Yared Zeleke, premier Ethiopien sélectionné à Cannes, « se pince pour y croire »
Yared Zeleke, 36 ans, a le coeur qui bat la chamade. Dans quelques jours, il sera le premier réalisateur éthiopien à fouler le tapis rouge du Festival de Cannes en sélection officielle avec son film « Lamb ». « C’est incroyable ! Je me pince encore pour y croire », dit-il.
« Je me sens vraiment reconnaissant, chanceux, et fier de représenter cette partie du monde », a confié le cinéaste à l’AFP à Paris, à quelques jours de l’ouverture du festival.
Il a appris la nouvelle de sa sélection alors qu’il était en train de faire le montage son de son film. « Ca a vraiment illuminé ma journée, ma semaine, mon année, ma vie! », lance en riant le jeune réalisateur aux cheveux courts, spontané.
Sélectionné à Cannes dans la section dénicheuse de talents « Un certain regard », « Lamb », tourné en Ethiopie, est son premier long métrage.
Le film raconte l’histoire d’Ephraim, un enfant de neuf ans qui, après avoir perdu sa mère, est envoyé par son père chez des parents éloignés dans la montagne, accompagné de son inséparable brebis Chuni. Mais son oncle lui demande d’abattre sa brebis pour une fête. Il va alors devoir inventer des stratagèmes pour la sauver.
Yared Zeleke est déjà venu à Cannes en 2013 avec le projet de son film, dans le cadre de l’Atelier de la Cinéfondation, qui permet à de jeunes cinéastes de rencontrer des partenaires potentiels.
Après avoir monté une société à Addis Abeba avec sa productrice ghanéenne, il a bénéficié du soutien de coproducteurs et distributeurs français. Même si, dit-il, « comme pour beaucoup de premiers films, il a fallu se battre pour essayer de boucler le financement ». D’autant plus quand il s’agit d’une histoire « avec des enfants et des animaux qui se passe en Afrique, en Ethiopie ».
– « Paradis perdu » –
Le cinéma africain est « très fragile », dit Yared Zeleke, qui vit aujourd’hui en Ethiopie après une vingtaine d’années passées loin de son pays.
Financer des films de ce continent, « c’est un défi, jusqu’à ce que les gens commencent à s’ouvrir à l’idée que quelque chose puisse venir de cette partie du monde », ajoute-t-il.
Mais « alors que l’économie se développe, que de plus en plus de gens sont éduqués, il est temps pour nous, Africains, de raconter nos propres histoires, nourries de nos vies, de nos expériences ».
Né à Addis Abeba, où il a été élevé par sa grand-mère, Yared Zeleke a quitté l’Ethiopie pour les Etats-Unis en 1987, pour retrouver son père qui avait fui la dictature communiste.
Il n’était pas au départ destiné à une carrière dans le 7e Art. Il a d’abord étudié l’agroéconomie « parce qu’il voulait travailler avec les fermiers éthiopiens », avant de réaliser que « son truc, c’était vraiment de raconter des histoires ».
Formé au cinéma à la New York University, il a notamment eu comme professeur le réalisateur Todd Solondz (« Happiness »), qui l’a « encouragé à faire son film », raconte-t-il.
En écrivant l’histoire de « Lamb », le cinéaste a voulu d’une certaine façon parler de sa propre histoire, celle d’un « paradis perdu ».
« J’ai été envoyé aux Etats-Unis, le pays de tous les rêves pour un Ethiopien à cette époque, et peut-être encore maintenant. Mais pour moi, c’était comme un cauchemar parce que je ne voulais pas quitter ma famille et mon pays », explique le jeune homme, auquel « cela fait du bien d’être de retour ».
A travers notamment la société de production qu’il a cofondée, Yared Zeleke veut aussi « aider le secteur du cinéma » en Ethiopie. Car, explique-t-il, dans son pays, « il n’y a pas encore d’institutions ou de financements pour soutenir la croissance du cinéma. Il y a encore beaucoup à faire ».
« J’ai beaucoup de rêves », ajoute-t-il. J’aimerais ouvrir des vidéo-clubs pour que les gens aient accès à des films du monde entier, j’aimerais enseigner le cinéma à l’université ou monter des ateliers pour les acteurs et les professionnels du cinéma ».
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