Nigeria: l’explosion devant un dépôt de carburant à Lagos n’était « pas un accident »

Les autorités nigérianes ont cherché à camoufler un attentat à la bombe meurtrier à Lagos en affirmant que l’explosion survenue le mois dernier devant un des principaux dépôts de carburant de la ville était un accident, selon une enquête de l’AFP.

Nigeria: l’explosion devant un dépôt de carburant à Lagos n’était « pas un accident » © AFP

Nigeria: l’explosion devant un dépôt de carburant à Lagos n’était « pas un accident » © AFP

Publié le 8 juillet 2014 Lecture : 4 minutes.

L’explosion a eu lieu le 25 juin sur un axe menant au plus grand port du Nigeria et à la zone où sont stockées les réserves de carburant de la capitale économique, dans le quartier d’Apapa, seulement quelques heures après l’attentat à la bombe qui a fait 21 morts devant un centre commercial d’Abuja.

L’attentat d’Abuja, le troisième en trois mois dans la capitale fédérale, a de nouveau montré l’extension de l’insurrection sanglante du groupe islamiste Boko Haram, jusqu’ici surtout concentrée dans le Nord-Est, au reste du pays.

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A Lagos, les autorités ont immédiatement démenti la thèse d’un attentat à Apapa, évoquée sur les réseaux sociaux le soir même et dans les médias locaux le jour suivant, annonçant un accident causé par une citerne de gaz de cuisine qui aurait pris feu sans faire de victime.

Mais des photos obtenues par l’AFP montrent qu’une voiture a été entièrement détruite et que les bâtiments et les autres véhicules autour ont aussi été endommagés, laissant peu de doutes sur l’origine de l’explosion, selon un ex-chef du déminage de l’armée britannique.

« Il s’agit à coup sûr d’un accident provoqué par l’usage de puissants explosifs », a déclaré Bob Seddon, vétéran d’Afghanistan et d’Irak et spécialiste des engins explosifs improvisés (EEI), à l’AFP par email, après avoir visionné les photos.

« L’effet de souffle et le schéma de fragmentation provoqués par une explosion de gaz sont très différents » a précisé M. Seddon. Selon lui, 25 à 50 kilos d’explosifs artisanaux ont été utilisés à Apapa.

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Selon plusieurs hauts diplomates, qui ont confirmé en privé que l’explosion avait été préméditée, les autorités ont préféré démentir par peur des effets désastreux que pourrait entraîner l’annonce d’un attentat dans la capitale économique, jusqu’ici épargnée.

Lagos, qui compte quelque 20 millions d’habitants, abrite les sièges de toutes les grandes sociétés étrangères opérant dans la première puissance économique d’Afrique.

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Le porte-parole du gouvernement fédéral, Mike Omeri, a déclaré à l’AFP que l’enquête menée par la police de l’Etat de Lagos « explorera toutes les pistes (. . . ) qu’il s’agisse d’EEI, de voitures piégées ou d’un accident ».

L’entreprise de conseil en sécurité Control Risks, implantée à Lagos et dont le siège est à Londres, affirme de son côté qu’il s’agissait bien d’un attentat à la bombe ayant fait au moins quatre morts, dans une note de synthèse à ses clients, vue par l’AFP.

« En se basant sur des témoins visuels, Control Risks estime que cet incident était une attaque islamiste et non un accident industriel », a dit à l’AFP Roddy Barclay, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest pour cette société.

– Sécurité renforcée à Lagos –

Depuis le 25 juin, le gouvernement de l’Etat de Lagos a fait renforcer la sécurité autour des installations stratégiques de la ville et augmenté la capacité d’accueil en urgence des hôpitaux publics.

Selon Jide Idris, le commissaire à la Santé, l’Etat de Lagos a investi dans de nouvelles ambulances, augmenté ses stocks de sang et mis des unités d’intervention d’urgence en stand-by.

M. Idris a cependant maintenu que ces mesures ont été prises en raison d’un état d’alerte national, et non d’une menace particulière à Lagos.

L’analyse de M. Seddon et les affirmations de l’entreprise Control Risks coïncident avec le récit de sept témoins visuels interrogés par l’AFP, qui ont tous évoqué deux explosions.

La première est survenue autour de l’entrée du dépôt de carburant Folawiyo, sur Creek Road, et la seconde, quelques minutes plus tard, quand un monospace Toyota Sienna a explosé dans une rue adjacente, selon ces témoins.

« J’étais de garde ce soir-là », raconte Samuel George, un gardien de 25 ans. « Tout à coup, nous avons entendu une forte explosion et nous avons fermé le portail (. . . ) Quelques minutes plus tard, une voiture garée au milieu de la route a explosé ».

« Mon collègue et moi avons été blessés par des éclats de métal provenant de la voiture. J’ai eu une coupure profonde sur le visage et depuis je n’ai pas pu retourner travailler. Plusieurs personnes ont été tuées, dont certaines que je connais », a-t-il ajouté.

Des affirmations selon lesquelles la première explosion a été causée par une femme kamikaze n’ont pu être vérifiées avec certitude.

Un journaliste de l’AFP a tenté d’interroger des responsables du dépôt de carburant, qui appartient au groupe Yinka Folawiyo, mais on ne l’a pas laissé entrer.

Tunde Folawiyo, un des hommes les plus riches d’Afrique, à la tête de ce groupe, a nié, dans les médias locaux, que l’explosion soit survenue dans l’enceinte du dépôt et ait fait des morts.

Selon un représentant du gouvernement américain, Boko Haram possède « les capacités logistiques pour atteindre Lagos » mais pour l’instant, seule Control Risks établit un lien entre le groupe islamiste et cet attentat.

Son spécialiste Roddy Barclay précise cependant que l’explosion « a sans doute été organisée par un réseau islamiste local, plutôt que planifié et coordonné par les chefs de Boko Haram dans le Nord-Est ».

Selon lui, on peut craindre de nouvelles attaques visant des « cibles faciles », mais cet attentat n’est pas forcément le point de départ d’une « insurrection durable » à Lagos.

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