Nos ancêtres taillaient déjà des outils il y a 3,3 millions d’années
La découverte d’outils humains, vieux de 3,3 millions années, annoncée dans la revue Nature mercredi, révolutionne les connaissances sur l’évolution humaine en prouvant que nos ancêtres les fabriquaient plus tôt que ce que l’on pensait.
La découverte, faite à l’ouest du lac Turkana au Kenya, recule de 700. 000 ans l?apparition des premiers outils de pierre taillée. A ce jour, les plus anciens instruments dataient de 2,5 millions d’années. Ils avaient été découverts sur le site de Gona en Ethiopie.
Ces nouveaux vestiges sont également 500. 000 ans plus anciens que les premiers restes du genre Homo, notre ancêtre direct.
« Alors que la communauté scientifique a longtemps supposé que les premiers outils de pierre avaient été fabriqués par le genre Homo, notre découverte montre qu?un autre genre d?hominidé, peut-être une forme d?australopithèque plus ancienne, avait déjà toutes les capacités cognitives et motrices nécessaires à la fabrication d?outils », explique à l’AFP Sonia Harmand, de l’université Stony Brook, chargée de recherche au CNRS.
Jusqu’à maintenant les scientifiques considéraient que les Australopithèques étaient capables d’utiliser des outils mais incapables de les fabriquer.
« Notre découverte réfute l’hypothèse de longue date selon laquelle Homo habilis a été le premier fabricant d’outils », poursuit la chercheuse française qui codirige le West Turkana Archaeological Projet.
Ces nouveaux instruments mis au jour sont en majorité des blocs de lave, lourds et volumineux servant d’enclume, des percuteurs, des éclats ou des nucléus (des blocs de pierre débités pour produire des éclats ou des lames). Ces objets évoquent deux modes de fabrication d’outils: la technique dite « sur enclume » — le bloc est maintenu sur l’enclume par une main pendant que l’autre utilise le percuteur pour frapper et obtenir des éclats tranchants — et la technique dite « sur percuteur dormant » — le bloc à tailler est directement percuté sur l’enclume.
– Découper la viande, accéder à la moëlle –
Selon le CNRS, la grande variété des objets trouvés montre clairement que l’intention de ces hominidés était de créer des outils.
« Il est difficile de reconstituer le mode de vie des premiers hommes et des Australopithèques », commente Sonia Harmand: « On en sait plus sur leurs caractéristiques anatomiques grâce à la découverte de leurs restes osseux, que sur leurs comportements de subsistance ou même leur organisation sociale ».
« L?idée que les outils ont servi à découper de la viande (pour les éclats tranchants) ou à avoir accès à la moëlle des os (pour les plus gros blocs) est la plus conventionnelle », souligne-t-elle. « Mais à ce stade de nos recherches, il est trop tôt pour en dire plus ».
L’étude précise qu’il reste également à définir quelles espèces d?hominidés ont pu les fabriquer. Sonia Harmand ouvre des pistes: « Dans la région où nous travaillons, des restes d?un homininé majeur ont été mis au jour en 1999 et publiés en 2001 dans la revue Nature. Il s?agit de Kenyanthropus platyops dont les restes ont été découverts à quelques centaines de mètres de notre site archéologique et en association chrono-stratigraphique (même période géologique). Kenyanthropus platyops pourrait donc être un bon candidat pour la fabrication de ces outils ».
« Notre découverte correspond également chronologiquement à Lucy, puisque ce célèbre fossile d?Australopithecus afarensis est daté autour de 3,2 millions d?années. Lucy pourrait donc figurer parmi la liste des candidats potentiels. Il y a d?ailleurs quelques années, des collègues travaillant en Ethiopie ont publié la découverte d?os fossiles présentant des marques de découpe datant de 3,4 millions d’années. Le seul homininé présent alors dans la région était Australopithecus afarensis », dit Mme Harmand.
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