Le Rwanda mise sur le pyrèthre, insecticide naturel
Au pied du parc des Volcans, sur la route qu’empruntent les touristes en chemin vers les gorilles des montagnes du nord du Rwanda, des paysans cueillent de petites fleurs blanches au coeur jaune: pour diversifier son économie, Kigali relance une culture longtemps laissée à l’abandon.
« C?est du pyrèthre, ça sert à faire de l?insecticide naturel », explique Laher Nyirakwiha, cultivatrice de 70 ans, pieds nus et foulard sur la tête, en jetant une poignée de fleurs dans un panier en osier.
Cette culture avait été introduite en 1936, du temps de la colonisation belge, mais laissée de côté après le génocide de 1994 qui a fait, selon l’ONU, au moins 800. 000 morts et détruit le tissu économique et social du pays.
Elle a été remise au goût du jour dans les années 2000. Et si l’agriculture rwandaise — un tiers de l’économie nationale — repose encore largement sur le thé et le café, la production de pyrèthre n’a cessé depuis d’augmenter.
Entre 2009 et 2013, la production nationale annuelle est passée de 200 tonnes à environ 1. 300 tonnes, selon la Société du Pyrèthre du Rwanda (Sopyrwa). Les revenus tirés de cette culture sont eux passés d?un million de dollars (730. 000 euros) à environ sept millions de dollars (5,1 M EUR).
Quelque 37. 000 agriculteurs rwandais vivent aujourd’hui du pyrèthre.
« Le Rwanda a décidé de développer le pyrèthre comme culture commerciale pour apporter un revenu additionnel aux fermiers et des devises étrangères au pays », explique depuis la petite ville de Musanze, Jérôme Mureramanzi, chargé de production à la Sopyrwa. « A l?heure où le monde prend conscience de la protection de l?environnement, le Rwanda saisit l?opportunité de développer cet insecticide naturel ».
Cette fleur de la famille des chrysanthèmes contient une substance organique, la pyréthrine, qui agit sur le système nerveux des nuisibles.
« Le pyrèthre tue une large variété d?insectes, sans impact sur l?environnement car son composé organique est très vite détruit par les rayons ultraviolets », assure M. Mureramanzi.
Une fois séchées, les fleurs de pyrèthre sont traitées et raffinées sur place puis l’essence couleur miel est exportée, majoritairement aux Etats-Unis et en Europe. Une partie de la production est aussi utilisée localement.
Le Rwanda est l’un des rares pays producteurs: seuls le Kenya, la Tanzanie et l’Australie, principalement en Tasmanie, produisent aussi cet insecticide naturel.
Plante exigeante
Au Rwanda, cette plante très exigeante qui ne pousse pas à moins de 1. 800 m d?altitude et ne tolère que les nuits froides et les précipitations élevées, a trouvé sa place sur le riche sol volcanique du nord du pays, près de la République démocratique du Congo et l?Ouganda. Dans une moindre mesure, elle est aussi cultivée dans l?ouest.
Gabriel Bizimungu, directeur général de Sopyrwa, explique que la compagnie fournit gratuitement graines et fertilisants aux agriculteurs et construit des séchoirs pour les fleurs.
Les agriculteurs sont organisés en coopératives auxquelles ils revendent à prix fixe leur production.
« Cela permet aux agriculteurs de diversifier leurs revenus et Sopyrwa rachète la totalité de leur production », assure M. Mureramanzi.
« C?est une situation gagnant-gagnant », explique Jean-Claude Kayisinga, à la tête du programme Pyrèthre du Rwanda.
Cette initiative notamment financée par l’agence de développement américaine USAID et le groupe américain SC Johnson, spécialisé dans les insecticides, accompagne les agriculteurs depuis 2009 en leur fournissant des formations visant à améliorer la productivité et la qualité des fleurs de pyrèthre.
« Les agriculteurs tirent quasiment les même bénéfices (du pyrèthre) qu?en cultivant des pommes de terre et l?alternance des cultures permet d?augmenter la productivité des cultures vivrières », poursuit M. Kayisinga.
Car le pyrèthre enrichit la terre de matière organique. Et sa culture permet de lutter contre l?érosion.
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