Centrafrique: à la mine d’or de Gaga, on tue pour des paillettes
Hommes, femmes, enfants: à Gaga, petite localité de l’Ouest de la Centrafrique, tout le monde vit de l’exploitation artisanale – et clandestine – de l’or, qui suscite la convoitise des bandes armées qui rôdent dans la région.
« Nous avons abandonné l?école pour l’exploitation d?or (. . . ) car ça donne beaucoup d?argent », assure à l’AFP Dieu Béni Gueret, un gamin de 12 ans affairé à creuser un trou dans la terre sableuse de Gaga, à 200 km au nord-ouest de Bangui.
Dieu Béni ouvre sa besace, elle renferme les fameuses pépites et quelques billets de Francs CFA: le « fruit de ce que nous faisons tous les jours », explique-t-il avec fierté.
Autour de lui, des dizaines d’autres orpailleurs, dont des femmes portant leur bébé attaché dans le dos, piochent avec acharnement. Quand le trou est assez profond pour atteindre l’eau de la rivière, située à quelques centaines de pas de là, on tamise le sable avec l’espoir de tomber sur un caillou plus brillant que les autres.
« On n?a pas de machine. On travaille avec des pelles, les jeunes creusent dans le sol pendant un ou deux mois avant de racler dans la terre pour voir », explique Socrate, le chef de chantier âgé d’une quarantaine d’années.
– Le trou de la fortune –
Lorsqu’ »il y a la chance », un trou peut rapporter jusqu’à 20 grammes d’or dans la journée, affirme Socrate, qui dit diriger près de 2. 000 orpailleurs.
« L?or que nous cherchons, (c’est) pour améliorer le niveau de notre vie », dans l’un des pays les plus pauvres au monde malgré l’immense potentiel de son sous-sol (diamants, pétrole, etc), explique un orpailleur, Daniel Aristide Dedanga.
Mais depuis le début du conflit, quand l’ex-rébellion Séléka a pris brièvement le pouvoir à Bangui de mars 2013 et janvier 2014, « nous n?arrivons pas à bien travailler », regrette Socrate. « Pendant qu?on travaille, les gens viennent tirer sur nous on est obligé de fuir dans la brousse ».
La mine de Gaga est aujourd’hui contrôlée par les milices chrétiennes anti-balaka, formées en réaction aux exactions commises sur les civils par les ex-Séléka, majoritairement musulmans, qu’elles combattent aujourd’hui férocement.
– L’or, le nerf de la guerre –
Un vieux pétard attaché à la ceinture, le « colonel » Cyriaque, chef des anti-balaka de la zone, enchaîne les allers-retours entre le village et le chantier. Entouré en permanence par trois « lieutenants », il affirme être là pour « veiller sur les travailleurs ».
Dans le nord-ouest de la Centrafrique, l’une des régions les plus touchées par les affrontements armés, l’or est le nerf de la guerre.
L?ex-rébellion Séléka s’est emparée la première de la mine en septembre 2013. Ce fut un massacre. « On a ramassé au moins 213 corps dont des gens brûlés vifs. Il y avait aussi plus de 400 maisons incendiées », affirme Ines Mokotemapa, volontaire de la Croix-Rouge centrafricaine basée à Yaloké, à 45 km de là.
Mais les anti-balaka n’ont pas tardé à riposter. Les milices chrétiennes ont mené une offensive sur Gaga en décembre, chassant les ex-Séléka et tuant au passage des dizaines de musulmans.
Les violences ont laissé de nombreux stigmates dans le village. De dizaines de maisons sont aujourd’hui en ruines, et des familles entières s’entassent sous des tentes de fortune.
« Les Séléka étaient venus tuer beaucoup de gens et brûler presque toutes les maisons à la recherche d?or. Quand nous les avons chassés, nous avons décidé de protéger le secteur on ne sait jamais », souligne le « Colonel » Cyriaque.
Aujourd’hui, ce sont les anti-balaka qui achètent l’or aux habitants de Gaga, pour les revendre aux quelques acheteurs venus de Bangui, qui osent encore prendre les routes déchirées par les violences où rôdent coupeurs de routes, milices et ex-rebelles.
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