Khartoum met en scène une victoire « décisive » au Darfour
Armés de lance-roquettes, des dizaines de véhicules 4×4 saisis aux rebelles sont exhibés par l’armée soudanaise à Nyala pour démontrer une victoire « décisive » face à la rébellion du Darfour douze ans après le début du conflit.
Alors qu’approche la saison des pluies, qui fait généralement taire les armes au Soudan, Khartoum étale fièrement son butin de guerre au c?ur de la capitale de la province du Darfour du Sud.
Sur les véhicules montés de lance-roquettes sont juchés des hommes en treillis, cartouches en bandoulière.
Ces 4×4 ont été pris fin avril au Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM), l’un des groupes luttant contre le régime au Darfour, à l’issue d’une bataille « indescriptible et décisive », selon le major Nimr Khalifa Abdel Hafiz.
« Nous avons saisi 164 Land cruisers (véhicules 4×4, ndlr) équipés de toutes sortes d’armements », expliquait la semaine dernière cet officier des « Forces de soutien rapide », sorte d’unité paramilitaire au service du régime, à des journalistes lors d’une visite à Nyala organisée par le gouvernement de Khartoum.
La victoire crânement brandie par les autorités soudanaises ne devrait pourtant pas s’avérer une étape si cruciale dans le conflit qui déchire le Darfour depuis 2003, quand des rebelles ont pris les armes pour protester contre leur marginalisation économique et politique par le régime d’Omar el-Béchir dominé par les Arabes.
« Nous ne cesserons pas de combattre ces criminels tant qu’ils s’attaquent à notre peuple au Darfour », promet ainsi un porte-parole rebelle.
Selon Khartoum, les hommes du JEM arrivaient du Soudan du Sud, pays frontalier, pour attaquer au Darfour quand ils ont été stoppés le 26 avril à Toullous, au sud de Nyala. Le JEM, qui nie être basé au Soudan du Sud, a admis via un porte-parole que ses forces avaient perdu « de nombreux combattants et leaders » et « près de 40 à 50 véhicules ».
– Stratégie « contre-productive » –
En douze ans, le conflit au Darfour a fait plus de 300. 000 morts et 2,5 millions de personnes ont dû fuir les violences, selon l’ONU. Les combats n’ont jamais cessé, même quand les casques bleus de la force conjointe ONU-Union africaine au Darfour (Minuad) s’y sont déployés. Cette force est aujourd’hui en passe de se retirer.
La répression qu’a orchestrée le président Béchir au Darfour lui vaut d’être recherché par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et contre l’humanité et génocide dans cette région grande comme la France.
Président depuis 1989 et un coup d’Etat, M. Béchir a été réélu en avril après une élection boycottée par l’opposition et critiquée à l’étranger.
Pour mater les insurgés, Khartoum a lancé l’an dernier ses « Forces de soutien rapide », qui ont cumulé les succès mais également les accusations de mauvaise conduite envers les populations civiles.
Mais selon l’International Crisis Group (ICG), la stratégie gouvernementale « d’une contre-insurrection centrée sur (cette) milice est contre-productive, notamment parce qu’elle attise la violence ».
Les négociations de paix au Soudan, interrompues en décembre, n’ont pas encore repris mais le président Béchir prévoit de lancer, début juin après son intronisation, un processus de dialogue national, sans que l’on sache encore qui -parmi l’opposition politique et les groupes armées- y participera.
A Nyala, sur la place où l’armée expose les fruits de sa « victoire », Mohamed Ibrahim Ishag en a assez du cycle infernal des violences et des combats qui ne résolvent rien.
Selon cet instituteur de 45 ans, les groupes armés comme le JEM « essaient de ruiner le Darfour ».
« Les morts des deux côtés sont notre peuple, le peuple du Darfour. Nous nous sommes assez battus », assure-t-il.
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