Août 1914: l’Afrique entrainée dans la guerre par les Européens
27 août 1914: la petite colonie allemande du Togo capitule après de brefs combats face à des troupes anglaises, françaises et belges supérieures en nombre. Berlin perd un premier morceau de son empire, dans une Afrique soudain contrainte à la guerre par les puissances européennes.
Moins de trente ans après le partage du continent par les Européens, scellé à la conférence de Berlin en 1885, les Africains se retrouvent happés par la machine infernale de la Grande Guerre.
Et dès le début des hostilités, escarmouches et combats éclatent aux frontières des colonies africaines. En Afrique de l’ouest et du Centre, au Togo, mais aussi au Kamerun (le Cameroun alors sous contrôle allemand). En Afrique australe, au Sud-ouest africain (actuelle Namibie). En Afrique de l’Est, au pied du Kilimandjaro, dans le Tanganyka (actuelle Tanzanie).
– Une guerre en noir et blanc –
Dans chaque camp, les officiers sont blancs et la troupe noire.
Le 23 septembre 1914 le commandant des troupes de l’Afrique équatoriale française (qui font partie des Tirailleurs sénégalais, terme désignant les soldats issus des colonies d’Afrique sub-saharienne), le général Aymerich, envoie un télégramme à ses hommes basés au Gabon qui se battent contre les Allemands à la frontière avec le Kamerun: « pour toutes opérations de guerre, recommandez Européens et bons tireurs indigènes, visez uniquement blancs ennemis ».
Sur le continent africain, point de guerre de tranchées. Les espaces sont immenses, les frontières impossibles à surveiller et à fortifier. Les combats tuent, mais sans commune mesure avec les fronts européens.
Mais il y a les maladies, le travail forcé qui déciment les rangs et feront, selon certains historiens, dix fois plus de victimes que les combats. Et pour le Kaiser, l’Afrique devient vite synonyme de défaites. Après le Togo, la Namibie tombe en 1915, le Kamerun en 1916. Seule l’Afrique orientale allemande tiendra jusqu’à la fin du conflit.
Pour la France, l’Afrique est aussi un réservoir d’hommes appelés à se battre en Europe. Et le recrutement est souvent forcé dans les colonies d’Afrique du Nord et d’Afrique sub-saharienne. Pour diverses raisons, Allemands et Britanniques n’enverront pas ou peu de soldats africains sur les champs de bataille européens.
Tirailleurs, spahis,. . . Environ un demi-million de soldats venus de ces colonies iront combattre en France métropolitaine. Les pertes sont lourdes pour eux aussi. Plus de 90. 000 tués ou disparus, une proportion comparable à celle des « poilus » de métropole. Et des dizaines de milliers de mutilés qui, une fois le conflit terminé, toucheront une pension deux fois moins élevée que leurs camarades de tranchée français. Demi pension. Destins de colonisés.
– Un passé sans traces –
Au final, contrairement à l’Europe chamboulée par la chute des empires, la carte de l’Afrique ne change pas à la fin du conflit, à l’exception du Cameroun que se partagent Anglais et Français. Les territoires allemands changent de main, c’est tout.
De ces années de guerre, il reste bien peu de traces visibles sur le continent. Quelques fortifications en Afrique de l’Est, de petits cimetières militaires ça et là. De rares monuments aux morts. Comme celui de Bamako, érigé en 1924. Haut de sept mètres, il représente des soldats africains rassemblés autour d’un drapeau français porté par un officier blanc.
Mais dans les esprits, la Grande Guerre a changé bien des choses. Débarqués dans la « mère patrie », les soldats ont découvert que le système colonial ne s’appliquait pas partout et que les mots liberté et égalité de la devise de la République française avaient un sens. Il faudra une autre génération de soldats africains, celle de la seconde guerre mondiale, pour que l’idée de l’indépendance s’impose.
Parallèlement, dans des sociétés de culture orale, la Grande Guerre a cassé la transmission du savoir, comme l’a souligné dans ses mémoires l’immense écrivain malien Amadou Hampaté Bâ, témoin de cette époque.
Avec ses pertes, la guerre a provoqué « la première grande rupture dans la transmission orale des connaissances traditionnelle, non seulement au sein des sociétés initiatiques, mais aussi dans les confréries de métiers et les corporations artisanales, dont les ateliers étaient jadis de véritables centres d’enseignement traditionnel ».
Parmi les premières recrues envoyées en France figurent en effet beaucoup de fils de notables passés par les écoles coloniales françaises.
Mémorialiste de son continent, l’écrivain ajoutait: « L’hémorragie de jeunes gens envoyés au front – d’où beaucoup ne devaient pas revenir – (. . . ) privèrent les vieux maîtres de la relève nécessaire ».
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