Gambie: une incompréhensible chasse aux sorciers traumatise des villageois

Sans comprendre ce qui leur arrivait, des hommes et femmes du village de Makumbaya, à 50 km de Banjul, ont été arrêtés, forcés de boire des breuvages hallucinogènes, parfois violés, victimes d’une prétendue opération anti-sorcellerie qui effraie la Gambie.

Publié le 24 mars 2009 Lecture : 2 minutes.

Dans cette localité rurale, où les cases traditionnelles se mêlent aux maisons plus récentes, on vit surtout du travail de la terre, en paix. Mais la semaine dernière, de soi-disant « chasseurs de sorciers » ont fait irruption avec des hommes armés et regroupé la population.

« Nous avons été arrêtés lundi, 16 mars, dans notre village, par les hommes en armes qui accompagnaient de prétendus +chasseurs de sorciers+, puis nous avons été conduits à Kololi », près de Banjul, confie à l’AFP un habitant de 63 ans.

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Aux villageois, les ravisseurs ont seulement affirmé qu’ils étaient malades et devaient être traités.

« Nous avons été forcés de boire des décoctions. Peu de temps après avoir bu ce liquide, cette nuit-là, la plupart d’entre nous avons été enlevés, nous sommes tombés, nous avons été pris de transe et nous n’avons plus su ce qui se passait », explique cet homme sous couvert de l’anonymat.

Libéré au bout de cinq jours, l’homme paraissait encore affaibli et désemparé lorsque un correspondant de l’AFP l’a interrogé.

Dans ce petit pays pauvre d’Afrique de l’Ouest, quasiment enclavé à l’intérieur du Sénégal, « plus de 1. 000 personnes ont été interpellées – accusées d’être des sorciers – dont la plupart ont été retenues pendant au moins cinq jours », selon une source policière.

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Amnesty international avait affirmé la semaine dernière que plus d’un millier de personnes avaient ainsi « été enlevées de leurs villages », « détenues dans des lieux secrets » et « traitées de force » par de prétendus guérisseurs.

Selon l’organisation de défense des droits de l’Homme, le président Yahya Jammeh – parvenu au pouvoir par un coup d’Etat en 1994, puis élu en 1996, 2001 et 2006 – aurait imputé à la sorcellerie le récent décès de sa tante.

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Mais les victimes elles-mêmes ignorent ce qui motive cette traque parfois violente.

« J’ai personnellement vu trois femmes que les chasseurs de sorciers ont déshabillées et violées quand elles étaient inconscientes », affirme le fermier de 63 ans.

Au bord des larmes, une jeune femme de 34 ans, vendeuse à Makumbaya, confie avoir été violée au « deuxième jour » de sa détention: « Un très jeune homme exigeait que je me lave et restait debout à côté pour me regarder nue. Quand je demandais à aller aux toilettes (. . . ), il insistait pour m’accompagner (. . . ) A un moment, il m’a jetée à terre et violée ».

Certains ont fui vers le Sénégal voisin pour échapper à ces opérations. « Quand j’ai été libéré, je suis rentré et j’ai appris que ma soeur avait déjà fui vers la Casamance (sud du Sénégal) avec son fils », dit un villageois.

Arrestations illégales, usage de la torture, procès inéquitables, harcèlement de journalistes: Amnesty a maintes fois dénoncé les violations des droits de l’Homme récurrentes dans le pays.

Seul l’hebdomadaire d’opposition Foroyaa a publié des articles sur la chasse aux prétendus sorciers.

Le chef du service politique du journal, Halifa Sallah, l’un des opposants au régime les plus virulents, a été arrêté le 9 mars et écroué pour « intentions séditieuses », « espionnage » et « rassemblement illégal ».

Il a été finalement été libéré dix jours plus tard sans qu’aucune charge soit retenue contre lui.

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