Le street-art réveille une bourgade tunisienne endormie

Les habitants d’Erriadh se sont mués en un été en aficionados de « street-art » à mesure que les rues de cette bourgade tunisienne obscure et poussiéreuse ont été ornées de peintures et graffitis, donnant un coup de pouce au commerce local.

Le street-art réveille une bourgade tunisienne endormie © AFP

Le street-art réveille une bourgade tunisienne endormie © AFP

Publié le 2 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

En quelques semaines, une centaine d’artistes venus d’une trentaine de pays se sont succédé dans la médina et ses environs pour donner naissance à quelque 250 fresques, collages et autres ouvrages. De rues en allées, de maisons chics en bâtisses en ruine, ces œuvres forment désormais « Djerbahood », le premier musée des arts de la rue en plein air.

Située sur l’île de Djerba mais loin des vastes complexes hôteliers de la côte, Erriadh n’était qu’un point de passage sans grand intérêt sur la route de la Ghriba, la plus vieille synagogue d’Afrique.

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Mais depuis qu’elle se recouvre de fenêtres en trompe-l’?il, de rosaces de lettres assorties aux couleurs des bougainvilliers, d’animaux réels ou mythiques et de peintures monumentales, des vacanciers tunisiens et étrangers défilent par dizaines chaque jour.

« Les peintures ont embelli la médina d’Erriadh, avant les murs n’étaient pas comme ça, ça les as rendu plus beaux, et ça a aussi amené du tourisme », constate du haut de ses 15 ans, Wael Aroua, observant avec deux amis un « graffeur » palestinien peignant en bleu et rouge les mots « Djerba est Libre ».

L’adolescent raconte avoir pu en tirer profit: « Un jour, deux femmes et un homme passaient devant la mosquée et ils m’ont demandé de leur faire visiter. Avec mon cousin, je les ai amenés voir les peintures et ils nous ont donné 20 dinars! ».

L’épicier du quartier, Mohamed Ben Moussa est tout aussi laudateur: « la saison cette année est vraiment bonne. Les peintures ça a ramené du commerce, des touristes et des visages nouveaux, des gens qu’on ne voyaient pas avant ».

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Si le vernissage est prévu le 20 septembre, le projet est déjà porté par un important « buzz » sur les réseaux sociaux, ayant amené des gens comme Yacine Hannachi et son amie Nada Osman, deux Tunisois « fans de street-art », à prendre « le premier bus pour venir voir ça! ».

« On ne serait jamais venus ici s’il n’y avait pas eu Djerbahood, parce que finalement c’est un quartier délaissé », souligne la jeune femme.

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– Un musée en évolution permanente –

Logan Hicks, artiste new-yorkais, se dit abasourdi par l’ampleur de Djerbahood, une initiative du galeriste parisien Mehdi Ben Cheikh, déjà organisateur de l’exposition à succès dans « la Tour Paris 13 », un immeuble recouvert d’œuvres de street-art, devenu exposition éphémère et ouverte gratuitement au public avant d’être démoli.

« J’ai travaillé sur plusieurs projets de ce type, mais c’est la première fois que je vois cela fonctionner immédiatement », raconte ce grand gaillard de 43 ans au visage encadré d’une longue barbe hirsute.

Pour lui, une raison du succès est la présence « d’artistes qui comprennent la culture (locale), ou du moins qui apprécient ses principes esthétiques ».

« On a des gens qui bâtissent un dialogue (. . . ) au lieu de simplement apposer leur marque sans qu’elle n’ait de rapport avec la communauté » locale, s?enthousiasme-t-il.

Hicks, armé de pochoirs, a ainsi recouvert d’ornements orientaux la devanture d’une école abandonnée « pour l’immortaliser et lui rendre une façade noble même si elle s’écroule ».

Pour certains habitants d’Erriadh, le principal défi est dès lors d’inscrire cette exposition collective dans la durée.

« Ils peignent directement sur les murs défraîchis. La peinture va s’effriter, ça ne va pas durer », regrette Laroussi Marhag, un vendeur de volailles dont l’échoppe a été décorée d’un « cartoon » représentant une poule étonnée dressée sur un coucou.

Mehdi Ben Cheikh se veut rassurant, décrivant un musée à ciel ouvert qui sera en perpétuelle évolution.

« On essaye de trouver ou d’expérimenter comment devrait être le musée idéal du street-art (. . . ) sans dénaturer le mouvement. C’est-à-dire qu’il faut que ça reste dans la rue, que ça reste gratuit et vu que ce mouvement bouillonne, il ne faut pas que ce soit un musée statique », explique-t-il.

« Certaines choses vont automatiquement s’effacer, d’autres se dégrader (. . . ) un autre artiste reviendra repeindre par-dessus et d’autres fresques vont apparaître », poursuit le galeriste.

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