Présidentielle au Burundi: les forces en présence

Opposants politiques, médias et société civile déterminés à faire barrage à un troisième mandat au président burundais Pierre Nkurunziza, contre des soutiens indéfectibles au chef de l’Etat: des camps aux positions très tranchées s’opposent au Burundi.

Présidentielle au Burundi: les forces en présence © AFP

Présidentielle au Burundi: les forces en présence © AFP

Publié le 28 avril 2015 Lecture : 4 minutes.

SOCIETE CIVILE ET MEDIA

La société civile est en première ligne pour dénoncer depuis des années les abus des autorités: l’opposition est inaudible depuis qu’elle a boycotté les élections de 2010. C’est elle qui appelle massivement à manifester contre le troisième mandat.

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Accusé d’incitation à l’insurrection, le patron de l’association de défense des droits de l’Homme Aprodeh, Pierre-Claver Mbonimpa, a été arrêté lundi par les services de renseignements pour « participation à un mouvement insurrectionnel ». Il a été libéré mardi mais un mandat d’arrêt a aussi été émis contre Vital Nshimirimana, président du Forum pour le renforcement de la société civile et principal organisateur de la campagne anti-Nkurunziza.

Parmi les autres figures anti-troisième mandat: le président du Forum pour la Conscience et le Développement, l’une des principales ONG burundaises, Pacifique Nininahazwe. Devenu l’un des plus virulents critiques du pouvoir, il dit avoir été l’objet d’une tentative de meurtre et s’est réfugié dans la clandestinité.

La campagne de la société civile est relayée par quatre médias indépendants, dont la très populaire RPA (Radio publique africaine). La station a été coupée lundi, accusée d’inciter à l’insurrection. Deux des autres principales radios indépendantes, Bonesha et Isanganiro, ne peuvent plus non plus émettre au-delà de Bujumbura depuis dimanche.

L’OPPOSITION POLITIQUE

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Le principal opposant à Nkurunziza, Agathon Rwasa, conteste la légalité d’un troisième mandat, mais n’a pas ouvertement appelé à manifester. Des observateurs estiment que s’il devait lancer un appel clair à descendre dans la rue, le mouvement prendrait une nouvelle ampleur. Chef historique de l’ex-rébellion hutu des Forces nationales de libérations (FNL), devenu principal parti d’opposition, Rwasa a été chassé de la tête de son parti en 2013 par des manoeuvres du pouvoir, disent les observateurs. Il reste cependant très populaire auprès de la base FNL et a élargi son potentiel électoral en s’alliant à son ex-ennemi, le chef déchu du principal parti tutsi, Charles Nditije, qui appelle clairement à manifester. Ex-allié du pouvoir, Nditije a aussi été évincé de sa formation, l’Uprona, après des divergences avec le gouvernement.

Deux leaders d’oppositions clés sont dans la clandestinité: Alexis Sinduhije, chef du MSD (Mouvement pour la solidarité et le développement), et Hussein Radjabu, ex-patron du parti présidentiel (Cndd-FDD).

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Sinduhije a repris le chemin de l’exil en 2014, après des affrontements entre la police et des militants de son parti. Ses militants jouent un rôle clé dans les manifestations. Lui-même sous mandat d’arrêt, il est accusé par le pouvoir et l’ONU de chercher à monter des rébellions depuis l’étranger.

Ex-mentor de Nkurunziza, Radjabu a été écarté du Cndd-FDD en 2007, faisant trop d’ombre à Nkurunziza, avant d’être condamné à 13 ans de prison pour complot contre la sûreté de l’Etat. Il s’est évadé de prison début mars et a sans doute une réelle capacité de nuisance, gardant de l’autorité sur certains membres du Cndd-FDD.

LES FRONDEURS

Plus d’une centaine de hauts cadres du Cndd-FDD, ouvertement opposés au troisième mandat, ont été évincés. Le clan présidentiel s’en est même pris à d’influents généraux, comme l’ex-chef des renseignements Godefroid Nyombare. Limogé en février, cet ex-chef d’Etat major de l’armée est respecté pour sa droiture et sa capacité de dialogue mais a payé pour avoir mis en garde Nkurunziza contre les risques d’un nouvelle candidature. Parmi les autres dissidents, le porte-parole du Cndd-FDD Onésime Nduwimana a été limogé en mars, et le propre porte-parole du chef de l’Etat, Léonidas Hatungimana, ex-compagnon d’armes de Nkurunziza dans la rébellion hutu qu’était alors le Cndd-FDD, en avril.

LES SOUTIENS INDEFECTIBLES

Nkurunziza a bénéficié du soutien sans faille du ministre de l’Intérieur, Edouard Nduwimana, qui n’a cessé de répéter son droit à une nouvelle candidature. Nkurunziza a aussi pu compter sur le président du Cndd-FDD, Pascal Nyabenda, qui a défendu bec et ongles la constitutionnalité d’un troisième mandat et su gérer la fronde interne.

Le président bénéficie aussi du soutien indéfectible des jeunes de son parti, les « Imbonerakure », que l’ONU qualifie de « milice », qui ont juré d’en découdre si leur champion ne pouvait pas se représenter et dont des milliers de Burundais, réfugiés au Rwanda, disent fuir les pratiques d’intimidation.

Le président s’appuie aussi sur un groupe de généraux issus de l’ancienne rébellion Cnnd-FDD, dont les deux plus puissants ont été évincés de la tête du pouvoir mais restent incontournables: le général Alain Guillaume Bunyoni, ex-directeur de cabinet de Nkurunziza, alors considéré comme le numéro 2 du régime, et le général Adolphe Nshimirimana, ex-patron des services de renseignements. Limogés dans le cadre d’un conflit au sein de la hiérarchie militaire du Cndd-FDD, ils ont gardé la main haute sur l’appareil sécuritaire du pouvoir Nkurunziza.

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