Côte d’Ivoire: l’eldorado minier à Tongon s’inquiète pour son avenir

« Bienvenue au pays de l’or.  » A Tongon, les maisons neuves en dur côtoient des cases rustiques. La mine a permis le développement de ce village du nord de la Côte d’Ivoire, où la population appréhende l’épuisement du gisement, dans quelques années.

Côte d’Ivoire: l’eldorado minier à Tongon s’inquiète pour son avenir © AFP

Côte d’Ivoire: l’eldorado minier à Tongon s’inquiète pour son avenir © AFP

Publié le 4 mars 2015 Lecture : 3 minutes.

Le panneau planté à l’entrée de Tongon, au bout d’une longue piste ocre, incarne le bond en avant qu’a vécu la bourgade. Ecoles, maternité, eau potable, électricité: le Tongon de 2015 n’a plus rien à voir avec celui de 2010, avant la mine.

L’inscription « don de Randgold » est bien en évidence sur certaines façades. L’entreprise minière, basée sur l’île anglo-normande de Jersey, dit avoir dépensé près de 5 millions de dollars (4,4 millions d’euros) pour les populations locales.

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« Le village devient beau », se réjouit Antoine Yapo Boni, directeur d’une école.

Une ligne à haute tension reliant la mine à la capitale régionale Korhogo, distante de 60 km, a vu le jour. Coût de l’opération: 10 milliards de francs CFA (15 millions d’euros), dont le minier et l’Etat discutent des modalités de remboursement.

Au total, Randgold affirme avoir investi 500 millions de dollars (440 millions d’euros) pour cette gigantesque mine à ciel ouvert. Interrogée par l’AFP, l’entreprise ne souhaite pas communiquer sur les profits générés en retour. Elle détient 89% de la mine, l’Etat ivoirien 10%.

Ranghold y a créé des emplois: quelque 2. 500 ouvriers ont été employés pour sa construction. 1. 600 y travaillent encore, dont environ 80% viennent des villages avoisinants.

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« Tongon ne doit pas être une oasis de prospérité dans un désert de misère », observait le Premier ministre ivoirien Daniel Kablan Duncan, qui s’y trouvait début février.

Mais si le président Alassane Ouattara avait prôné le développement de la Côte d’Ivoire rurale durant la campagne électorale de 2010, l’Etat semble se décharger sur l’opérateur minier à Tongon.

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« Le chef de village a demandé un château d’eau. Je me suis tourné vers le PDG de Randgold et il m’a dit: +Pas de problème, ce sera fait+ », concédait ainsi M. Duncan.

L’eldorado minier, avéré, a créé une dépendance totale de la population envers la mine.

A quelques kilomètres de là, le village de Sékonkaha a lui aussi bénéficié des retombées aurifères. A l’ombre du brûlant soleil de la mi-journée, le chef du village, Soro Gafona, n’est pourtant pas satisfait.

– ‘Des mineurs, pas des fermiers’ –

« Il nous manque l’électricité! Les deux autres villages ont le courant mais pas nous », peste-t-il.

« Plus on a, plus on demande », sourit Oumar Denise N’Gom, un cadre de l’entreprise britannique, pour qui « on ne doit pas tout attendre de la mine ». Et d’ajouter: « Nous devons les rendre autonomes, sinon l’après-mine sera difficile. « 

Cette catastrophe annoncée devrait intervenir dans cinq à six ans tout au plus, pronostique le PDG de Randgold, le Sud-Africain Mark Bristow. Avec un gisement initial évalué à 90 tonnes d’or, 7,3 tonnes devraient être extraites en 2015, 8 en 2016 et 8,5 les trois années suivantes.

Puis la mine fermera ses portes. A la grande crainte des villageois, qui se sont détournés de leurs activités traditionnelles, comme l’agriculture, depuis que la mine est exploitée.

« Il faut former les jeunes dans différents domaines: l’élevage, la culture ou la pêche. Randgold doit prendre des initiatives avant de partir pour qu’on puisse survivre », confie Sekongo, un agriculteur.

La compagnie envisage l’avenir de la zone dans la pisciculture et l’agro-business. En effet, elle a construit un barrage sur plus de 12 kilomètres afin de créer une retenue d’eau pour la mine. Des projets pourraient voir le jour sur ce lac artificiel.

« Nous avons amené l’électricité, l’eau, que voulez-vous qu’on fasse de plus pour encourager l’agriculture ? Nous sommes des mineurs, pas des fermiers », tonne Mark Bristow.

« Le gouvernement doit aussi œuvrer pour que son atout national, l’or, profite durablement à ses populations », souligne le Sud-Africain qui, après Tongon, ne compte pas pour autant se retirer de Côte d’Ivoire.

Son entreprise a postulé pour 10 nouveaux permis miniers sur l’ensemble du territoire, et devrait investir 6 millions de dollars (5,2 millions d’euros) supplémentaires pour l’exploration dans le pays.

D’autres gisements ont déjà été découverts près de Tongon. De quoi apaiser pour un temps les inquiétudes des villageois.

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