Egypte: participation de 37%, la présidentielle prolongée d’un jour
La présidentielle en Egypte a été prolongée mardi pour une troisième journée après que seulement 37% des électeurs eurent voté, l’ex-chef de l’armée et nouvel homme fort Abdel Fattah al-Sissi étant assuré de l’emporter mais recherchant un véritable plébiscite.
Le maréchal à la retraite, nouvel homme fort depuis qu’il a destitué et fait emprisonner le président islamiste Mohamed Morsi en juillet, est donné largement gagnant car jouissant d’un véritable culte de la personnalité et face à un unique et pâle rival.
Mais les commentateurs des médias d’Etat et privés, unanimement pro-Sissi, se faisaient mardi l’écho d’une participation relativement faible pour l’heure.
M. Sissi dirige de facto le gouvernement intérimaire qu’il avait installé après son coup de force du 3 juillet 2013 et a engagé soldats et policiers dans une répression sanglante contre les partisans de M. Morsi, en particulier les Frères musulmans, qui ont appelé au boycott du scrutin.
Les experts donnent sans équivoque M. Sissi largement vainqueur face à la vieille figure de la gauche Hamdeen Sabbahi, mais le maréchal à la retraite s’est toujours montré publiquement soucieux d’être adoubé par un vote massif.
Au deuxième tour de la présidentielle de juin 2012, M. Morsi avait recueilli 51,73% des suffrages avec une participation de 51,85%, considérée à l’époque par les experts comme un taux relativement élevé pour le pays.
A la surprise générale donc mardi soir, dans un scrutin qui déclenchait déjà les critiques et sarcasmes des organisations de défense des droits de l’Homme soulignant l’absence de toute opposition –dont les représentants sont interdits, tués ou emprisonnés–, les médias d’Etat ont annoncé que les opérations de vote étaient prolongées jusqu’à mercredi soir « pour permettre au plus grand nombre » de se rendre aux urnes.
– Bourde politique –
Restait à en donner la raison officielle, tombée une heure plus tard sous la forme d’un communiqué de la Commission électorale: « Une vague de chaleur faisant que le plus grand nombre d’électeurs ne se déplacent que le soir ».
Et comme pour ajouter à la confusion, le camp Sissi a annoncé peu après la fermeture des bureaux mardi soir qu’il portait plainte contre la décision de prolonger le scrutin.
M. Sabbahi a fait de même, s’interrogeant sur « l’intégrité de l’élection » et laissait planer le doute sur un éventuel retrait. Dans le même temps, le Premier ministre Ibrahim Mahlab a assuré que la participation était « bonne ».
Deux heures après la fermeture des bureaux de vote, le verdict tombait: « environ 37% » de participation selon la Commission.
Cette élection présidentielle prenait déjà l’allure d’un plébiscite tant les médias unanimes se faisaient les promoteurs d’une extravagante Sissi-mania et applaudissaient la répression, à l’unisson d’une large frange de l’opinion publique.
Depuis le 3 juillet, plus de 1. 400 manifestants pro-Morsi sont tombés sous les balles des soldats et policiers –dont plus de 700 en quelques heures le 14 août au Caire–, plus de 15. 000 islamistes ont été emprisonnés et des centaines condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs « sans précédent dans l’Histoire récente » à travers le monde selon l’ONU.
Lundi à l’ouverture du scrutin, dans les longues files d’attente, l’immense majorité des électeurs au Caire et dans les grandes villes hurlaient leur joie de voter pour M. Sissi, le seul capable selon eux de restaurer l’ordre après les trois années de chaos qui ont suivi la révolte populaire ayant fait chuter Hosni Moubarak début 2011.
Les Frères musulmans, qui avaient remporté toutes les élections depuis la révolte de 2011, sont accusés d’être responsables des nombreux attentats contre les forces de l’ordre et déclarés « organisation terroriste », même si ces attaques qui se multiplient face à la répression sont revendiquées principalement par des mouvements insurgés jihadistes.
Mais si les défenseurs des droits de l’Homme dénoncent depuis plusieurs mois un pouvoir déjà plus autoritaire que sous Moubarak, la majorité de la population soutient cette politique sécuritaire implacable.
« Il faudra 20 à 25 ans à l’Egypte pour être prête à la vraie démocratie », a même asséné M. Sissi lors d’une interview télévisée, martelant que l’heure n’était plus aux manifestations mais au travail dans un pays presque ruiné par trois ans d’agitation.
La prolongation du scrutin « affecte sa crédibilité », a estimé le politologue Gamal Abdel Gawad, évoquant une bourde politique. « Sissi l’emportera massivement de toute façon et il n’y avait pas besoin de placer la barre si haut en terme de participation, car quand le résultat d’un scrutin ne fait aucun doute, il n’y a pas grand-chose à faire pour inciter les gens à se déplacer pour voter ».
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