Le Niger en campagne contre l’implacable mortalité maternelle
L’Etat et le monde humanitaire battent campagne contre la très forte mortalité maternelle au Niger, pays pauvre connaissant la plus forte fécondité au monde, en raison d’une culture nataliste valorisant les grossesses précoces et à répétition.
« Toutes les deux heures, une Nigérienne meurt de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement », dénonce Monique Clesca, représentante du Fonds de l’ONU pour la population (UNFPA) dans le pays.
L’intervention se tient devant 3. 000 personnes, majoritairement des femmes, réunies début juin à Tahoua (ouest) dans le cadre d’une nouvelle campagne nationale de « réduction de la mortalité maternelle ».
Dès 2006, le Niger a décrété la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les accouchements par césarienne, aux coûts jusqu’alors prohibitifs. Les produits contraceptifs sont distribués sans frais.
« Mourir en donnant la vie est une injustice sociale ! », tonne Malika Issoufou, l’épouse du chef de l’Etat nigérien, lors d’une visite de femmes atteintes de complications gynécologiques à l’hôpital de Taouha.
Et la prise de conscience s’amplifie parmi les responsables au pouvoir.
« Les questions démographiques, il y a dix ans, personne n’abordait le sujet. Maintenant, tout le monde en parle, à commencer par le gouvernement, le président », se félicite Isselmou Boukhary, le représentant adjoint au Niger de l’UNICEF, l’agence onusienne pour l’enfance.
De fait, la situation s’améliore progressivement, même si elle demeure « très inquiétante », commente M. Boukhary, interrogé par l’AFP.
Avec 535 décès de mères pour 100. 000 naissances vivantes – soit une mort toutes les 186 mises au monde -, le pays reste l’un des quinze où ce taux est le plus élevé. En 2006, ce ratio était de 648/100. 000, selon le ministère nigérien de la Santé.
Le taux de recours à la contraception s’est accru de 5% à 12% sur la même période, selon la même source.
Mais la culture « nataliste » reste prégnante au Niger, remarque Monique Clesca, où « plus on a d’enfants, plus on est valorisé ». « Quand des filles se marient, elles doivent prouver dans l’année qu’elles sont fécondes », dit-elle à l’AFP.
– 40% des filles mariées avant 15 ans –
Car il est bien question de filles, dans une société adepte du mariage précoce, qui voit près de 80% des femmes unies à l’âge de 18 ans et 40% avant l’âge de 15 ans.
Les complications sont fréquentes. « A cet âge, l’organisme est fragile et pas mûr pour la maternité », explique Yahaya Mani, médecin de campagne.
De fait, un tiers des décès des filles de 15 à 19 ans sont liés à la mortalité maternelle, selon l’ONU. Aucune statistique cependant ne permet de connaître le nombre de celles mortes avant cet âge.
« Les parents connaissent les risques. Mais ils préfèrent marier leurs filles précocement plutôt que de risquer d’avoir une fille enceinte hors mariage. Le déshonneur serait trop fort », révèle Mme Clesca.
Une fois la première grossesse survenue, les naissances se succèdent, dans un Niger connaissant la plus forte fécondité au monde, avec une moyenne de 7,6 enfants par femmes.
Celles-ci se retrouvent souvent avec « un enfants au sein, un autre dans le dos et un troisième aux pieds », décrit une source humanitaire, ce qui fragilise énormément leurs organismes.
Les grossesses tardives, très risquées, sont également légion.
– Naissances à domicile –
A ces particularités socio-culturelles se greffe un manque de structures de soins, surtout en milieu rural.
« Le centre le plus proche est souvent à cinq kilomètres. Le temps d’apprêter une charrette pour les évacuations, il est trop tard », souligne Yahaya Mani.
Les naissances se font donc à 70% à domicile, pratiquées par des accoucheuses traditionnelles, déplore Gali Asma, une responsable du ministère de la Santé, 80% des décès maternels se produisant en dehors des services de santé.
Le facteur religieux joue enfin son rôle, dans un pays quasi-intégralement musulman. Certains hommes privent toujours leurs épouses de consultations prénatales.
Des campagnes de planning familial se heurtent aux réticences des islamistes radicaux, de plus en plus nombreux, qui y voient des « moyens dictés par l’Occident » visant à « stopper les naissances ».
La mesure, fondamentale pour la santé des Nigériennes, s’avère pourtant cruciale pour l’avenir.
Si sa fécondité ne s’infléchit pas, le Niger comptera 40 millions d’habitants en 2050, contre 17 aujourd’hui. Un niveau de population que ce pays, abonné aux sécheresses et crises de malnutrition, ne pourra pas supporter.
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