Au Kenya, les États-Unis veulent bloquer une nouvelle route de la drogue

A première vue, la descente de policiers dans une villa de Mombasa, sur la côte de l’Océan Indien au Kenya, n’avait rien d’extraordinaire. Menée en novembre par une unité d’élite de la brigade des stupéfiants du pays, elle a pourtant marqué un tournant dans la lutte contre le trafic de drogue en Afrique.

Au Kenya, les États-Unis veulent bloquer une nouvelle route de la drogue © AFP

Au Kenya, les États-Unis veulent bloquer une nouvelle route de la drogue © AFP

Publié le 4 juin 2015 Lecture : 3 minutes.

L’opération « Akasha », lancée après huit mois d’enquête américaine sous couverture, a été une première en Afrique de l’Est. Quatre hommes ont été arrêtés: deux fils d’un ancien baron de la drogue kényan, un trafiquant indien déjà condamné et marié à une starlette de Bollywood, et un important transporteur de l’Océan indien, surnommé « le Vieux ».

Le lendemain, une mise en examen était requise à New York, et une demande d’extradition émise. Sept mois plus tard, tout le travail accompli pourrait être anéanti. L’extradition des suspects vers les États-Unis est compromise, remettant en question les efforts internationaux pour bloquer une nouvelle « route du sud » qui permet d’acheminer de l’héroïne depuis les champs de pavot afghans jusqu’aux rues européennes et américaines, en passant par les côtes d’Afrique de l’Est peu surveillées.

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Baptisée « Smack Track », cette nouvelle route de la drogue qui joint l’Afghanistan à l’Afrique de l’Est, en passant par la côte du Mékran en Iran et au Pakistan, a été découverte en 2010, quand la police a attrapé deux Tanzaniens et deux Iraniens avec 95 kilos d’héroïne en leur possession dans le nord de la Tanzanie.

Depuis, le nombre de prises a augmenté de façon exponentielle. L’année dernière, près de quatre tonnes d’héroïne ont été saisies par des navires en mission de surveillance anti-pirate, près du double de ce qui avait été découvert en 2013.

Hamisi Massa, chef de l’unité anti-narcotique du Kenya, a expliqué que le pays était en passe de devenir une « destination émergente » et un « point de transit clé » du trafic d’héroïne.

– Unité d’élite –

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Quand une saisie a lieu en haute mer, la drogue est jetée par-dessus bord et les équipages peuvent poursuivre leur chemin, après une simple réprimande des policiers, impuissants.

Mais l’Agence de contrôle des stupéfiants américaine (DEA),l’Agence nationale britannique contre le crime (NCA) et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC)souhaitent obtenir plus qu’une simple tape sur les doigts des trafiquants. Elles collaborent donc avec les forces de sécurité de la région afin d’arrêter les cargaisons de drogue dans les eaux territoriales et poursuivre les suspects en justice en vertu des lois nationales. Ou, comme pour l’opération « Akasha », les extrader.

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« Il s’agit d’un accord collaboratif », a expliqué M. Massa.

Le DEA a mis en place en 2013 une unité d’élite de 16 hommes au sein du Département kényan de lutte contre la drogue chargés de débusquer les criminels les plus dangereux.

C’est à eux que l’on doit les deux plus gros coups de filet de l’année dernière, la saisie d’Al Noor, un boutre transportant 341 kg d’héroïne, et la capture des Akashas.

L’opération Akasha a commencé en mars 2014, avec un agent du DEA, qui s’est fait passer pour un membre d’un cartel colombien souhaitant obtenir de la drogue pour le marché américain. Ibrahim Akasha lui aurait personnellement livré 99 kilos d’héroïne, selon l’acte d’accusation américain de 21 pages.

L’acte décrit Ibrahim comme « le bras droit » de son grand frère Baktash Akasha, « leader d’une famille du crime organisé au Kenya », et Gulam Hussein, « le Vieux », comme « la tête d’un réseau de transport distribuant des quantités colossales de drogues à travers le Moyen-Orient et l’Afrique ». Vijaygiri Goswami, lui, « gère le commerce de la drogue de l’organisation Akasha ».

Des responsables américains sont convaincus que les frères Akasha ont repris l’affaire de leur défunt père, lui aussi prénommé Ibrahim.

Il a été tué à Amsterdam en 2000. Un cycliste lui a tiré dessus à quatre reprises alors qu’il se promenait avec sa femme sur Bloedstraat — littéralement la rue du Sang — dans le Quartier Rouge.

Les quatre hommes sont accusés d’avoir voulu importer de l’héroïne pure aux États-Unis à 9. 100 euros le kilo, un prix défiant toute concurrence.

Leur avocat, Cliff Ombeta, assure que ses clients ont été poussés au crime. La prochaine audience d’extradition se tiendra le 4 juin et les officiers des forces de l’ordre sont inquiets. M. Ombeta, ténor du barreau, a déjà remporté plusieurs victoires, en obtenant d’un juge que ses clients soient relâchés sous caution.

Les officiers craignent désormais qu’ils puissent échapper purement et simplement à un procès.

« Les affaires majeures seront toujours les plus sujettes à la corruption », déplore Alan Cole, directeur de l’Unité du crime maritime mondial de l’UNODC.

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