Au Kenya, la difficile réconciliation entre des communautés meurtries

Un an et demi après les violences politico-ethniques meurtrières au Kenya, la réconciliation progresse difficilement dans la vallée du Rift, face à une méfiance persistante entre ethnies et au chômage des jeunes qui mettent en péril une paix durable.

Publié le 15 juillet 2009 Lecture : 2 minutes.

Ruben Kebatta, un enseignant kikuyu de la région d’Eldoret qui a tout perdu dans les violences, se dit « déchiré entre les valeurs de patriotisme et (son) amertume personnelle ».

« La réalité, c’est qu’on doit cohabiter (avec l’ethnie kalenjin). Mais la réconciliation ne viendra pas de la population locale, le gouvernement doit intervenir véritablement pour reconstruire le tissu social », dit-il.

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Lors des violences post-électorales (1. 500 morts, 300. 000 déplacés) début 2008, les Kalenjin, qui considèrent que les Kikuyu ont « envahi » leur « terre ancestrale » depuis des dizaines d’années dans la vallée du Rift, s’en sont pris à la communauté kikuyu du président Mwai Kibaki dont la réélection était contestée.

Des Kikuyu ont alors lancé des représailles dans d’autres régions. Ces violences ont aussi été le catalyseur de problèmes minant la société kényane: les inégalités, le chômage, les tensions ethniques.

Un an et demi après, la réconciliation progresse laborieusement et se résume souvent à une coexistence gênée.

Les Kikuyu, souffrant toujours d’avoir perdu des parents ou leurs biens, accusent les Kalenjin de s’isoler de plus en plus. Les Kalenjin rencontrés par l’AFP, qui craignent des représailles de l’autre communauté, sont réticents à s’exprimer auprès des journalistes.

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Interrogé lors d’une des « rencontres pour la paix » impulsées par le gouvernement, Alex Nkoyo, responsable administratif du district d’Eldoret sud, reconnaît que les niveaux de « méfiance sont toujours hauts, mais cette réconciliation est un long processus ».

« Notre plus grand défi est la peur de la résurgence de telles violences », déclare-t-il, déplorant l’absence des députés locaux – qui sont pourtant invités – à ces rencontres.

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Florence Simbiri-Jaoko, directrice de la Commission nationale des droits de l’Homme, critique « l’absence de réelle volonté politique sur le terrain » pour cette réconciliation. « Cela n’augure rien de bon, les communautés ont le sentiment qu’elles doivent se préparer à se protéger », dit-elle.

Depuis un an, le prêtre Noël Mutangaya, de la région d’Eldoret, participe à ces rencontres de la paix. « Il y a des progrès mais il reste une méfiance entre communautés », témoigne-t-il.

Pour lui, deux obstacles de taille perdurent: « la réticence » des politiciens à participer au processus, et « le chômage et la frustration des jeunes », « bras armé » des violences de 2008, mais dont certains ont le sentiment d’avoir été « utilisés » sans retombées bénéfiques pour leur vie actuelle.

Le chômage des jeunes dépasse les 70% dans la vallée du Rift. Cette oisiveté est flagrante dans les villages visités, où les jeunes hommes errent dans les centres sans activité, ou seulement des travaux manuels journaliers.

Pour les observateurs, c’est un risque important de reprise de violences car le chômage les laissent sans revenus et facilement instrumentalisables par des politiciens souhaitant entretenir des milices.

Dans les prochains mois, des échéances importantes – recensement national où l’ethnie sera répertoriée, rédaction d’une réforme agraire et d’une nouvelle Constitution, mise en place d’un tribunal pour juger les auteurs des violences – risquent en outre de raviver sur le terrain des plaies encore mal cicatrisées.

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