Burundi: le vice-président de la Cour constitutionnelle dénonce des « pressions » et s’enfuit

Le vice-président de la Cour constitutionnelle du Burundi, appelée à se prononcer sur la légalité d’un nouveau mandat du chef de l’Etat Pierre Nkurunziza, a fui le Burundi lundi pour ne pas céder aux « pressions » exercées sur la Cour afin qu’elle valide cette candidature.

Burundi: le vice-président de la Cour constitutionnelle dénonce des « pressions » et s’enfuit © AFP

Burundi: le vice-président de la Cour constitutionnelle dénonce des « pressions » et s’enfuit © AFP

Publié le 4 mai 2015 Lecture : 3 minutes.

Au neuvième jour de contestation dans le pays, Sylvère Nimpagaritse a assuré, lors d’un entretien qui s’est déroulé au Burundi avant qu’il ne quitte le pays, que les juges de la Cour s’étaient vu pressés, par de hauts responsables qu’il a refusé de nommer, de signer un arrêt « imposé de l’extérieur », validant la candidature de M. Nkurunziza.

« En mon âme et conscience, j’ai décidé de ne pas apposer ma signature sur un arrêt, une décision qui carrément est à côté de la loi et qui a été imposée de l’extérieur, qui n’a rien de juridique », a expliqué à l’AFP M. Nimpagaritse.

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Il se trouve depuis lundi à l’étranger, ont confirmé des proches.

La contestation fait rage contre la candidature à la présidentielle du 26 juin du président Nkurunziza, élu en 2005 et réélu en 2010. Les opposants à cette candidature estiment qu’elle est contraire à la Constitution et à l’Accord d’Arusha de 2000 qui a ouvert la voie à la fin de la longue guerre civile burundaise (1993-2006) et posé les bases des actuelles institutions.

La Constitution, comme l’Accord d’Arusha, limitent à deux le nombre de mandats présidentiels.

Mais les partisans du chef de l’Etat estiment que le premier mandat de M. Nkurunziza, élu par le Parlement en 2005 comme premier président de l’après-transition, au titre d’un article transitoire de la Constitution, n’entre pas dans le champ de l’article 96 de la Loi fondatementale qui prévoit l’élection au suffrage direct et stipule que le mandat présidentiel n’est renouvelable qu’une fois.

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M. Nimpagaritse a assuré qu’une majorité des sept juges de la Cour estimaient initialement inconstitutionnelle la candidature controversée, mais que ceux-ci avaient subi « d’énormes pressions et même des menaces de mort » pour changer d’avis.

Le Cndd-FDD a, sans surprise, désigné le samedi 25 avril Pierre Nkurunziza candidat à la présidentielle. Dès le lendemain, des manifestations, émaillées de heurts avec la police, ont éclaté dans Bujumbura. Les violences ont fait depuis lors 13 morts, dont dix protestataires.

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Le Sénat, contrôlé par le Cndd-FDD, a saisi la Cour constitutionnelle de la question de la légalité d’un nouveau mandat du président sortant.

– ‘Menaces de mort’ –

Le 30 avril, lors d’un premier délibéré, « aucun consensus n’a pas pu se dégager » parmi les sept membres de la Cour et « ceux qui soutenaient le 3e mandat étaient mis en minorité », a raconté Sylvère Nimpagaritse. « Dès le soir du 30 avril, on a commencé à subir d’énormes pressions et même des menaces de mort, mais on a eu le courage de revenir le lendemain pour poursuivre les délibérations », a-t-il poursuivi.

« Deux de ceux qui avaient soutenu que le renouvellement d’un 3e mandat violait l’Accord d’Arusha et la Constitution ont eu peur » et ont changé d’avis, a-t-il continué, d’une voix rendue tremblante par la peur et les yeux embués de larmes.

« Ils m’ont confié que si jamais on ne se ravisait pas, on aurait humilié le président (Nkurunziza), qu’on risquait gros, qu’on risquait nos vies et qu’il fallait donc rejoindre l’autre camp », a-t-il ajouté, soulignant que les juges s’étaient vu expliquer que signer cette décision devait éviter l’embrasement du pays.

L’histoire récente du pays est marquée par les massacres entre Hutu et Tutsi, et les plaies de la guerre civile sont loin d’être refermées.

La décision de la Cour est attendue avant le 9 mai, date à laquelle la commission électorale doit publier la liste des candidats admis à se présenter à la présidentielle.

Mais les opposants au 3e mandat ont d’ores et déjà refusé de voir la Cour constitutionnelle jouer les arbitres. Elle est « composée d’enfants chéris de Pierre Nkurunziza qui n’ont rien à lui refuser », a estimé Pierre-Claver Mbonimpa, un défenseur réputé des droits de l’Homme.

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