Centrafrique: le musée national de Bangui, saccagé par les violences, à la dérive
Le musée national Barthélémy Boganda n’a plus de stores, plus de vitres, plus de portes. Saccagé par les violences qui ont éclaté en décembre dans Bangui, il est fermé au public. Et, comme si la nature devait ajouter au désastre humain, construit sur un terrain marécageux, il s’enfonce inexorablement dans la terre.
Sa jeune directrice à l’élégante coiffure, Albertine Ouaboua, est cependant présente à son bureau sans porte, fidèle au poste. « Venez seulement à partir de 10 heures, avait prévenu la veille le vigile, car, comme les gens ne sont plus payés, ils viennent en +saccades+ ».
Elle tient d’abord à préciser que, d’emblée, l’histoire de l’unique musée national était mal partie. « Il a été construit en 1950 sur un terrain marécageux pour abriter une clinique. Et puis, après l’époque coloniale, il est devenu la résidence du père fondateur de la nation, Barthélémy Boganda, avant de devenir musée en 1965 ».
« Seulement, la maison commence à s’affaisser, l’eau coule constamment à l’arrière, regardez ces lézardes dans les murs ».
De plus, ajoute-t-elle, « il ne répond pas aux normes universelles d’un musée, la lumière, trop directe, abîme les collections ». N’empêche, ce musée ethnographique était ouvert jusqu’au 5 décembre 2013, jour où l’attaque des milices anti-balaka contre la rébellion des ex-Séléka embrasa Bangui.
Un mois plus tard, début janvier, la directrice revient au musée et elle trouve, éparpillées dans l’herbe sauvage, des pièces de collection : des photos en noir et blanc, des poteries, des instruments de musique, des couteaux de jet, des arcs sans flèche. Ils sont encore là, éparpillés sur le rebord intérieur de la fenêtre de son bureau, à côté d’une chaise métallique à laquelle on a arraché tout le dossier.
« Ils ont vraiment eu le temps de piller, mais il reste encore des collections qui n’étaient pas exposées, faute de place ».
« On voit que ce n’était pas des antiquaires, ils auraient préféré ne trouver que des ordinateurs », observe-t-elle.
Elle relève que ce sont les calebasses des Peuls (pour boire) et, surtout, les bâtons de commandement qui ont été volés.
« Les bâtons de commandement détiennent des pouvoirs mystiques, explique Mme Ouaboua, ils sont remplis de puissances, bénéfiques ou maléfiques selon la volonté de celui qui les possède. Ils sont faits de certains arbres de la forêt et se transmettent ».
Les yeux de la directrice s’illuminent lorsque elle parle ethnographie mais s’assombrissent vite lorsqu’elle évoque l’ampleur des dégâts, l’insécurité constante, l’hypothétique financement qui serait nécessaire pour renflouer le vieux rafiot patrimonial.
– Le musée de la femme saccagé –
« Nous sommes confrontés à un problème crucial. Nous ne cessons de constater les cas de vandalisme accumulés depuis. Même maintenant, la nuit, des gens continuent de venir voler ».
Il leur faut trouver l’argent pour renforcer le dispositif de sécurité. Et, en attendant, Madame la directrice vient tous les jours à son poste. Même si elle n’est plus payée depuis cinq mois, comme les autres fonctionnaires du musée, et de beaucoup d’autres administrations.
« J’ai un chef au dessus de moi. Si je ne viens pas, il me sanctionnera ».
Elle ajoute: « depuis le 24 mars 2013 (prise de pouvoir par la rébellion Séléka), nous n’avons plus de paix ».
Elle sourit malgré tout en racontant la litanie des plaies personnelles et collectives de son pays à la dérive. Elle se trouvait à la sortie nord de la ville le samedi 29 mars lorsque des Tchadiens de la force africaine ont ouvert le feu sur une foule. « Il y a eu tant de morts, que j’ai perdu connaissance ».
Pourquoi sourit-elle toujours dans son bureau du musée national dévasté?. « Si on reste triste, on va tomber malade ».
Hypothétiques touristes, ne cherchez pas d’autres musées à visiter dans Bangui: « le musée de la femme a été complètement saccagé, on ne peut même pas y trouver une aiguille, et celui des Peuls a été brûlé ».
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