Jason Njoku, le trentenaire Nigérian à la tête du « Netflix africain »
A seulement 33 ans, Jason Njoku est considéré par le magazine Forbes comme un des dix jeunes millionnaires les plus prometteurs du continent africain.
Le jeune Nigérian a fondé Iroko, une entreprise de distribution de films sur Internet déjà surnommée le « Netflix africain ».
Les films de la très prolifique industrie cinématographique nigériane, Nollywood, étaient jusqu’ici surtout distribués sur des dvd vendus un dollar ou deux, à la sauvette, dans les embouteillages de Lagos.
Jason Njoku a eu l’idée de les rendre accessibles par Internet et ainsi de toucher l’immense diaspora africaine des pays occidentaux qui en est friande.
Aujourd’hui, IrokoTV reçoit un million de visiteurs uniques par mois.
Près de 90% du contenu du site –plus de 5. 000 films– est gratuit et en partie financé par la publicité en ligne. Un système d’abonnement a aussi été lancé récemment et donne accès aux films les plus récents, pour 7,99 dollars par mois.
Les médias internationaux comparent déjà Iroko au géant américain de la distribution de films Netflix.
« Sur le papier, je suis millionnaire, très bien, mais (. . . ) ce ne sont pas des espèces à la banque. Nous n’avons pas encore prospéré, nous ne sommes pas encore rentables, nous avons encore un long chemin à parcourir », prévient l’homme au visage poupin et au sourire avenant.
Derrière sa modestie, l’on sent pourtant l’assurance de celui qui sait où il va, après avoir surmonté beaucoup d’épreuves.
– « Cinq années d’échec » –
Né en Angleterre dans une famille d’immigrés nigérians, il est abandonné par son père peu après sa naissance. Élevé par une mère célibataire qui avait du mal à joindre les deux bouts, dans le quartier populaire d’East London, dans la capitale britannique, il fut le premier de sa famille à aller à l’université.
Son diplôme de chimie de l’Université de Manchester en poche, Jason Njoku décide de créer son entreprise. . . non sans mal.
« J’ai passé cinq bonnes années de ma vie à échouer dans tout ce que je tentais », avoue-t-il.
Sans le sou, sans compte en banque, il dort sur le canapé des copains. Pourtant son meilleur ami et colocataire d’université Bastien Gotter n’a pas hésité à investir dans le projet d’Iroko ses économies, amassées en quelques années comme trader dans le pétrole.
« J’avais confiance en lui, en tant qu’ami », confie le Britannique. « Et puis j’aime quand les gens de la diaspora retournent dans leur pays d’origine pour créer une entreprise, ils ont tendance à bien sentir le marché local ».
« Mon idée était simple: prendre les films de Nollywood et les mettre en ligne. Aussi simple que ça », explique Jason. Nollywood, l’industrie nigériane du cinéma, qui produit 1. 500 à 2. 000 films par an, est très populaire dans le pays et à l’étranger.
M. Njoku a donc pris un billet d’avion pour le Nigeria, son pays d’origine où il n’avait fait que quelques séjours dans son enfance, afin d’y rencontrer les producteurs de cinéma.
Un marché très fragmenté, qui compte entre 300 et 500 producteurs. « Il a fallu gagner la confiance de chacun »?
Iroko a d’abord lancé une chaîne sur Youtube, « Nollywoodlove », en décembre 2010, avant de créer un an plus tard sa propre plateforme IrokoTV, avec l’argent injecté par des fonds d’investissement, dont l’Américain Tiger Global, qui y a placé 8 millions de dollars.
– Source d’inspiration –
Outre Lagos, l’entreprise a des bureaux à Londres et New York, où se trouve la majorité de son public.
Iroko, qui a aussi une antenne à Johannesbourg, espère conquérir le gigantesque marché africain, en compressant notamment les films pour surmonter l’obstacle des mauvaises connexions Internet.
Jason Njoku se donne jusqu’à fin 2016, début 2017 pour faire des bénéfices.
En parallèle, MM. Njoku et Gotter ont créé Iroking, une sorte de « Deezer africain », pendant musical d’Iroko, qui propose 35. 000 titres de musiques africaines.
Bourreau de travail, passant cent heures par semaine à son bureau, très actif sur les réseaux sociaux, il veut être une source d’inspiration pour les jeunes Nigérians.
Ceux-ci peuvent le découvrir en lisant son blog « Just me »: il y publie pêle-mêle des réflexions sur sa vie et son travail, des photos du fils qu’il a eu récemment avec son épouse, l’actrice nigériane Mary Remmy, ou de la rutilante Porsche Panamera rouge qu’il rêve de s’offrir.
Pour encourager les Nigérians à entreprendre, les deux associés ont créé « Sparks », une structure qui fournit un cadre et des financements à des start-ups pour se lancer.
« La ténacité est une qualité importante: être capable de se prendre des coups pendant cinq ans et continuer à être excité, enthousiaste, et toujours dans la course », dit Jason Njoku, en parcourant les open-spaces de l’immeuble de Lagos où cohabitent neuf start-ups qu’il soutient.
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