A Bangui, autour du camp Kasaï vidé des Séléka, la population fête sa « libération »
Maintenant, « on va fêter le nouvel An! », exulte une habitante du quartier du camp Kasaï, désormais vide des combattants Séléka qui s’y étaient installés dès leur prise du pouvoir à Bangui, en mars 2013, et qui ont terrorisé le voisinage pendant des mois.
Depuis des jours, les environs du camp situé à proximité du fleuve Oubangui étaient devenus un des points de tensions extrêmes de la capitale centrafricaine.
Harcelés par des miliciens chrétiens anti-balaka qui les attendaient à leurs rares sorties pour les attaquer, les combattants musulmans Séléka, qui il y a peu encore régnaient en maîtres dans la ville, étaient assiégés, privés de ravitaillement.
Désormais, c’est fini. Mardi, les soldats français de l’opération Sangaris et rwandais de la force africaine déployés en nombre ont évacué les 400 combattants qui s’y trouvaient sous les quolibets et les menaces de la foule.
A la sortie des camions, remplis de combattants Séléka, treillis et armes légères en main, la foule crie: « On les a ramassés comme des cabris! », « Fini les intouchables! ».
« Je suis à l’aise, toutes les activités vont reprendre. Ils nous dévalorisaient, violaient nos droits. Ils ont tué dix-huit d’entre nous il y a dix jours », affirme un jeune prénommé Duval. Il ajoute, l’air gourmand: « Ce serait appréciable de tous les tuer! ». « La bière arrive! », lance un autre.
Un combattant, grenade en main, fait mine de la lancer sur la foule. Mais pour l’essentiel ils ont un air plutôt résigné en prenant la direction du camp RDOT, à la sortie nord de la ville – leur nouveau site de cantonnement – où les attendent plusieurs centaines d’autres combattants, évacués eux du camp De Roux.
Kasaï et De Roux sont deux places stratégiques de la capitale. Le premier est situé non loin de la résidence de la présidente Catherine Samba Panza, élue le 19 janvier pour succéder à Michel Djotodia, le chef des Séléka.
M. Djotodia a été contraint à la démission pour son incapacité à arrêter tout d’abord les exactions de ses hommes contre les populations majoritairement chrétiennes, puis les tueries interreligieuses qu’elles ont fini par engendrer et dont les civils sont les premières victimes. L’ex-président vivait retranché dans le camp De Roux, plutôt qu’au palais présidentiel situé juste à côté.
« Ne provoquez pas. Reculez »
A la barrière du camp Kasaï, un jeune combattant séléka, Haroun, l’air inquiet, dit dans un mauvais français qu’il ne « sait pas pour après ». « Je suis de Ndele (près du Soudan, dans le nord), comment rentrer, trouver l’argent? ».
Le commandant, béret rouge, Abdehramane, qui ne parle pas français, dit qu’il « est dans Kasai depuis 9 mois ». Il part car « il respecte la loi (l’accord) », traduit le jeune homme pour son chef.
Ce transfèrement témoigne de l’affaiblissement de l’ex-rébellion depuis le déclenchement de l’opération française Sangaris le 5 décembre et le renforcement de la Misca: les chefs ont fui à l’étranger, des généraux étaient signalés dimanche au nord de Bangui, escortés par des soldats tchadiens.
« La manip doit bien se passer car ce sont eux qui ont fait la demande. Leurs chefs partis à l’étranger, les petits Séléka nous appellent pour être pris en charge », dit à l’AFP le lieutenant Julien, officier de presse Sangaris.
« Lles ex-Séléka ont vu qu’il y avait un effritement de leur structure de commandement », explique le porte-parole de l’état-major français, le colonel Gilles Jaron. « Ce que l’on ne veut pas, c’est qu’ils se répandent en ville et qu’ils puissent menacer la population, quelle qu’elle soit, chrétienne ou musulmane. On contrôle l’affaire ».
De fait, dans une ville où une explosion de violences peut survenir à tout moment, le dispositif franco-rwandais était bien en place dès l’aube quand les éléments rwandais de la Misca sont entrés dans le camp enregistrer les partants.
Plusieurs transports de troupes blindés, deux blindés Sagaie au canon de 90 mm pour Sangaris. Trois pick-up pour les Rwandais et plus de cent fantassins à pied, armés de fusils et lance-roquettes.
Le commandant rwandais Omar a d’ailleurs prévenu la population: « C’est une opération dans votre intérêt. Mais ne provoquez pas, reculez! ».
Dans la foule en liesse il y a aussi des pillards, comme partout dans Bangui. Un groupe se dirige vers une petite mosquée, et entreprend de la détruire, de la piller. Ils abattent même un majestueux arbre du voyageur dans la cour.
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