maître de la parole » autoproclamé, l’Ivoirien Mamadou Bomou se veut l’incarnation du griot moderne en Afrique, contre ceux qui dégradent cette pratique ancestrale.

Publié le 22 juillet 2009 Lecture : 2 minutes.

S’il n’est pas issu d’une lignée de griots, Bomou, né en 1961 d’un père ivoirien et d’une mère d’origine burkinabè, s’est fait un nom dans son pays mais aussi au Burkina Faso, au Mali ou au Cameroun en s’efforçant de perpétuer l’art de ces conteurs africains, dépositaires de la tradition.

Comédien, metteur en scène, chorégraphe, chanteur, après 15 années au sein de la célèbre troupe Kiyi M’Bock basée à Abidjan, il embrasse en 1998 une carrière solo. Il devient celui qu’on invite, lors de cérémonies officielles ou d’événements culturels, pour retracer l’histoire d’une institution ou expliquer tel aspect de la culture locale.

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Historien à sa façon, il renoue avec l’art des « Djéliba » (griot, en langue malinké) de l’Afrique traditionnelle, qui a connu un grand éclat dans la région du Mandingue, qui s’étend du Sénégal au Niger.

Sa première intervention de ce genre, il la doit à la styliste ivoirienne Miss Zahui, dont il anima le défilé de mode il y a plus de dix ans.

« J’ai fait la présentation à partir des coupures de presse. J’ai vu que les gens ont aimé et ont commencé à applaudir », raconte-t-il à l’AFP.

Depuis, mince silhouette dans son pagne majestueux et voix de stentor, il s’empare du micro pour célébrer la parole, qui « n’est belle que dans la bouche de ceux qui savent la dire ».

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En forme d’ouverture à la modernité, Mamadou Bomou, qui discourt longuement et sans texte, ajoute au récit historique de rigueur quelques commentaires sur l’actualité, avec une solennité et une emphase teintées d’humour.

Il entend ainsi réhabiliter l’art des griots, sur lesquels la société porte un « regard dépréciatif », selon l’universitaire Urbain Amoa.

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Le métier de griot, « âme d’un peuple et de sa mémoire », est en effet « dénaturé » par le fait que ses tenants actuels « tendent la main et sont devenus des crieurs publics », dénonce M. Amoa, professeur de lettres, recteur de l’université privée Montesquieu, à Abidjan.

Face à cette menace qui, à coup d’éloges mécaniques lancés lors de mariages et autres cérémonies, transforme ces conteurs en « mendiants », Bomou, « effaré » d’être « seul dans (sa) catégorie », envisage d’organiser un festival de la parole et de construire plus tard un centre dédié à cet art.

« Aujourd’hui on vous dit : +voici le porte-parole d’un gouvernement qui est en train de lire un discours+, et il balbutie! », s’indigne-t-il.

Si, sous le couvert de la tradition, il s’autorise quelques piques – épinglant par exemple, en présence du président Laurent Gbagbo, la gestion des entreprises publiques de Côte d’Ivoire – sa modération fait parfois grincer des dents et, pour ses détracteurs, il ressemble aux laudateurs professionnels qu’il vilipende.

Quand il évoque la crise dans laquelle est plongé son pays depuis le coup d’Etat manqué de 2002, l’artiste, sollicité par les institutions et qui ne cache pas sa sympathie pour le chef de l’Etat, pointe prudemment un problème d’ »egos » et de « leadership ». . .

Mais il jure être prêt à discourir chez l’opposant et ex-Premier ministre Alassane Ouattara, bête noire du camp présidentiel, si on le lui demandait.

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