Serge Kakudji, de la chorale de Lubumbashi à « Coup fatal » au Festival d’Avignon
Serge Kakudji est tout sourire: à 26 ans, l’enfant de Lubumbashi, en République démocratique du Congo, est à l’affiche du Festival d’Avignon dans « Coup fatal », donné du 5 au 8 juillet avant une tournée mondiale de deux ans.
Le spectacle du musicien belge Fabrizio Cassol et de son compatriote chorégraphe Alain Platel croise dans une vaste « salade, ou même une purée », dit-il en riant, le baroque européen et les apports du jazz et des musiques traditionnelles du Congo.
Treize musiciens de Kinshasa ont travaillé depuis 4 ans à ce « ballet-concert » qui « dés-occidentalise » le baroque, explique Fabrizio Cassol, saxophoniste de formation et directeur musical.
Serge Kakudji y tient un rôle de premier plan, qui s’inspire beaucoup de son parcours de contre-ténor africain.
« Serge a joué en 2008 dans notre premier spectacle, +Pitié+, et s’est retrouvé catapulté dans une tournée mondiale de deux ans à l’adolescence. Boum! Sa vie a changé, il s’est installé en Europe mais sans vraiment quitter l’Afrique et je pense que cette ambivalence est aussi dans le spectacle », confie Fabrizio Cassol.
A 26 ans, Serge Kakudji est déjà pour la deuxième fois à l’affiche du prestigieux festival: « il y a 7 ans jour pour jour », il était à Avignon pour « Dinozord », du chorégraphe de Kisangani Faustin Linyekula.
Son talent vocal est né très tôt: « J’ai rencontré l’opéra à la télévision à l’âge de 7 ans », raconte-t-il. « J’ai zappé et je suis tombé sur une chaîne où passait un opéra, je ne savais même pas comment ça s’appelait, mais je pensais comprendre ce qu’il se racontait dans cette histoire, et surtout la voix m’a semblé une folie », s’exclame-t-il. « J’ai commencé à prendre goût à cette musique angélique qui m’était inconnue. «
– Le cercle restreint des contre-ténors –
Il s’inscrit dans une chorale à Lubumbashi puis devient soliste « dans les chorales à la cathédrale ». Très vite, son talent naturel est remarqué. Mais il est loin d’imaginer qu’il va intégrer le cercle restreint des contre-ténors, ces voix aériennes si prisées aujourd’hui, avec l’essor de stars comme Philippe Jaroussky.
« Au départ, ma voix était celle du jeune garçon qui chante au pupitre des sopranistes à l’église, je ne savais pas que si un homme chante avec une voix de fausset, on peut dire contre-ténor », avoue-t-il.
La rencontre avec Faustin Linyekula, puis avec le Théâtre Royal flamand, qui l’a constamment soutenu, et avec sa « mère artistique », la soprano Laura Claycomb, sont décisives.
Serge Kakudji part étudier en Belgique et découvre l’ampleur de sa voix. Il chante aujourd’hui dans les plus grandes maisons lyriques, comme l’Opéra de Paris, mais rien ne lui plaît tant que les aventures comme « Coup fatal ».
« Je suis sûr que les grands compositeurs de l’époque, Haendel, Mozart, s’ils étaient là aujourd’hui, me pousseraient à aller dans cette direction-là », dit-il. « Il y a une autre approche de la vie. A l’Opéra, on voit surtout une certaine catégorie de public, alors que « Coup fatal » rassemble toutes les catégories, les jeunes, les vieux, tout le monde s’y retrouve. Et aussi cette musique, on y retrouve le jazz, la musique congolaise, le baroque, donc cela rassemble ».
Le public est au rendez-vous: « Beaucoup nous disent qu’ils ont hyper envie de monter sur scène danser avec nous », lance-t-il. « Il y a un côté festif, pour le Congolais, il n’y a pas de futur, on vit au jour le jour et cela se sent dans la pièce », constate-t-il.
Il n’y a pas à proprement parler d’histoire, mais plutôt « des vagues », souligne Serge Kakudji: « c’est comme le fleuve Congo, on sait qu’il y aura des vagues mais on ne sait pas quand ça va arriver. . . «
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