Au Maroc, musiques et sons d’autrefois pour rappeler l’histoire juive du royaume

« Beaucoup de jeunes ici n’ont jamais entendu de musique judéo-arabe », regrette Vanessa Paloma El Baz, juive marocaine qui s’est lancée dans un travail de fourmi: collecter les archives sonores du Maroc juif, un projet récemment présenté au public.

Au Maroc, musiques et sons d’autrefois pour rappeler l’histoire juive du royaume © AFP

Au Maroc, musiques et sons d’autrefois pour rappeler l’histoire juive du royaume © AFP

Publié le 18 mars 2015 Lecture : 3 minutes.

Patiemment, depuis 2007, cette chercheuse et interprète de chansons du patrimoine judéo-marocain a rassemblé des centaines d’enregistrements et continue de le faire dans son petit bureau de Casablanca, capitale économique et mégapole où vit désormais la majorité de la communauté juive du Maroc.

Fin janvier, l’initiative a été présentée au Musée du judaïsme marocain, dans le cadre d’une projection-débat.

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Par sa démarche, la quadragénaire indique vouloir raviver le souvenir d’un passé pas si lointain: dans les années 1950, le royaume comptait près de 300. 000 citoyens de confession juive. Mais les conflits israélo-arabes successifs, les appels à l’émigration vers Israël et de nombreux départs vers la France et le Canada notamment ont ramené cette présence à moins de 5. 000 âmes. Les Juifs marocains demeurent toutefois la principale communauté juive d’Afrique du Nord.

Le nom du projet –« Khoya: les archives sonores du Maroc juif »– a été choisi pour refléter ce patrimoine commun aux Marocains. « Khoya » a une double signification, « mon frère » en arabe dialectal et « joyau » en espagnol.

Son message est que « juifs et musulmans du Maroc sont frères, partagent les mêmes coutumes et qu’il faut travailler ensemble pour raviver ce patrimoine », affirme Mme El Baz.

D’une famille originaire de Tétouan (nord), elle représente elle-même ces Juifs marocains empreints de culture espagnole, une influence que l’on retrouve dans les concerts que donne Mme El Baz.

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La sonothèque comprend deux types d’enregistrements: les chansons et musiques d’artistes populaires juifs marocains, recueillis sur le terrain ou dans un format commercial, et les enregistrements d’histoires de familles juives marocaines contées par des citoyens aussi bien juifs que musulmans.

« Khoya » est encore « incomplet », relève toutefois Vanessa Paloma El Baz, expliquant que de nombreux Juifs marocains installés en Israël, en Europe et en Amérique du Nord possèdent des enregistrements, des vidéos et des photographies qui pourraient enrichir la collection, déjà composée de centaines d’heures.

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Rassembler la mémoire juive marocaine « n’a pas été facile », dit-elle, évoquant la réticence de certaines familles à lui remettre ces enregistrements.

– ‘Culture orale’ –

Sur une des photos qu’elle garde précieusement figurent deux chanteurs juifs au côté du sultan Mohammed V, au milieu de compatriotes de confession musulmane, à l’occasion d’une célébration pour la naissance du futur roi Hassan II.

Pour Mme El Baz, cette photographie est le symbole de la « cohabitation dans la paix », à tous les niveaux de la société, avant que la plupart des Juifs ne quittent le pays.

Adoptée en 2011 dans le contexte du Printemps arabe, la nouvelle Constitution du Maroc reconnaît la composante hébraïque comme partie de la culture du royaume. Dans le préambule est inscrit que « l’unité du pays (. . . ) s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen ».

Cet extrait trône à l’entrée du Musée du judaïsme marocain, fondé à Casablanca par l’écrivain et homme politique marocain Simon Lévy. Des vêtements, des bijoux et des pièces d’artisanat y sont exposés.

La présence des Juifs au Maroc « remonte à 2. 500 ans » et a été renforcée par les vagues de réfugiés provenant notamment d’Andalousie, commente la conservatrice du musée, Zhor Rhihl.

Fuyant la Reconquista des rois catholiques, les Juifs d’Andalousie ont afflué de manière importante au Maroc à partir du XVe siècle.

Mais de nos jours, seule la tradition culinaire et l’artisanat subsistent pour rappeler l’existence des « mellahs », ces quartiers où musulmans et juifs se fréquentaient et commerçaient, dans toutes les grandes villes.

Au-delà de la préservation de ce seul pan d’histoire, Vanessa Paloma El Baz voit, elle, encore plus grand. « Je rêve d’une sonothèque nationale qui permettrait de sauvegarder la culture orale marocaine dans son ensemble, et pas uniquement le patrimoine juif, dit-elle. Sinon, c’est tout cet héritage qui pourrait disparaître. « 

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