A Djibouti, les réfugiés yéménites fuient la terreur des raids aériens
« Soudain les avions sont arrivés et ont commencé à attaquer »: à Djibouti, les réfugiés du Yémen déchiré par la guerre décrivent la terreur et les destructions causées par les frappes aériennes.
Sous le soleil de plomb qui écrase les côtes djiboutiennes, les rescapés de la périlleuse traversée du Golfe d’Aden arrivent aujourd’hui par centaines.
Ici le détroit de Bab al-Mandeb (la « porte des lamentations » en arabe) qui sépare la Corne de l’Afrique et la péninsule arabique ne fait pas plus d’une trentaine de kilomètres.
« Nous sommes venus sur de petits bateaux, nos propres embarcations. Toutes les familles -une trentaine de familles soit près de 200 personnes-« , raconte Murisala Mohamed Ahmed.
« Des positions militaires étaient installées dans le voisinage, nous avions peur pour nos enfants (. . . ) nous n’avions pas d’autre choix que de fuir à Djibouti », poursuit-il.
Les rebelles chiites Houthis et leurs alliés, qui ont conquis depuis septembre 2014 la capitale Sanaa et plusieurs régions du nord et de l’ouest du Yémen, ont lancé en mars une offensive vers le sud dans une tentative de prendre le contrôle de l’ensemble du pays.
En réaction, le 26 mars, l’Arabie saoudite a pris la tête d’une coalition arabo-sunnite et mène depuis lors des raids aériens quotidiens contre ces Houthis.
Après trois semaines de frappes aériennes saoudiennes, la situation continue de se détériorer rapidement, particulièrement à Aden (sud). Le pays est au bord d’une grave crise humanitaire, et les organisations internationales, notamment Médecins sans frontières (MSF) et le CICR (Comité international de la Croix Rouge), connaissent de grosses difficultés pour accéder aux populations.
Dimanche, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a appelé à une reprise du processus de paix et à une « désescalade » immédiate des hostilités, s’alarmant des « victimes civiles (qui) s’accumulent et de la destruction des infrastructures publiques.
– Une longue tradition d’accueil –
Ils ne sont pour le moment que quelques centaines de réfugiés à avoir entrepris la traversée, selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Mais l’organisation se prépare d’ores-et-déjà à une nette augmentation des arrivées.
Djibouti, dont la position géographique aux portes de la mer Rouge -l’une des principales voies maritimes de la planète- est stratégique, accueille déjà de nombreux réfugiés, en majorité Somaliens, pour une population d’à peine 850. 000 habitants.
Ce pays de désert et de cailloux sous une chaleur de four « a une longue tradition d’accueil des réfugiés de la région », rappelle le porte-parole du HCR, Frederic Van Hamme: « c’est une grosse pression pour un petit pays comme celui-ci ».
La plupart des réfugiés yéménites ont accosté à Obock, sur les côtes nord de Djibouti, ramenant avec eux de « terribles témoignages » sur la guerre en cours au Yemen, selon M. Van Hamme.
« Le voyage a duré deux jours, entassé au fond d’une embarcation sans le moindre siège », raconte Abdallah Mourad Abdo, étudiant en journalisme à l’université du port d’Aden. « Nous pouvions voir les frappes aériennes, c’était terrifiant ». «
« J’aime mon pays, je ne veux pas le quitter, mais la situation là-bas est terrible », renchérit Shahira Shehbaz, également étudiante. « Il n’y avait pas d’autre solution que de s’enfuir par bateau ».
« Depuis le début de l’escalade du conflit », les combats au Yemen ont fait 736 morts et 2. 719 blessés, selon les derniers chiffres de l’ONU.
Le Yemen était autrefois une terre d’exil et de transit pour les réfugiés somaliens fuyant la guerre civile. Par un curieux retournement de l’histoire, le flux des réfugiés s’est désormais inversé et ce sont les Yéménites qui viennent trouver refuge sur les rives africaines.
« Les chiffres ne sont pas trop élevés pour le moment, mais nous anticipons une hausse et nous nous préparons en conséquence », assure Carlotta Wolf, porte-parole du HCR pour la Somalie. « Tous ceux qui arrivent en Somalie disent que plus de personnes se préparent à quitter le Yemen ».
Les Yéménites fuient la guerre, mais des réfugiés africains, ignorants des violences en cours à Aden et Sanna, continuent d’arriver sur les côtes du Yemen.
D’après le HCR, le croissant rouge yéménite « enregistre toujours des centaines de demandeurs d’asile, la plupart Somaliens et Ethiopiens, qui ne savent pas ce qui se passe ou sont aux mains des trafiquants et incapables d’interrompre leur périple ».
Quant aux Yéménites qui ont échoué sur les côtes djiboutiennes, à leur tour désormais de porter le deuil de leur ancienne vie et de la paix.
« Nos plaintes à Dieu vont contre ceux qui nous ont poussé à fuir et nous ont mis dans cette situation », se lamente Ahmed. « Nous sommes comme perdus, nous ne savons pas ce qui va nous arriver ».
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