Âpres discussions entre Areva et le Niger sur l’uranium
Niamey et Areva négocient âprement pour l’uranium nigérien, stratégique pour les deux parties, les autorités exigeant qu’il finance le développement du pays quand le géant français du nucléaire dépend étroitement de l’extraction de ce minerai.
Les contrats d’exploitation des mines d’Areva au Niger sont arrivés à échéance le 31 décembre 2013 et doivent être renouvelés.
L’Etat du Niger et l’entreprise française se sont déjà retrouvés à quatre ou cinq reprises, « alternativement à Niamey et Paris », en quête d’un accord, affirmait mi-janvier Oumarou Hamidou Tchiana, le ministre des Mines nigérien, qui annonçait une nouvelle rencontre ces derniers jours.
Pour Areva, il s’agit de maintenir au meilleur coût possible sa présence au Niger, le deuxième pays – derrière le Kazakhstan et devant le Canada – pour le groupe en terme de production, selon un porte-parole du groupe français.
L’enjeu est crucial pour la France, dont l’Etat est actionnaire à 80% d’Areva et où 75% de l’électricité produite est d’origine nucléaire.
Areva extrait environ un tiers de son uranium de la Cominak et de la Somaïr, deux mines situées dans la région d’Arlit (nord), où le risque terroriste est élevé. Cinq Français et un Togolais y avaient été enlevés en 2010. Deux d’entre eux avaient été libérés en 2011, et les quatre autres fin 2013.
Pour le Niger, le contrôle des ressources naturelles est en jeu. L’Etat souhaite qu’une loi minière adoptée en 2006 (qui notamment supprime les exonérations fiscales), à laquelle Areva n’est pour l’instant pas soumise, soit appliquée.
Le taux de redevance sur la valeur du minerai extrait passerait ainsi de 5,5% actuellement à 12%, venant renflouer les finances du pays dont l’uranium représente plus de 70% des exportations, selon Oxfam France, une ONG militant pour une redistribution plus équitable des bénéfices miniers.
Quatrième producteur d’uranium mondial
Or d’après M. Tchiana, ce minerai n’a rapporté que 70 milliards de francs CFA (environ 107 millions d’euros) à l’Etat nigérien en 2013, soit moins de 5% du budget national. Une paille au vu des besoins en liquidité de ce pays sahélien aride.
Le Niger, quatrième producteur d’uranium mondial, pointe année après année en dernière position en terme d’indice de développement humain, selon l’ONU.
La chute des cours de l’uranium n’arrange rien: le kilo est passé de 190. 000 francs CFA (290 euros) en 2008 à environ 40. 000 FCFA (61 euros) en 2013, d’après le ministre, pour qui les recettes du Niger atteindront à peine 20 à 30 milliards de francs CFA (30,5 à 46 millions d’euros) en 2014.
Le moment n’est « pas nécessairement très facile » pour négocier, admettait en décembre Luc Oursel, le patron d’Areva, imputant cette baisse des prix aux « retards dans le redémarrage de centrales japonaises » après la catastrophe de Fukushima.
Mais le temps presse. Depuis la fin des contrats d’exploitation de la Cominak et de la Somaïr, les sites sont officiellement fermés pour maintenance, a indiqué un porte-parole d’Areva sans donner de date de reprise – et ce en dépit d’un décret gouvernemental qui permet aux mines de fonctionner malgré l’absence d’accord.
5. 000 salariés nigériens se retrouvent donc au chômage technique et même s’ils sont encore payés, le Niger semble infléchir sa position.
« Nous allons continuer les discussions jusqu’à fin février 2014 afin de trouver un terrain d’entente », a estimé Oumarou Hamidou Tchiana.
« Les gens d’Areva profitent de la négligence des régimes successifs du Niger pour faire leur gloutonnerie », a dénoncé Sanoussi Jackou, conseiller du président Mahamadou Issoufou, lors d’un récent débat télévisé.
Aucun des régimes précédents n’a essayé de modifier les accords de coopération entre la France et le Niger signés en 1961 et 1968, qui accordent 75 ans d’ »avantages » à l’ancienne puissance coloniale en terme d’uranium, a-t-il commenté.
Du coup, « si le Niger évoque la loi de 2006, Areva dit: +Est-ce qu’elle est conforme aux accords de 1968?+ », s’est-il étranglé.
« Areva doit accepter de renoncer à ses privilèges fiscaux », acquiesce Anne-Sophie Simpere, dont l’ONG Oxfam France regrette la « discrétion » du gouvernement français, pourtant acteur clé du dossier.
« Le Niger ne peut pas se permettre d?attendre 30 ans de plus pour tirer tous les bénéfices » de son uranium, note-t-elle.
Pour Ali Idrissa, du Rotab, une ONG nigérienne, « la loi de 2006 doit être appliquée ». Et de tonner: « Ni le chantage d?Areva sur le personnel, ni les interdictions de manifestation des autorités nigériennes ne pourront émousser notre détermination à nous battre pour un contrat gagnant-gagnant ».
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