Tunisie: le premier parti du pays est en crise

A peine quelques mois après des succès électoraux, la première force politique tunisienne Nidaa Tounès se déchire dans une guerre des chefs où les égos s’affrontent par médias interposés, au risque de provoquer l’implosion du parti.

Tunisie: le premier parti du pays est en crise © AFP

Tunisie: le premier parti du pays est en crise © AFP

Publié le 10 mars 2015 Lecture : 3 minutes.

Le vainqueur des législatives d’octobre 2014, une formation hétéroclite créée à la mi-2012 par l’actuel président de la République Béji Caïd Essebsi, devait élire son bureau politique dimanche mais le vote a dû être reporté en raison de différends sur sa composition.

Aussitôt, des responsables du parti ont échangé invectives et accusations, nombreux étant ceux à ambitionner de peser dans Nidaa Tounès après le départ de M. Caïd Essebsi, élu chef de l’Etat en décembre à 88 ans.

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« Nidaa Tounès vit une véritable crise, le cacher aux gens n’est plus acceptable », a dit dimanche soir sur la chaîne privée Nessma l’un des meneurs de la fronde contre le comité fondateur du parti, Khemaïes Ksila.

D’après M. Ksila, une soixantaine des 86 députés que compte Nidaa Tounès et des « dirigeants historiques » de la formation ont « décidé de boycotter le comité constitutif définitivement, de ne prendre en compte aucune de ses décisions et de l’appeler (. . . ) à s’autodissoudre » afin de « sauver le parti ».

De l’autre côté, l’un des membres du comité, Lazhar Akremi, a dénoncé une tentative du fils du président Caïd Essebsi, Hafedh, et de ses partisans de faire main basse sur le parti.

– ‘Guerre de succession’ –

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« Il s’agit d’une campagne pour faire hériter Hafedh Caïd Essebsi (du parti). Nous avons dit non à l’hérédité, non au retour de l’ancien régime, non au fait que des gens disant +mon père est untel, je suis de telle famille+ nous contrôlent. La révolution s’est faite contre ces pratiques », a lancé M. Akremi sur la radio privée Mosaïque FM, en référence au népotisme du régime déchu du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.

« C’est une véritable guerre de succession », résume à l’AFP sous le couvert de l’anonymat un élu du parti, en disant craindre que Nidaa Tounès n’ »implose ».

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Si ces conflits étaient en germe depuis la création de « l’Appel de la Tunisie », ils se font de plus en plus flagrants depuis le départ de M. Caïd Essebsi. Principal ciment du mouvement, ce vétéran a rassemblé autour de lui des courants divers, voire contradictoires: proches de l’ancien régime, hommes d’affaires, militants de gauche, syndicalistes et intellectuels.

« Les ambitions personnelles, l’absence de structures élues et le vide abyssal laissé par le départ de Béji Caïd Essebsi sont à l’origine de cette énième crise », analyse le magazine Leaders.

M. Caïd Essebsi n’a pour l’instant pas pris position publiquement. Etonnamment, c’est le chef du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, qui a transmis un message du chef de l’Etat après l’avoir rencontré mardi: « l?intérêt de la Tunisie c?est qu?elle soit unie, que ses partis soient solidaires en leur sein et entre eux (. . . ) et c?est ce que recommande le président ».

– Alliance controversée –

Signe avant-coureur de la crise, des responsables de Nidaa Tounès s’étaient déjà répandus dans les médias lors de la formation du gouvernement qui a pris ses fonctions en février, mécontents que le Premier ministre ne soit pas issu du parti et surtout qu’Ennahda, longtemps présenté comme l’ennemi à abattre, soit entré dans la coalition au pouvoir.

Selon l’élu s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, l’étendue de la collaboration avec Ennahda est d’ailleurs l’un des enjeux sous-jacents de la bataille en cours, un courant étant farouchement opposé à une alliance, un autre prônant au contraire un « partage du pouvoir ».

Un conflit qui menace l’existence-même de Nidaa Tounès, selon plusieurs journaux tunisiens.

« La crise que connaît Nidaa Tounès n’est pas nouvelle mais elle n’a pas atteint par le passé ce à quoi elle est arrivée en fin de semaine, et tous les indicateurs pointent vers le fait que les +frères ennemis+ sont arrivés cette fois au point de non-retour », juge ainsi le quotidien arabophone Al Chourouq.

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