Afrique du Sud: la lutte anti-braconnage des rangers s’apprend à la mitraillette

A l’école des rangers de Vaalwater, dans le nord de l’Afrique du Sud, on apprend à reconnaître les animaux par leurs empreintes mais surtout à manier la mitraillette, non pas pour répondre à d’aimables touristes en safari, mais pour affronter les braconniers.

Afrique du Sud: la lutte anti-braconnage des rangers s’apprend à la mitraillette © AFP

Afrique du Sud: la lutte anti-braconnage des rangers s’apprend à la mitraillette © AFP

Publié le 26 mars 2015 Lecture : 3 minutes.

« Ce truc-là, c’est comme votre femme! Faut la traiter avec respect! », tonne Simon Rood, 50 ans, l’instructeur principal et responsable de l’école. Dans sa main droite musclée, il agite devant les étudiants une arme semi-automatique.

La boule à zéro, un pistolet Glock à la ceinture, ce Rambo de la nature fait le leçon: « Si vous ne traitez pas une arme à feu avec respect, vous ne pouvez pas être ranger », lance-t-il.

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L’assistance, 19 hommes en uniformes kaki et bottes militaires noires, acquiesce d’un signe de tête.

La formation dure un an, dans une ferme isolée à trois heures de route de Johannesburg, la capitale économique sud-africaine, et coûte 60. 000 rands (environ 6. 500 euros).

Elle débouche sur un salaire mensuel de 4. 000 rands (environ 310 euros, le salaire d’un vigile) comme ranger spécialisé dans une réserve privée ou un parc naturel du pays, où la priorité est de protéger les rhinocéros.

L’Afrique du Sud, qui abrite 80% des rhinocéros de la planète (soit environ 20. 000), est confrontée à une explosion du braconnage: 1. 215 rhinocéros y ont été tués en 2014 – un record – pour leur corne revendue au marché noir en Asie. Car la poudre de corne de rhinocéros est prisée pour ses prétendues vertus médicinales. Une seule corne peut rapporter jusqu’à 65. 000 dollars, selon les estimations.

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Simon Rood est l’un des nombreux entrepreneurs sud-africains à s’être lancé dans la formation de rangers armés, un secteur en plein essor qui embauche aussi des femmes.

« Malheureusement, c’est le genre de domaine où il faut combattre le feu par le feu », dit-il. « Nous avons affaire à des +terroristes+ qui franchissent nos frontières avec des armes pour tirer sur notre patrimoine national », ajoute-t-il. Beaucoup de braconniers viennent notamment du Mozambique voisin.

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– ‘On n’est pas des héros’ –

Inquiètes, les autorités d’une quarantaine de gouvernements se réunissaient cette semaine au Botswana pour prendre de nouveaux engagements contre le trafic d’espèces protégées.

« Si on prend l’exemple du parc national Kruger –le plus vaste et le plus visité d’Afrique du Sud, grand comme la Belgique, ndlr– les rangers tombent sur des braconniers équipés de gros calibres ou d’armes de guerre automatiques. Le danger est réel », explique Kevin Bewick, qui dirige à Durban (est) une association de lutte contre le braconnage, Anti-poaching Intelligence Group of Southern Africa.

A Vaalwater, les recrues apprennent à survire plusieurs semaines d’affilée en brousse. La journée commence à l’aube par 5 kilomètres de course à pied, des pompes et des flexions, avant des cours sur la faune sauvage et les techniques de traque des braconniers.

Dans la touffeur d’une salle de classe installée sous tente, un policier sud-africain enseigne les règles de sécurité pour le maniement d’une arme: « Quand vous êtes en service et que vous voyez quelqu’un de dangereux, la règle est d’appeler du renfort, on n’est pas des héros ».

Classés dans la nomenclature officielle comme vigiles, les rangers accrédités pour la lutte anti-braconnage ont un port d’arme et peuvent donc faire usage de leur arme.

Wilfred Radebe, l’un des instructeurs de choc de l’école, s’occupe d’inculquer la discipline. « Maintenant, je vais les faire souffrir », dit-il avec un petit sourire narquois. « Il faut qu’ils réalisent pourquoi on est ici. On a besoin d’hommes de caractère », ajoute ce ranger de 26 ans, en grosses chaussures montantes, un bob sur la tête pour se protéger du soleil brûlant de mars.

Et le message semble passer. « Il ne faut pas avoir peur, il faut être courageux », assure Peter Kgathi, père de famille de 34 ans en reconversion aux frais de l’Etat sud-africain.

Son projet: décrocher un emploi au parc Kruger, où la majorité des rhinocéros sont décimés, avec le secret espoir que les rhinocéros survivent nombreux. « Je suis toujours content quand j’en vois. Il faut que nos enfants puissent les voir eux aussi », dit-il.

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