Au Maroc, un projet social transformé en école du cirque

« Ici, j’ai trouvé ma passion », lance Nadia, élève de « Shems’y », un projet pour enfants défavorisés dont la spectaculaire réussite l’a propulsé au rang d’Ecole nationale du cirque du Maroc.

Au Maroc, un projet social transformé en école du cirque © AFP

Au Maroc, un projet social transformé en école du cirque © AFP

Publié le 1 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

Derrière les remparts de l’ancienne cité corsaire de Salé, ville jumelle de Rabat, voilà bientôt 20 ans que Shems’y (« mon soleil ») a planté son chapiteau face aux rouleaux de l’océan. Son directeur, Alain Laëron, raconte à l’AFP qu’à l’époque, il s’agissait d’une simple association « pour enfants en difficulté ».

Le but était de leur donner envie de « vivre ensemble », « de leur redonner goût à la vie avec des thématiques artistiques », ajoute ce Français, impliqué dans le projet depuis son origine.

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L’idée, alors, était notamment de s’appuyer sur la « tradition ancestrale » que constitue l’acrobatie au Maroc.

« Les habitations du Maroc ancien étaient souvent protégées par des remparts. Pour les franchir, les tribus avaient, parmi leurs guerriers, des acrobates », explique-t-il.

Le succès est rapidement au rendez-vous et, en 2009, le projet, piloté par l’Association marocaine d’aide aux enfants en situation précaire (Amesip), décroche l’agrément de l’Etat pour une formation diplômante, une première dans le royaume et un tournant.

Depuis, dans une immense salle où les jeunes équilibristes s’entraînent sous l??il d’un moniteur, Shems’y assure une formation sur cinq années. Chaque promotion est composée de 15 jeunes de moins de 25 ans, sélectionnés parmi des centaines de candidats.

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« Avant, je passais mon temps à faire des acrobaties sur les plages de Salé ou dans les terrains vagues près de mon quartier. Aujourd’hui, je profite d’une formation professionnelle », se félicite Nadia, 16 ans, qui est en première année mais qui a déjà six années de pratique personnelle à son actif.

Evoquant les entraînements quasi-quotidiens, elle assure ne pas compter les heures ni les longs trajets en bus. « J’ai arrêté l’école parce que le cirque, je veux en faire mon métier », dit-elle.

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Originaire de Casablanca, la capitale économique et plus grande ville du Maroc, Moustapha, 25 ans, qui est dans sa dernière année, affirme vouloir aussi en faire sa profession « même si je sais que c’est difficile ».

– « Donner des ailes » –

Une fois leur diplôme en poche, tout n’est effectivement pas gagné pour ces passionnés de cirque, à l’instar de nombreux autres jeunes diplômés au Maroc, où près de 30% des jeunes sont au chômage, selon la Banque mondiale.

Certains seront recrutés dans des compagnies de cirque étrangères, d’autres sollicités par des compagnies de théâtre ou des équipes de films au Maroc, mais les débouchés demeurent restreints.

« Les gens ne nous prennent pas au sérieux. Ils nous voient comme des clowns, pas comme des artistes. Il faut que cette vision change », tonne Moustapha.

En attendant, « l’école nous aide en tout » et « nous sommes payés pour les spectacles auxquels nous participons », explique-t-il.

Ce jour-là, la classe de dernière année peaufine un spectacle, « Hams » (« murmure »), qui doit être présenté quelques jours plus tard à des enfants de tout le pays à Bouznika, ville située entre Salé et Casablanca.

Funambules, trapézistes, danseurs, mimes. . . Devant quelque 200 personnes, la troupe décline en chorégraphies diverses sa vision de la société marocaine, un spectacle de cirque qualifié de « contemporain ».

« Lorsque le diplôme leur sera délivré, ils auront ce spectacle comme un complément ajouté dans leur CV, une sorte de stage », note Alain Laëron.

« On n’est pas dans un projet de pauvres pour des pauvres, mais dans un projet digne: ces jeunes avaient leurs difficultés, aujourd’hui ils sont sur un projet fédérateur qui leur donne des ailes », avance pour sa part Touria Bouabid, la fondatrice d’Amesip.

Quant à Shems’y, son objectif est maintenant d’encourager la créativité au sein de l’école, pour donner naissance à un style artistique « proprement marocain », indique M. Laëron.

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